Redonnons tout son sens au mot patron  !

OPINION. Depuis de nombreuses années, seule la performance financière semblait compter pour une entreprise. Alors que l'histoire récente et particulièrement les dernières crises financières ont nourri la défiance des populations, un système économique sain peut-il être fondé sur des profits à court terme au détriment d'un développement durable et socialement responsable à long terme ? Par Delphine Jouenne, Associée fondatrice du cabinet Enderby
(Crédits : DR)

Pour toute une nouvelle génération de salariés, l'entreprise ne représente plus une fin en soi ou encore un accomplissement, mais le moyen de servir une cause plus grande. Le candidat recherche du sens, une entreprise et un management en qui il peut se reconnaître. Le rôle du dirigeant devient alors essentiel. Et si cette nouvelle ambition de l'entreprise permettait de redonner tout son sens au mot patron ?

Le patron : un terme polysémique aux origines latines

Dirigeant, entrepreneur, boss, PDG... la langue française regorge de mots pour désigner le patron. Souvent décrié, il est pourtant celui qui navigue, étymologiquement entre le protecteur et le symbole d'autorité. En effet, le terme vient du latin patronus, lui-même dérivé de pater, le père, celui qui porte la responsabilité de ses enfants et de ses salariés. C'est également une référence au patricien, celui qui se constitue une clientèle en prenant sous son aile des personnes défavorisées qui deviennent, de facto, redevables. Le mot a conservé, dans l'inconscient, cette notion de condition sociale mettant en miroir le patron, celui qui a une position sociale, une richesse personnelle et son obligé qui dépend du premier. Il existe également un autre sens du mot patron, celui qui représente le modèle, la pièce qui, en confection, donne les dimensions facilitant la reproduction...tout simplement l'exemple à suivre.

Le patron a souvent été, dans l'inconscient populaire, celui que l'on pointe du doigt dès lors que des difficultés économiques surviennent dans l'entreprise.  Nous sommes bien loin du saint patron. Flaubert écrivait déjà dans son Dictionnaire des idées reçues : « Entrepreneur : profiteur, ou exploiteur; patron : de droit divin ». Plus récemment, le documentaire « Merci Patron ! » de François Ruffin met en lumière les répercussions d'une décision patronale pour une famille touchée par le chômage suite à la délocalisation de l'usine qui les employait. Se pose donc la question de la légitimité du profit tant d'un point de vue politique que moral dans une société où cohabitent l'initiative individuelle et la protection sociale.

Réinventer le rôle du dirigeant en période de crise sanitaire

Ainsi, être patron ne signifie pas d'être contre, mais avec ses salariés. C'est rechercher la réussite de l'entreprise et donc la réussite collective. Les réflexions qui sont en cours sur la raison d'être, mais aussi les différents statuts de l'entreprise (à mission ou B Corp) amènent obligatoirement à réenchanter le rôle du dirigeant de l'entreprise, qui, s'il fixe un cap pour l'entreprise, doit aussi penser le rôle de cette dernière au sein de la société. Réfléchir à l'intérêt général peut passer par la mise en place d'actions de mécénat, et ce, quelle que soit la taille de l'entreprise, afin de mobiliser et engager les salariés. Plus de la moitié des grandes entreprises ont mis en place un programme de mécénat de compétences, selon une enquête menée par l'association Admical en novembre 2020 auprès de plus de 1 400 structures. Repenser le rôle du dirigeant c'est également réfléchir au bien-être des employés et donc à leur santé mentale. Anxiété, perte de repères, stress, en ces temps incertains de crise sanitaire, le patron doit prendre soin de ses salariés, au-delà de la réglementation habituelle avec flexibilité, respect et bienveillance.  La démonstration, concrète et transparente, des efforts fournis par les dirigeants en ce temps de crise inédit fut, pour la plupart des cas, un témoignage autant qu'un impératif pour permettre la mise ne mouvement des transformations pressenties, mais non encore entamées.

Redonner une nouvelle dimension au patron ne signifie pas pour autant le retour au patriarcat. Et si, en repensant ce rôle, nous repensions également celui de l'économie, cette maison (au sens étymologique du terme) où nous cohabitons tous, où chacun tient sa place, où règnent confiance et respect mutuel au service d'une performance respectant un équilibre humain, économique et environnemental ? De patron à daron, il n'y a qu'un pas étymologique et si, comme dans le rap, les daronnes sont des madones, il est peut-être enfin venu le temps des patronnes !

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Commentaire 1
à écrit le 14/02/2022 à 10:15
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Merci, il serait temps en effet de redonner du sens au mot travail en arrêtant de dire que les français sont des feignants parce qu’ils ne veulent pas bosser pour 50 euros par mois et finir brulés dans leur usine vétuste avant 50 ans comme au Banglad...

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