Revenu minimum universel : une idée de droite ?

Par Michel Santi  |   |  604  mots
Pourquoi la gauche comme la droite défendent-elles cette idée? Par Michel Santi, économiste

Le revenu minimum universel - que certains économistes avant-gardistes appellent de leurs vœux depuis plusieurs années- a le vent en poupe. Sa mise en place est désormais sérieusement considérée non seulement par la gauche (ce qui est compréhensible), mais (plus surprenant) également par la mouvance capitaliste traditionnelle de droite. Pourquoi l'ensemble du spectre des économistes, mais aussi de plus en plus de politiques, s'accordent-ils pour que chaque citoyen - avec ou sans emploi- puisse recevoir un salaire lui permettant de subvenir à ses besoins élémentaires ?

Pour la gauche, une sécurité supplémentaire

L'abolition de la misère, un meilleur équilibre de vie autorisant d'opter pour le volontariat ou pour le travail à la maison, la sortie de la précarité de nombre de femmes toujours exclues du monde du travail dans un Occident encore dominé par les hommes, sont les avantages immédiats et intuitifs offerts par le revenu minimum universel. Pour autant, la gauche y voit également une source de renforcement de la masse salariale qui sera ainsi en mesure de prolonger ses grèves afin de manifester son mécontentement, sans mettre en péril son niveau de vie grâce à cette sécurité supplémentaire. Ce salaire universel représente enfin une nécessité impérieuse dans notre monde post-capitaliste de demain (voire d'aujourd'hui) dominé par la robotisation massive qui privera de leur emploi de plus en plus d'humains.

Et la droite?

Tous ces arguments ne nous expliquent cependant pas pourquoi la droite se reconvertit elle aussi, lentement mais sûrement, au revenu minimum universel. En fait, son instauration permettra de supprimer nombre d'allocations et d'aides sociales tout en réduisant la taille des services publics, donc de l'Etat. Par ailleurs, la droite considère que le revenu minimum universel insufflera un flexibilité bienvenue au sein du marché du travail car les salariés seront moins motivés à lutter contre les réductions de salaire et les licenciements. En effet, les salaires - et donc le coût du travail- s'ajusteront bien plus rapidement aux modifications des conditions économiques et de marché.

Une révolution des moeurs

De plus en plus de politiques de gauche comme de droite tombent donc d'accord pour opérer cette authentique révolution des mœurs qui consiste à séparer le revenu du travail, mesure qui ne nécessitera nulle réforme complexe au sein de nos économies, si ce n'est une injection de liquidités en faveur de chaque citoyen. Ce salaire déconnecté de toute activité professionnelle sauvera un capitalisme de plus en plus remis en cause, tout en propulsant la demande agrégée sans forcément gonfler l'épargne. Le mode de production capitaliste restera effectivement identique, à la différence près que le capitalisme - lui- sera en quelque sorte humanisé, et que les travailleurs ne seront plus en compétition avec la robotisation contre laquelle il est inutile de lutter car elle est inéluctable.

En conclusion, le revenu minimum universel est une manière de redistribuer les richesses autrement que par le salaire d'un travail.

*Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est conseiller en investissements sur le marché de l'art et Directeur Général d'Art Trading & Finance. Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence".

Dernière parution chez « Lignes de repères » : « Plus de Capital au XXI è siècle », préfacé par Philippe Bilger.

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