Renault, l'éternel phénix

Victime de l'Etat actionnaire ? Victime de ses syndicats ? Renault serait en réalité victime d'une ambition inconstante. En effet, après une année 2015 marquée par des échanges houleux entre l'Etat, son partenaire nippon et le reste de sa structure actionnariale, l'année 2016 démarre fort mal pour la marque au losange, dont l'une des stars des ventes européennes, le Captur, trahit une politique d'investissements techniques minimalistes. Par Adrien Aubert, Senior Manager chez Vertuo

Une ambition desservie par des investissements inégaux ? Beaucoup de conducteurs ont encore en tête la tentative de Renault d'entrer chez les constructeurs généralistes premium au début des années 2000, avec les résultats que l'on sait :
- Une Vel Satis bien trop décalée sur un marché par nature conservateur
- Une Avantime bâclée dont les finitions & motorisations étaient indignes de sa silhouette de « coupéspace » qui n'aura pas non plus su séduire
- Des Espace IV, Laguna II & Mégane II avec, à l'époque, un fort contenu technologique mais trop peu mature, qui s'est soldé par une dramatique débâcle qualitative, avec notamment un taux record de pannes immobilisantes

Renault manque le train SUV

Comme un dernier camouflet adressé à sa gamme, Renault manque alors le train SUV dont le marché explose réellement en Europe à partir du milieu des années 2000
Cette série noire, non contente de générer une image assez peu valorisante, trahissait surtout l'incapacité du constructeur à aller au bout de sa démarche, soit par manque de moyens (des plates-formes & motorisations loin des standards allemands) soit par frilosité (des sous-traitants et outillages industriels sélectionnés en priorité sur une logique de coût plutôt que de rapport qualité/prix).

La course aux volumes

Après ces épisodes malheureux, la quête de croissance a pris une toute autre tournure, avec une réorientation vers la course aux volumes pour compenser des marges unitaires parmi les plus basses du marché (inférieures alors à 3%). C'est dans ce contexte que Dacia a resurgi du passé et a, pendant de nombreuses années, sauvé les ventes du groupe en Europe ; et c'est également dans cette optique que naquirent les modèles de la seconde moitié des années 2000, simples, robustes, très standardisés, focalisés sur des petits moteurs Diesel, une sorte de « Back to basics by Renault » en quelque sorte. Une posture alors totalement à contre-courant de la stratégie outre-Rhin, pourtant remarquable.

L'échec du véhicule électrique

Dans la foulée était inaugurée une gamme de véhicules « zéro émission », dont les performances commerciales, qui plus est rapportées aux prévisions initiales de vente, laissent à nouveau perplexe sur la lucidité de certaines instances dirigeantes (notamment eu égard à la lenteur prévisible de notre administration sur la question des infrastructures dédiées aux véhicules électriques). En 2009, Carlos Ghosn visait pour 2020 10% du marché européen électrifié... "Suroptimisme" ou méthode Coué, toujours est-il qu'entre 2010 et 2016, Renault a écoulé à peine plus de 60 000 véhicules « ZE », soit environ cinq fois moins que prévu...

Le pari dangereux sur l'Amérique du Sud et la Russie

Un management à nouveau mis sous les feux des projecteurs lors du licenciement à l'été 2014 du numéro 2 du Groupe, Carlos Tavarès, grand amateur de la question automobile et de compétition (il est principalement à l'origine de la relance d'Alpine), dont l'ambition pour Renault l'amènera... au poste de grand patron de PSA ! Très médiatisé, il commençait à faire de l'ombre et à infléchir les positions de son numéro un, qui en a repris les rôles et fonctions.

Un management d'autant plus ébranlé qu'il a longtemps parié avec une croissance structurelle rapide sur deux grands marchés : l'Amérique du Sud au début des années 2000, et plus récemment la Russie. Or, ces zones, en particulier la Russie, connaissent depuis maintenant de nombreux mois, des décroissances à deux chiffres qui viennent remettre en question les prévisions annuelles et donc la stratégie de développement. Ironie du sort, Renault s'implante tardivement en Chine, qui annonce de sérieux signes d'essoufflements. Finalement, le marché européen a beau être saturé, il n'en demeure pas moins une valeur sûre, plus résiliente lors des retournements de cycle économiques et génératrice de marges bien plus importantes.

Nouvelles équipes, nouvelles approches

Mais ces erreurs appartiennent peut-être au passé. En l'espace de 18 mois, la gamme vient d'être totalement revisitée : un vaste plan produit est en marche et son déroulement a, entre autres succès, boosté le phénomène des crossovers urbains dont le Captur a pris la tête des ventes en Europe, et plus globalement donné une vraie cohérence à la gamme, du point de vue stylistique (signatures lumineuses, calandres, etc.) et technique (généralisation de la plate-forme modulaire, du système 4-Control, des technologies digitales embarquées, etc.), laissant au final planer une onde d'espoir pour ce constructeur plus que centenaire.

Le partenariat avec Mercedes, initié pour des synergies entre Smart et la dernière Twingo, s'est renforcé avec des échanges de bonnes pratiques sur les procédés industriels, des conseils sur le choix de matériaux et les méthodes de contrôle qualité en bout de chaîne d'assemblage.

La politique du moindre effort

Est-ce que cela sera suffisant ? Renault reste coutumier d'investissements « du moindre effort », comme en témoignent les insuffisances techniques de ses dispositifs de dépollution, dont les conséquences en réputation et image, confirmées par une claque boursière le vendredi 15 janvier dont on espère qu'elle servira de leçon à la CGT Renault, adepte du communiqué de presse assassin, coûteront bien plus cher à moyen terme que la campagne de rappel afférente.

Les succès en F1, mais sans retombées

Autre illustration de ces paradoxes récurrents : Renault dépense des fortunes pour ses multiples activités en compétition automobile, avec un succès indéniable notamment en F1 (11 titres mondiaux en 35 ans, 4 titres de motoriste en 6 ans), mais avec une sous exploitation marketing désolante : quel résultats sur les ventes, quels bénéfices dans les technologies embarquées, quelles offres premium ?
L'Alliance Renault Nissan, qui a notablement tardé à s'implanter en Chine (en leur souhaitant que la crise actuelle s'en tienne à un choc conjoncturel), dispose en son sein de vraies pépites. Par exemple, une marque Infiniti positionnée sur les segments premium (avec ce que cela suppose de procédés industriels, de technologie, de réseau et de gestion SAV), des modèles Nissan mondialement reconnus tels que la GT-R (qui ne demanderait sans doute qu'à mutualiser ses coûts). On ne peut alors que s'étonner de la faible capitalisation de l'Alliance sur ces atouts de taille : pour s'en tenir à nos deux exemples, Infiniti a dû aller chercher un partenaire industriel chez Mercedes Benz plutôt qu'en interne et la gamme Renault Sport ne compte que deux modestes véhicules (dont un en fin de carrière). Quant à la relance d'Alpine (qui prévoit à court terme la commercialisation d'une berlinette puis à moyen terme d'un SUV), en l'absence d'informations techniques confirmées, il est trop tôt pour se prononcer.

« Ce qui est criminel ce n'est pas d'échouer, mais de viser trop bas. »

Certains vont rétorquer que trop d'ambition peut nuire à la santé et à la clairvoyance de certaines décisions. Ce ne sont probablement pas Toyota, englué dans de monstrueuses campagnes de rappel sur l'ensemble de ses marchés, ni Volkswagen, piégé par la fraude aux émissions polluantes, qui affirmeront le contraire. A sa façon, Renault tente régulièrement, rate souvent, renaît à chaque fois. En attendant davantage de recul sur les ventes et la fiabilité d'une gamme renouvelée et repositionnée vers le haut, il faudra s'en contenter : pour le moment, le rêve n'est pas encore permis.

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Commentaires 22
à écrit le 23/10/2016 à 8:46
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Tailleur qui avez raison ? 22/09/2016 Dieselgate : Renault en 1re ligne ? Extrait de l'article : «Renault, le plus gros pollueur» Sans commentaire Source : republicain-lorrain.fr lire l'article : http://www.republicain-lorrain.fr/france...

à écrit le 19/10/2016 à 9:50
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A relire ce billet on voit la pertinence de Adrien AUBERT ! il semble qu'il ait tout faux !! A quand des analystes sérieux ??

à écrit le 29/02/2016 à 22:40
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Selon QUE CHOISIR de Fevrier 2016. Renault n'est seulement que 16ème en matière de fiabilité. Et renault est 2ème en nombre de rappels. Que dire de plus sur la mauvaise qualité des véhicules Renault. On pourrait parler peut-être des résultats de la c...

à écrit le 28/02/2016 à 17:27
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Sur le thème inédit et ..poilant, vw vend plus de saucisses que de voitures, un jour je sens bien qu' ils prétenteront le Konkours de la plus grosse..!! "Le plus grand constructeur automobile allemand, Volkswagen AG, ne produit pas que des véhicul...

à écrit le 28/02/2016 à 17:26
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RENAULT est le troisième constructeur, deuxième européen en terme de fiabilité à l'enquête Auto Plus de janvier 2016, les allemands de Vag n' atteignent tjrs pas la moyenne étant à parti de ..11ème, Audi est le ..dernier, comme l' an dernier, 20 ème ...

le 29/02/2016 à 22:43
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A qui appartient Autoplus ! Prenez les résultats de QUE CHOISIR de 02/2016 et la vous aurez les bons chiffres. Renault seulement 16ème constructeur en matière de fiabilité. (PS VAG n'est pas le sujet de l'article alors pourquoi parler de VAG à moins ...

à écrit le 26/02/2016 à 22:15
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Des nouvelles sur Renault : Homicide involontaire http://www.leparisien.fr/flins-sur-seine-78410/l-usine-renault-de-flins-poursuivie-pour-homicide-involontaire-22-02-2016-5568691.php Débrayage http://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/le-m...

le 28/02/2016 à 17:36
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Et si vous nous disiez pour qui vous travaillez pour ..gagner du temps..? La réputation de Vw group n' est plus à faire, l' Argus l' a habillé chaudement pour l' hiver l' été dernier.. "A l’occasion d’une interview réalisée en 2011, Jacques Ri...

à écrit le 26/02/2016 à 17:49
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article à charge. cad, pas faux mais vraiment déséquilibré. Une entreprise c'est de la prise de risque , et on ne gagne pas à tous les coups (Electrique). Renault est en train de réaliser une parcours remarquable. le seul fait que vous ne parliez pas...

à écrit le 25/02/2016 à 21:01
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Pour pouvoir rebondir ils doivent d'abord indmeniser les clients victimes de pannes récurrentes pas ou peu indmenisées. Mais ils préfèrent faire du NOX et se moquer des clients (selon la commission Royal Renault fait parti des plus grands pollueurs)...

le 21/10/2016 à 18:27
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Les SAV, parfois rétif à rembourser, il est vrai, ne peuvent y pallier lorsque vous pouvez justifier d'un entretien respectant les préconisations constructeurs ; Et, si seul vous n'y arrivez pas, des automobiles-clubs, des magazines auto nous aide...

le 23/10/2016 à 8:48
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Dans mon cas ils ont reconnu par écrit que l'entretien a été effectué correctement ! Mais le service client ne veut rien savoir. Il faut rappeler que je me suis trouvé en panne sur autoroute, que la panne été connue de renault (solution actis 4518) ...

à écrit le 25/02/2016 à 12:40
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On dirait du pierre gaby Verdevoye, le genre de journaliste qui a passé son temps sur LT à flinguer les françaises pendant des années avant de prendre le large.. Ce monsieur Aubert devrait regarder plus étroitement les résultats commerciaux 2015 du ...

à écrit le 25/02/2016 à 11:09
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Si cet article peut soulever des interrogations, ce n’est pas tant par son contenu que par son existence. Cette diatribe contre Renault est vide de sens. Les résultats commerciaux et financiers de cette société suffisent à démontrer l’inanité de cet ...

à écrit le 25/02/2016 à 10:14
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Trés bonne tribune, Carlos Ghosn est responsable des difficultés de la marque, il est omnipotent, ne supporte aucune voix différente que la sienne, la qualité et la finition sont bâclés sciemment au profit du volume, ou des technologies non mature so...

le 25/02/2016 à 12:53
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RENAULT au top Europe 2015, premier développement européen quand les Vw allemandes margent l' an dernier à un petit 2 %, toutes engluées dans les affaires de logiciels truqués et ne se vendent qu' à peine, y compris en Allemagne avec ce retentis...

à écrit le 25/02/2016 à 9:28
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Comment peut-on écrire que l'Alliance Renault-Nissan a tardé à s'installer en Chine alors que Nissan y est l'un des principaux constructeurs étranger? Oui, Renault vient seulement d'y ouvrir une usine, mais simplement parce qu'un accord tacite avec s...

à écrit le 25/02/2016 à 9:09
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Renault est typiquement francais: on veut faire quelque chose, on a de bons ingenieurs qui arrive a faire un produit valable. Mais comme le management veut a tout prix economiser des bouts de chandelle, on va degrader le produit (soit au niveau perfo...

le 25/02/2016 à 10:44
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Vous êtes injustement sévère envers C. Ghosn. S'il est vrai qu'à la base Dacia est un "bébé" de Schweitzer le déploiement triomphal de la marque est l'oeuvre de Ghosn. Sur la voiture électrique il faut voir le verre à moitié plein. La Zoé est largeme...

le 25/02/2016 à 12:56
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Il serait bon de vérifier vos sources ou de remettre en cause vos efforts de désinformation, vous êtes en effet trop léger pour installer et entretenir la controverse .!! L’Europe reste le premier marché pour le groupe Renault. Il y a vendu 1,6 ...

à écrit le 25/02/2016 à 8:43
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Je prends le pari : l'auteur a sans aucun doute le genre de voiture d'Outre-Rhin qui affiche son standing social, selon lui, et qui confond finition et fiabilite... Personnellement, j'ai les deux ( Renault et Audi) et les plus solides sont.... Renaul...

le 28/02/2016 à 17:32
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Vw est dans les derniers du reliability index, d' ailleurs ils ne supporte pas..

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