Peut-on encore sortir du purgatoire européen ?

OPINION. Les citoyens Européens doivent se saisir de la question cruciale de la dette, car derrière ce débat se cache un vrai choix de société. Par Michel Santi, économiste (*)
(Crédits : DR)

Il y a de bonnes raisons de craindre l'avenir en Europe - et de craindre pour l'avenir de l'Europe - lorsqu'un personnage modéré et foncièrement europhile comme Clément Beaune lance quasiment une supplique le 3 mars dernier dans Les Echos. Mais soyons réalistes, car les vieux routiers ayant pratiqué l'Europe savent bien que cette « opportunité historique de changer les règles budgétaires de l'Europe » que le Secrétaire d'État chargé des Affaires européennes appelle de ses vœux, ne sera évidemment pas saisi par des autorités européennes n'ayant suspendu les infâmes règles budgétaires du Pacte de Stabilité que le couteau sous la gorge.

Et que l'on ne soit pas impressionnés par les réponses fiscales et budgétaires accouchées au forceps l'été dernier, car elles représentent tout au plus 5% du PIB de l'Union. Quand les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie et même la Nouvelle-Zélande ont mis en place des programmes d'aides à leur économie de l'ordre de 10 à 20% de leurs PIB respectifs. La réalité ? Je qualifie depuis 2009 au travers force livres et analyses de «péché originel» de l'euro, lequel continue à tétaniser nos gouvernants européens, hélas même dans l'adversité. Les 750 milliards promis ne font que corroborer cette décourageante tiédeur européenne, et cette désespérante négation de solidarité. Le fait le plus pitoyable - entre autres - est que cette somme sera saupoudrée sur un laps de temps de 6 ans alors même que l'Union a perdu 15 points de PIB sur la seule année 2020 ! Que pourraient bien faire 4 milliards d'euros généreusement consentis à l'Italie, pendant quelques années hypothétiques, quand ce pays s'est appauvri de près de 170 milliards en 2020 ?

Lire aussi : Rouler sa dette : le coût du siècle !

Comme certains pays émergents dits «dollarisés» !

Pourtant, à la faveur de cette crise sanitaire, l'Européen a bien constaté que l'Europe peut, à condition qu'elle le veuille. Il a également compris que sa Banque Centrale européenne - intervenue énergiquement - peut bel et bien se muer en prêteuse en dernier ressort, à l'image de la Réserve Fédérale américaine ou de la Banque du Japon. Et ce contrairement à ce que l'hyper orthodoxie a bien voulu lui faire croire quand elle imposait du sang et des larmes aux nations qu'elle qualifiait avec mépris de cigales, au climax d'une prétendue crise dite des «dettes souveraines» qui n'avait en réalité nul lieu d'être. Cette prise de conscience du citoyen dans les imperfections de sa construction européenne n'est hélas pas encore parachevée, car un ingrédient fondamental fait toujours défaut, vu que les nations ayant adopté l'euro ne bénéficient encore et toujours pas d'une monnaie dite « souveraine ». Pour nous Européens, tout se passe comme si nous avons opté pour une devise étrangère - un peu à la manière de certains pays émergents dits « dollarisés » - et l'euro reste en quelque sorte comme une monnaie étrangère, un peu comme si par exemple la France avait indexé son franc à la monnaie européenne.

Autre fait élémentaire : une nation disposant du monopole d'émission de sa monnaie, souveraine, librement convertible, n'est jamais menacée de faillite, a fortiori s'il s'agit d'un ensemble comme l'Union européenne disposant du premier PIB mondial lui conférant donc une force de frappe redoutable ; Union qui n'a pas plus à craindre les expéditions punitives des marchés financiers, lesquels ne se sont évidemment pas privés de lourdement faire payer leur solitude à certains de ses membres comme l'Italie, l'Espagne, l'Irlande à travers les envolées des coûts de financement de leur dette publique, faute d'avoir été soutenues par une banque centrale prêteuse en dernière instance. Que le citoyen européen se saisisse de cette question cruciale car, derrière ce débat technique, se cache un vrai choix de société.


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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l'auteur d'un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé ».
Sa page Facebook et son fil Twitter.

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Commentaires 2
à écrit le 11/03/2021 à 9:34
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Il n'est pas question de faire une fixette sur la dette surtout quand c'est au préteur de s'inquiéter!

à écrit le 11/03/2021 à 9:11
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L'UERSS, empire prévu pour durer mille ans quand même hein il ne faut pas l'oublier, jamais, dans nos analyses, n'est qu'un déclin exponentiel semblant sans fin, nos dirigeants, complètement aliénés par leur pathologique cupidité, Nietzsche nous avai...

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