Présidentielle : où les candidats se positionnent au sujet des énergies renouvelables ?

ANALYSE. Bien que clivant, le débat sur l’énergie semble aujourd’hui dépasser la simple question d’un choix entre les énergies renouvelables ou non. Par Melis Aras, Université de Strasbourg.
(Crédits : Bing Guan)

Conformément aux engagements internationaux (Accord de Paris sur le climat, 2015) et européens (Pacte vert pour l'Europe, 2019), la France affiche de fortes ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre exigeant une action rapide pour décarboner les modes de production et de consommation de l'énergie. Bien que la part de renouvelable dans la consommation finale brute d'énergie (2020) soit inférieure (19 %) à celle de la moyenne de l'Union européenne (22,1 %), le déploiement des sources d'énergies renouvelables constitue aujourd'hui un enjeu fondamental de la transition énergétique française tels qu'en témoignent les éléments chiffrés de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), 2019-2028.

Face à ce constat, les candidats à l'élection présidentielle (sauf Nathalie Arthaud qui n'a aucune proposition à ce sujet) ont des propositions très variées, certains proposant un mix énergétique 100 % renouvelable quand d'autres proposent l'arrêt, voire le démantèlement des parcs éoliens existants.

Bien que clivant, le débat semble aujourd'hui dépasser la simple question d'un choix entre les énergies renouvelables ou non.

Une transition énergétique avec ou sans nucléaire

La position politique pour un mix énergétique 100% renouvelable semble trancher l'épineux débat sur la sortie ou la relance de l'énergie nucléaire. La sortie du nucléaire est envisagée de manière consensuelle à l'horizon 2050, mais à différentes vitesses : sortir en 10 ans maximum pour Philippe Poutou (NPA) ; sortir de manière « responsable » en arrêtant 10 réacteurs d'ici 2035 pour Yannick Jadot (EELV) ; ne pas sortir avant 2050 comme il s'agit d'une « énergie de transition pour Anne Hidalgo (PS). Sa mise en œuvre est prévue notamment par le développement plus ou moins massif des technologies renouvelables.

 À titre d'exemple, le programme de Yannick Jadot annonce l'installation de 3 000 mâts d'éoliennes supplémentaires et de 25 GW de photovoltaïque en plus sur le quinquennat. Pour la faisabilité de la sortie, les programmes de Jean‑Luc Mélenchon (La France Insoumise), de Yannick Jadot et de Philippe Poutou insistent aussi sur la nécessaire réduction de la consommation d'énergie par la sobriété et l'efficacité énergétique.

Des propositions imaginées par la société civile

Les candidats se réfèrent également aux scénarios imaginés par différentes associations. Ainsi négaWatt 2022 vise la neutralité carbone en 2050 ainsi qu'un mix énergétique 96 % renouvelable. Afterres2050 souligne la possibilité de diviser par 2 nos consommations finales d'énergie, par 16 nos émissions de CO2 d'origine énergétique, et de réduire radicalement notre dépendance aux énergies fossiles d'ici 2050 en mobilisant fortement les énergies renouvelables. Enfin ils s'appuient aussi sur ceux de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie qui propose, entre autres, la décarbonation de l'énergie dans l'industrie.

Cependant, les programmes manquent de précisions relatives aux financements des investissements dans les énergies renouvelables (notamment ceux d'Anne Hidalgo et de Philippe Poutou), et à l'impact sur les consommateurs de la sortie du nucléaire (ceux de Philippe Poutou, de Jean‑Luc Mélenchon et de Yannick Jadot). Dans les programmes de Jean‑Luc Mélenchon et de Yannick Jadot, les citoyens-consommateurs d'énergie sont mentionnés uniquement pour la reconnaissance de leur rôle actif dans la transition énergétique à travers leur participation à la sobriété énergétique et aux projets d'énergies renouvelables.

La transition énergétique avec nucléaire, quant à elle, est présentée comme une orientation stratégique fondée sur la constitution d'un mix énergétique 100 % décarboné et national pour répondre aux objectifs climatiques et garantir une indépendance de l'approvisionnement en énergie, c'est-à-dire une souveraineté énergétique.

En ce qui concerne le couplage avec les énergies renouvelables, l'hydro-électricité demeure l'énergie renouvelable « préférée » des programmes pro nucléaires, notamment du fait de son ancrage national et de son caractère pilotable et flexible.

La relance de cette énergie est également envisagée dans les programmes de Marine Le Pen (RN), de Valérie Pécresse (LR) et d'Éric Zemmour (Reconquête !). Les programmes de Fabien Roussel (PCF) et d'Emmanuel Macron (LREM) présentent un couplage nucléaire-renouvelable plutôt harmonieux sans exclure aucune option énergétique.

À titre d'exemple, Emmanuel Macron souhaite poursuivre la construction de 6 centrales nucléaires (nouvelle génération), tout en multipliant par 10 la puissance solaire actuelle et implantant 50 parcs éoliens en mer d'ici 2050.

Les éoliennes terrestres écartées de la plupart des programmes

Les éoliennes terrestres sont écartées de la plupart des programmes soutenant l'énergie nucléaire, comme ceux de Nicolas Dupont-Aignan, d'Éric Zemmour, de Jean Lassalle et de Marine Le Pen, en raison de leur intermittence, de leur coût, et surtout de leur mauvaise acceptabilité par les citoyens.

Ils se réfèrent également aux arguments écologiques et anthropocentriques relatifs à la protection de la biodiversité et des paysages (y compris celle des cadres de vie). Considéré intermittent et non rentable en raison du problème de dépendance de la filière française, le photovoltaïque semble également générer de larges questionnements.

Certaines réticences sont présentes notamment dans les programmes d'Éric Zemmour, de Jean Lassalle et de Marine Le Pen. Cependant, ici encore, les programmes ne détaillent pas la « sortie » des « énergies intermittentes », éolienne et photovoltaïque - pourtant deux filières énergétiques recevant l'essentiel du soutien public actuel -, et ne précisent pas comment ils comptent renégocier les contrats en cours avec les porteurs de projet.

Entre souveraineté nationale et coopération européenne

L'élection présidentielle aurait également des impacts dans le choix de la mise en œuvre de la transition énergétique dans un contexte plutôt national ou de coopération européenne. Certaines propositions énergétiques relatives au nucléaire, à l'hydro-électricité, ou plus globalement, au marché européen de l'énergie, risquent en effet de heurter l'approche européenne. Bien que la nouvelle taxonomie européenne, créant un label « vert » pour l'électricité produite à partir des centrales nucléaires, contribue à la consolidation de la place du nucléaire dans le mix électrique français, certains candidats vont plus loin en proposant par exemple d'« imposer le nucléaire à l'échelle européenne comme étant le principal outil dans la lutte contre le réchauffement climatique ».

Au-delà du clivage gauche-droite, d'autres candidats s'accordent plus ou moins au sujet de la (re)nationalisation complète de l'Électricité de France (Nicolas Dupont-Aignan, Yannick Jadot, Jean Lassalle, ainsi que celle d'Engie pour Jean‑Luc Mélenchon, Fabien Roussel). Dans cette perspective, il est envisagé de financer les investissements en énergies renouvelables par la création d'un pôle public de l'énergie, ou de recréer une filière indépendante et d'excellence nucléaire, ou de redonner à la France l'initiative dans les secteurs clefs de l'économie, ou encore d'engager une réappropriation publique et sociale pour un service public de l'énergie puissant. Certains candidats souhaitent également revenir sur la libéralisation du secteur énergétique en s'opposant à la mise en concurrence des barrages hydroélectriques et en proposant la suppression de la libéralisation du marché de l'électricité, voire d'en sortir sans délais.

Une transition énergétique ou écologique ?

Enfin, s'il existe plus ou moins un accord sur l'évolution nécessaire et actuelle vers les énergies renouvelables, il n'existe pas d'une analyse politique holistique sur l'impact potentiel et les externalités négatives que le développement croissant des technologies renouvelables pourrait provoquer sur les écosystèmes.

Une politique écologique globale et cohérente pour développer des sources d'énergies renouvelables - prenant en compte l'ensemble du cycle de vie (de l'extraction des matériaux/production industrielle aux processus de démantèlement, de reconversion et de recyclage) et leurs impacts transgénérationnels, n'est pas suffisamment développée par les candidats à la présidentielle (sauf quelques lignes dans les programmes de Yannick Jadot et Jean‑Luc Mélenchon).

En outre, compte tenu de l'expansion mondiale de la capacité de production d'énergies renouvelables et de la dépendance géographique de chaque source d'énergies renouvelables, les inconvénients peuvent être décuplés dans un contexte transfrontalier et international, car le droit, en particulier le droit de l'environnement, ne permet pas d'évaluer l'empreinte environnementale complète de la production des sources d'énergies renouvelables.

Mieux tracer les énergies renouvelables

Face aux enjeux écologiques et climatiques et à la complexité des problèmes sociétaux et environnementaux, une innovation systémique pour la traçabilité des énergies renouvelables est nécessaire dans une perspective de durabilité. D'un point de vue juridique, certaines démarches ont été initiées afin de parvenir à une cohérence significative du lien énergie-écologie, à l'instar des critères de durabilité pour la biomasse s'appliquant à la biomasse consommée en France et aux matières premières utilisées pour leur production cultivées ou extraites en France ou à l'étranger, et de l'empreinte environnementale des panneaux photovoltaïques visant à réduire, par le biais de l'inventaire du cycle de vie, l'impact environnemental de la production d'électricité à partir des panneaux photovoltaïque. Cependant, la réglementation reste fragmentée et lacunaire.

Aussi, la question qui se pose est de savoir comment réglementer au mieux la traçabilité des énergies renouvelables pour la transition vers des systèmes durables. Comment encadrer la traçabilité comme outil de transition écologique ? Ces questions recouvrent inévitablement les problématiques relatives à la gouvernance, à la transparence et à l'information et à la participation du public/usager/consommateur, qui semblent pour l'heure, avoir été omises par les candidats à l'élection présidentielle.

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Par Melis Aras, Postdoctoral Researcher, Université de Strasbourg.
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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