Services et conseil aux entreprises : le grand cafouillage

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, le grand cafouillage de la mesure de l'activité dans les services et le conseil
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

Pour prendre la mesure des doutes qui entourent la mesure en volume de la production et de la productivité dans l'économie, il suffit de regarder ce que nous dit la comptabilité nationale de l'évolution de la productivité dans les services aux entreprises et de comparer cet indicateur à l'évolution de la productivité dans le secteur manufacturier.

Partons du cas français

Si je prends pour point de départ 1995, la productivité horaire aurait progressé d'environ 90% dans le secteur manufacturier jusqu'en 2014. Si je regarde maintenant du côté des services à dominante BtoB , Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien, qui représentent un peu plus que le poids de l'industrie manufacturière dans la valeur ajoutée de l'économie (13% contre 11%), je constate que la productivité de ce secteur a stagné et s'est même légèrement érodée, de l'ordre de 4-5%. Je peux affiner encore le diagnostic dans les différentes sous-branches des services aux entreprises. Pour constater, que intenses en travail qualifié ou non, les prestataires de l'industrie, sous-performent systématiquement l'industrie.

Le paradoxe de Solow, trouverait en France une grande partie de son explication dans ce ventre mou de l'économie. Les secteurs de service aux entreprises, à fort contenu cognitif, n'aurait tiré aucun parti du potentiel d'automatisation ou de montée en gamme que le numérique lui offrirait. On peut y croire. Y greffer le discours attendu sur les barrières protectrices des professions réglementées. Sur les rentes qui scléroseraient ces secteurs. Constater que malgré l'absence de productivité les salaires y augmentent malgré tout comme ceux de l'industrie... et que du coup la dégradation des coûts unitaires dans le BtoB pénalisent la compétitivité de nos secteurs exposés.

Une dichotomie entre industrie et services se retrouve partout

Aux États-Unis, en Allemagne, en Italie et bien d'autres pays, à l'exception du Royaume-Uni. Et ce n'est peut-être pas un hasard d'ailleurs, car la mesure du service rendu, dans un pays qui a perdu son industrie avant les autres, est une préoccupation de l'ONS, l'INSEE britannique depuis de nombreuses années;

Alors réalité, ou incapacité de nos conventions statistiques à saisir l'enrichissement des prestations, ou des bouquets de prestation, leur complexité croissante, ou leur plus haute fréquence ? La réalité, c'est qu'il est très difficile d'objectiver une montée en gamme des prestions. Pour un produit, l'effet qualité peut être éventuellement « objectivée » au moment de la mise en circulation d'une nouvelle génération de produit, si tant est que l'amélioration se reflète  dans augmentation des prix. Cette augmentation sera alors considérée par les instituts statistiques comme un effet qualité et non comme de l'inflation. Mais, comme la mise en circulation de produits à plus haute performance se fait souvent au même prix que le produit de génération antérieure, autant dire que beaucoup d'effets qualité passent déjà à la trappe, même dans le champ a priori plus tangible des biens.

Concernant les services aux entreprises, les organismes statistiques tentent certes de travailler à un niveau de granularité de plus en plus fin. Mais comment objectiver l'enrichissement d'une prestation ? Les acteurs de ces secteurs savent de leur côté l'intense pression que leur font subir leurs donneurs d'ordre. L'intense concurrence que se livrent les cabinets spécialisés. Pour maintenir les prix, il faut à minima en fournir plus au client, ou à prestation égale casser les prix. Il suffit de regarder l'opinion des professionnels du secteur sur l'évolution passée des prix, pour saisir cette pression. ; Autant dire qu'il faut manier avec prudence les données d'activité sectorielle dans ce champ de l'économie et se dire que le partage entre prix et volume est certainement encore très mal appréhendé.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.