Qui gagnera au jeu de « poker menteur » entre Emmanuel Macron et Édouard Philippe ?

POLITISCOPE. La garde rapprochée du Premier ministre fait bloc pour défendre le locataire de Matignon face aux assauts de l'Élysée qui prépare de moins en moins discrètement l'opinion à un départ d'Édouard Philippe, après le déconfinement. Jeu de dupes ? Infos ou intox ? Les scénarios sur la succession à Matignon s'échafaudent dans les coulisses de la pandémie.
(Crédits : Reuters/Philippe Wojazer)

C'est Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, qui lâche ce bon mot à l'un de ses visiteurs : « Entre Emmanuel et Édouard, on assiste à un vrai poker menteur en ce moment ». Depuis des jours effectivement, la presse bruisse d'échos sur un éventuel départ d'Édouard Philippe de Matignon d'ici l'été. Nous autres journalistes assistons à de véritables chamailleries entre les entourages à coups de offs.

À Matignon, la charge est lancée par Charles Hufnagel, le conseiller communication, et par Thierry Solère, qui fait office de conseiller politique. De son côté, l'ex conseiller d'Alain Juppé, Gilles Boyer, devenu député européen, fidèle parmi les fidèles du Premier ministre, y va aussi de ses saillies. Le sujet de ces confidences ? Le Premier ministre est l'objet d'attaques répétées du président qui aurait décidé de s'en séparer à terme. La garde rapprochée de Philippe fait bloc, et répète à l'envi que leur champion se sacrifie au travail, garde le sens de l'État, et essaye d'assurer le confinement le plus sûr, malgré les critiques. Bref, le storytelling est tout trouvé : si les tensions existent entre Matignon et l'Élysée, elles sont du fait du chef de l'État.

Fébrilité

Dans un match de tennis, on appelle cela jouer en fond de court. À l'inverse, la fébrilité semble s'emparer de l'Élysée, qui tente malgré tout de récupérer quelques volées au filet. Malheureusement, chaque intervention médiatique du chef de l'État est scrutée, et souvent en sa défaveur. Commentateurs autorisés comme twittos intempestifs ne réfrènent plus leurs critiques à l'encontre d'un président qui est apparu trop souvent en retard d'une « guerre » face au Covid-19. Résultat, les sondages se suivent et se ressemblent : Emmanuel Macron subit un retard de dix points de popularité par rapport à son subordonné Édouard Philippe. Tel un Nicolas Sarkozy s'énervant contre son « collaborateur » François Fillon, le président multiple les piques à l'égard de son Premier ministre, directement ou indirectement.

Scénario catastrophe

Dans ce jeu de dupes, qui va réussir à tenir jusqu'au bout, qui restera le maître des horloges ? Édouard Philippe va-t-il se faire congédier et partir par la petite porte, ou va-t-il imposer au président son départ en majesté ? « On pourrait revivre l'été 1976 avec un Premier ministre qui impose sa démission au président, comme Chirac avait réussi à le faire face à un Giscard désemparé », remarque justement un rare macroniste à ne pas oublier l'histoire politique. Pour la petite histoire, l'été 1976 était déjà un été de crise sanitaire, avec un temps caniculaire et de terribles sécheresses... « Philippe estime qu'il ne peut plus gouverner comme il l'entend, et s'aperçoit qu'il arrive à se maintenir dans les sondages contrairement au président. S'il arrive à assurer sans trop de casse le déconfinement, il pourrait surfer là-dessus, et jouer sur l'anti-popularité de Macron », estime notre source. Un scénario catastrophe pour l'Élysée. Un proche du « PR » tente d'ailleurs de se rassurer : « Philippe n'a pas de groupe politique, Il est haï par les LR. Les LREM ne l'aiment pas. Avec Bayrou, c'est la guerre. Et avec Blanquer et Castaner, c'est tendu ».

Lire aussi : Déconfinement le 11 mai : Philippe mis devant le fait accompli par Macron

Pacte secret

Pour autant, le conseiller d'État Édouard Philippe, et son équipe, disposent d'atouts indéniables. Depuis le début du quinquennat, Matignon dispose ainsi de relais solides au cœur de la technostructure de l'État, malgré la prééminence élyséenne. Conséquence : une partie de la presse acquise à la continuité de l'État - et à ses sources dans la haute fonction publique -  lui est également acquise, alors que l'Élysée a multiplié les impairs et autres vexations vis-à-vis de la corporation journalistique.

Depuis les primaires de la droite en 2016, Philippe bénéficie aussi d'un pacte secret entre éléphanteaux de sa génération. Sous la macronie, l'équipe du Bellota Bellota - du nom de ce restaurant du 7e arrondissement où se réunissaient alors Édouard Philippe, Gilles Boyer, Thierry Solère, mais aussi Gérald Darmanin ou Bruno Le Maire - continue de se serrer les coudes, et pourrait se partager les places dans un nouveau jeu de chaises musicales : « En réalité, avant même 2017, les quarantenaires et cinquantenaires de la droite qui en avaient marre de ronger leur frein s'étaient déjà répartis les postes, quel que soit le vainqueur », analyse un ancien de cette époque.

La carte Pécresse

Dans cette perspective, un probable départ d'Édouard Philippe, quel qu'en soit le contexte, aiguise d'ores et déjà les appétits à droite. Si Bruno Le Maire a mené bruyamment campagne ces derniers jours, Valérie Pécresse, la présidente de la région Île-de-France, est loin d'avoir dit son dernier mot. L'un de ses anciens proches n'est autre que Paul Midy, devenu directeur adjoint d'En Marche et fugace directeur de campagne de Benjamin Griveaux et d'Agnès Buzyn : « ces dernières semaines, Pécresse a mis de l'eau dans son vin, sur-jouant l'union nationale. Elle veille à ne pas tacler le gouvernement, et à ne se fâcher avec personne, même pas avec Hidalgo ! Et puis une femme à Matignon serait un beau symbole... », remarque un macroniste. Ce choix permettrait surtout à Emmanuel Macron de laisser à droite Xavier Bertrand et François Baroin s'entretuer avant 2022...

Statu quo

Mais ce scénario déjà écrit pourrait tout simplement tomber à l'eau. Car quelle que soient les tensions entre Édouard Philippe et Emmanuel Macron, leurs doubles technocratiques, Benoît Ribadeau-Dumas, le directeur de cabinet de Matignon, et Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Élysée, sont peut-être les seuls à ne pas avoir intérêt à sortir du statu quo. Depuis 2017, ces deux énarques ont la haute main sur l'État sans être mis en face de leurs responsabilités. Éloignés des projecteurs médiatiques, ils semblent comme sortis indemnes de la gestion pour le moins hasardeuse de l'épidémie en France. « L'axe Kohler-Ribadeau est un gros point bloquant dans l'hypothèse d'un changement de Premier ministre », confirme un proche du chef de l'État. « Kohler est un véritable verrou, le dark power de la macronie. Il n'a aucun intérêt à voir partir Philippe et son équipe. Car si Philippe part, il peut sauter lui aussi », commente un acteur de la majorité. Depuis son passage à Bercy et sa conquête présidentielle, Alexis Kohler est l'âme damnée d'Emmanuel Macron, partageant tous ses secrets : « C'est bien le souci pour le président. Kohler est finalement devenu sa plus grande faiblesse. Mais s'il veut s'en sortir et rebondir en 2022, il doit le sacrifier ». Dit autrement : pour gagner en 2022, Macron doit oublier ses démons de 2017...

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Commentaires 27
à écrit le 08/05/2020 à 10:31
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Cette dualité entre les têtes de l'exécutif n'intéresse guère les Français, seulement MACRON qui se prépare à se séparer d'un premier ministre qui depuis 2 mois fait tout le "sale boulot" à sa place, et passe nettement devant lui à plus de 40% d'opin...

à écrit le 07/05/2020 à 23:17
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Le premier de cordée est à coté de ses crampons quand le premier ministre , solide , fait le job . Que croyez vous qu'il arriva ? C'est le premier ministre qu'on remplaça !

à écrit le 07/05/2020 à 22:22
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Il semblerait qu'il s'en sépare en juin ou sept. A deux ans du second tour, ERREUR : aucun Ministre ne sera à la hauteur. E.Philippe, solide et charismatique, fait de l'ombre au Président ? Sans lui ! Macron serait plus fragilisé, Que ce so...

le 08/05/2020 à 9:40
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Bof,vieille stratégie de communication pour déstabiliser les gens.L'un dit blanc,l'autre noir a tour de role.Ainsi la critique post épidémie sera plus difficile a cibler.

à écrit le 07/05/2020 à 19:08
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Darmanin est un reptile et un scion de Sarkozy. On ne peut pas croire un seul mot issu de ses levres.

à écrit le 07/05/2020 à 18:19
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Finkelkraut, heureusement ni du centre ni de droite, a dit une chose sensée cette semaine : Macron pour être crédible doit s'entourer de poids lourds de la politique, pas des amateurs comme Philippe et autres, comme il n'y a personne à gauche pour l'...

le 07/05/2020 à 21:58
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Heu... Le Drian n'est pas militaire.

à écrit le 07/05/2020 à 17:58
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Interrogé sur de potentielles dissensions avec le président Emmanuel Macron, Edouard Philippe a répondu sèchement : «Depuis trois ans qu'il m'a été donné de pouvoir travailler avec le président de la République, j'ai toujours constaté d'une confiance...

à écrit le 07/05/2020 à 17:32
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Il ne fait l'ombre d un doute que ces deux là sont complémentaires , la meilleure équipe que l'on puisse trouver . Maintenant les scribes ne sont là que pour vendre des feuilles de choux . Pour mémoire on voyait Edouard maire de Paris puis du Havre.....

à écrit le 07/05/2020 à 17:10
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hidalgo premier ministre pour qu elle laisse paris à buzin puis la virer comme elle le mérite une fois l election a paris remportée par lrem

à écrit le 07/05/2020 à 15:55
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trop d'ombre sur jupiter....via....

à écrit le 07/05/2020 à 14:45
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Philippe , mème confiné aux tâches d'éxécuteur est BEAUCOUP plus crédible que Macron qui malheureusement ne partira pas lui !

le 07/05/2020 à 21:57
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Philippe crédible ? Vous plaisantez j'espère. Il ne l'est pas plus que son maître

le 08/05/2020 à 2:16
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Dans la vie on juge sur des actes pas des faits, on a glosé sur Fillon bla bla bla, sa ville Sablé est une ville belle avec de nombreux emplois; un des plus faibles taux de chômage de France ~6%, en réalité ceux qui chôment sont ceux qui ont pas envi...

à écrit le 07/05/2020 à 14:01
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ce serait la meilleur chose qui puisse arriver au pays de voir le départ de Philippe, le fils de Jupé avec le meme résultat: Gestion des gilets jaunes, gestion des retraites, gestion du COVID19 et état catastrophique des finances du pays meme avant l...

le 07/05/2020 à 14:46
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Tout ce que vous imputez a Philippe n'est QUE du Macron pur jus !!! N'inversons pas les responsabilités !

à écrit le 07/05/2020 à 13:50
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avec un peu de chance il sera candidat en 2022 nous pourrons choisir

le 07/05/2020 à 14:48
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Je pense que vos faites erreur. Macron a tout pensé et organisé pour que les français n'aient justement pas le choix en 2022. Ce sera le remake de 2017. Marine est la seule opposition crédible, à tort ou à raison, que cela plaise ou non. Cette situ...

à écrit le 07/05/2020 à 11:27
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On essaye toujours de monter sur les épaules des autres pour paraître plus grand et si l'on est plus lourd, on écrase tout! L'un veut suivre le programme imposé par l'UE, l'autre a reçu des ordres pour remettre la France en état de continuer ce prog...

à écrit le 07/05/2020 à 9:54
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Ben c'est qu'il a un programme à respecter notre président, celui ordonné par les marchés financiers, alors c'est bien beau le covid, la crise économique mais il est pas là pour ça, il est là pour dépecer le pays et l'offrir à ses maîtres et il perd ...

le 07/05/2020 à 11:11
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Comment peut-on dire de telles bêtises !

le 07/05/2020 à 14:37
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Réponse à marc469 : désolé, mais citoyen blasé a raison. Vous êtes un des rares à ne pas voir l'agenda destructeur de Macron (au hasard : Alstom, Nexter HGH Infrared, la Cnim ce matin, les retraites, le chômage, le social, l'éducation etc etc...) ...

le 07/05/2020 à 15:02
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@ multipseudos:"Comment peut-on dire de telles bêtises ! " Ben arrête hein, tout simplement...

à écrit le 07/05/2020 à 9:38
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La maison brule et ces guignols s'echarpent ! Personne pour s'opposer a cette infernale destruction ? Que font les depites et autres senateurs inutiles et rassasies de l'argent des francais ? Rien.

à écrit le 07/05/2020 à 9:25
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On s'en moque ce sera d'autant mieux si ils sont divisés devant le tribunal on aura plus de chance de savoir la vérité sur leurs erreurs, incompétences, meurtre délibérés.

le 07/05/2020 à 14:43
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Sur le fond, vous avez raison. Le problème est qu'il n'y aura ni tribunaux, ni commission d'enquête digne de ce nom. La macronie a confisqué la démocratie (il n'y a qu'à voir l'inutilité de l'assemblée nationale depuis 2017), et est en train d'érige...

à écrit le 07/05/2020 à 9:08
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Ahhh la macronie !! Il est merveilleux le nouveau d'après !! Ils sont magnifiques nos deux héros, avec leurs écuries respectives.

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