Présidentielle  : le premier tour de la défiance

Par Jean Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, Président de j c g a

Mais que diable veulent-ils aller faire dans cette galère ? Pourquoi se battre pour affronter la tempête de l'échec qui s'annonce ? Même s'ils ne nous l'ont que très peu décrit, les candidats à la présidentielle ne peuvent ignorer le réel de notre pays et de son contexte à venir. Incroyable campagne présidentielle qui occulte ou presque le bilan de François Hollande et de son ministre Emmanuel Macron. Inquiétante campagne qui dissimule la réalité profonde de notre pays que fragilise encore le durcissement de l'environnement économique et géopolitique global. Quel que soit le candidat qui sera élu en mai, il sait qu'il héritera d'une situation déjà complexe, mais qui va se détériorer très rapidement.

Les candidats ne peuvent ignorer le clap de fin d'une série économique et géopolitique aussi rare que bénéfique qui associait des taux d'emprunt extrêmement favorables, un coût de l'énergie fortement tiré vers le bas par la chute des cours du pétrole, une faiblesse de l'euro favorisant la compétitivité européenne et une forme fragile, mais réelle de stabilité géopolitique multipolaire. Ils savent que ce basculement place notre pays dans une position de grande fragilité.

Notre pays a zappé ce programme inédit, et avec lui celui de la timide, mais bien réelle reprise européenne. Ainsi sur les trois dernières années - 2014, 2015, 2016 -, notre croissance économique cumulée a été de 3 % alors que la moyenne des 19 nations de la zone euro montait à 4,8%.

Au moment où les taux d'intérêt remontent, nous supportons collectivement une dette publique mesurée fin 2016 à 2147,2 milliards d'euros.

Une dette qui gonfle inexorablement

Rappelons qu'il y a 10 ans, elle pesait 1 253 milliards d'euros. Cette dette c'est 98% de la richesse produite par la France. C'était 20% en 1980 ! En dépit d'une augmentation des impôts de plus de 65 milliards d'euros et de cette baisse historique des taux, le déficit n'a été réduit que de 5,1 à 3,3% du PIB depuis 2011. En cause la hausse des dépenses publiques : de 52,2% en 2007 du PIB sur la période à environ 56% en 2017. Record battu et risque explosif. Pour faire face, nous devions déjà emprunter 180 milliards d'euros chaque année. La hausse des taux d'intérêt de 1 point depuis l'été 2016 générera une charge supplémentaire de 12 milliards d'euros pour le prochain quinquennat.

Nous l'évoquions juste au-dessus, en 10 ans, la fiscalité a augmenté de 2,4% du PIB. Depuis 2007, entre 60% et 74% de la création de valeurs ajoutées fut mangée par l'impôt. Sarkozy et Hollande ont, en valeur, augmenté les impôts respectivement de 76,2 et 79,7 milliards d'euros. Pour quel résultat ?

La France souffre d'un chômage de masse : 6,6 millions de personnes visitent Pole Emploi ! Pire, avec un taux à 23,3% au quatrième trimestre 2016, 23,8% si l'on inclut les Dom, les moins de 25 ans restent les premières victimes de ce fléau incontrôlé. Et de loin puisqu'en 5 ans, le taux de chômage a cru de 9,2 à 9,7% (de la population active). Pendant ce temps dans la zone euro, il a baissé de 10,1 à 9,6%.

Le déficit extérieur de notre pays s'est creusé en 2016 pour atteindre 48,1 milliards d'euros, contre 45 milliards en 2015. La part du « made in France » dans la zone euro est tombées de 17,3% en 2000 à 13,4% en 2016.

Pour chacun de ces cinq grands paramètres de mesure de la compétitivité et de la santé économique : croissance, chômage, finances publiques, fiscalité, commerce extérieur ... la France fait désormais moins bien que l'ensemble de la zone euro, et pas seulement que l'Allemagne.

Certes la France demeure un poids lourd géopolitique...

Nous siégeons comme membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU. Nous disposons d'une dissuasion nucléaire indépendante. Nous demeurons la deuxième puissance militaire du monde occidental. Certes la France est la sixième puissance économique du monde. Mais l'offre politique présidentielle semble vouloir ignorer ou survoler les indicateurs de la compétitivité réelle. Pas la demande politique des citoyens qui connaissent trop bien le réel et ressentent précisément la gravité de la situation à venir. Dans ce décalage démocratique qui dure depuis trop longtemps entre offre et demande politique poussent les racines de l'insatisfaction citoyenne, parfois de l'abstention et souvent de l'indécision électorale. Ce dimanche, le résultat du premier tour sera construit entre rejet ou adhésion, mais très largement sans confiance politique.

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Commentaires 17
à écrit le 22/04/2017 à 9:44
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Les données sont effectivement terribles et montrent bien que l'on est pas sortis du marasme, et que la machine ne va pas repartir comme par enchantement, grâce à une croissance exogène principalement européenne.. Jamais offre politique n'aura été pl...

à écrit le 22/04/2017 à 9:40
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Le plus dur c'est de faire la part des choses entre propagande et information, ce qui me pousse a dire que les moins médiatiques sont les plus sérieux!

à écrit le 21/04/2017 à 14:45
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je reprend la remarque de johnmckagan : "Quel intérêt de balancer des tonnes de chiffres si c'est pour les sortir de leur contexte?" A commencer par le déficit de la balance. DEFICIT BALANCE COMMERCIALE Il a grimpé en 2016, alors qu’il avait ...

le 21/04/2017 à 15:45
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Pas d'accord du tout cher Marco1, les chiffres sont bien les bons et pas sortis du contexte que vous décrivez à votre sauce. La tendance est belle et bien là déclinante et incertaine compte tenu du contexte global que vous invoquez !

le 21/04/2017 à 15:59
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Et bien ! C'est vous qui réécrivez le réel sans honte ! Les chiffres sur 10 ans sont bien ceux délivrés dans ce très bon papier et la liste de cette triste tendance pourrait être rallongée sans difficulté!. Êtes vous susceptible d'être au chômage ? V...

le 21/04/2017 à 17:48
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L'article indique: "Le déficit extérieur de notre pays s'est creusé en 2016 pour atteindre 48,1 milliards d'euros, contre 45 milliards en 2015" C'est grave mais anecdotique puisque la tendance depuis plusieurs années est à la baisse. .... veuillez...

à écrit le 21/04/2017 à 14:23
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Quel intérêt de balancer des tonnes de chiffres si c'est pour les sortir de leur contexte? La dette? En pourcentage de PIB, elle est en baisse cette année. La croissance? Se limiter aux trois dernières années masque la réalité. La France n'a rien a...

le 21/04/2017 à 15:48
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Encore une fois que cela vous plaise ou pas, les chiffres sont bien là et ils décrivent un déclin. Ouvrez les yeux et préparez vous à commenter un autre match très prochainement. Quid du chômage ? Quid de celui des jeunes ? Quid de la fiscalité ? ......

à écrit le 21/04/2017 à 13:07
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#jeanchristophegallien, j'aime bien le pointage de l'absence de confiance mais j'insisterai aussi sur la nouveauté des 4 demi-finalistes ! Ce que vous avez fait sur France Info cette semaine il me semble. C'est là une bonne nouvelle !

le 21/04/2017 à 19:21
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Definitif, vous avez raison, voici l'essentiel : l'émergence de 4 courants très distincts en terme de base idéologique autant que citoyenne. C'est vraiment la good news qui va trouver un prolongement au coeur des législatives.

à écrit le 21/04/2017 à 12:21
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#jeanchristophegallien je tweet et retweet ca : "Ce dimanche, le résultat du premier tour sera construit entre rejet ou adhésion, mais très largement sans confiance politique." Bravo

le 21/04/2017 à 13:08
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@ClicClac c'est vrai que je partage votre enthousiasme mais encore une fois je pousserai les points positifs de cette élection : l'émergence de 4 offres politiques qui ne se superposent pas. La friction est bonne !

à écrit le 21/04/2017 à 11:57
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#jeanchristophegallien je tweet et retweet ca : "Ce dimanche, le résultat du premier tour sera construit entre rejet ou adhésion, mais très largement sans confiance politique." Bravo

le 21/04/2017 à 19:19
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Merci ClicClac pour ces compliments. Je pense en effet que la confiance a disparu pour un temps de l'espace politique.

à écrit le 21/04/2017 à 11:02
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"Ce dimanche, le résultat du premier tour sera construit entre rejet ou adhésion, mais très largement sans confiance politique. " Et oui, vérité qui ne fait pas la une des journaux, les gens vomissent les politiciens, le peuple serait largement p...

le 21/04/2017 à 12:16
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Citoyen Blasé, je crois que ces colonnes poussent dans le sens d'une ouverture vers des paroles libres, ouvertes parfois en friction. C'est l'honneur du travail de @LaTribune depuis de longues années et avec sa nouvelle équipe. Et oui il n'existe plu...

le 21/04/2017 à 13:10
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@CitoyenBlasé etes vous certains que tous les candidats sont à placer au même niveau d'imposture ?

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