Louis Palmer : « la transition énergétique doit être perçue comme étant logique, rentable et passionnante»

Inventeur d’une voiture solaire totalement autonome au début des années 2000, le Suisse Louis Palmer sillonne le monde depuis 15 ans pour convaincre les dirigeants politiques d’accélérer la mise en place de solutions contre le réchauffement climatique. Après un premier tour du monde en 2007-2008 à bord d’un « Solar Taxi » aux lignes futuristes, il a lancé sur les routes l’an passé un « Solar Butterfly », sorte de caravane solaire à tête de papillon, qui va parcourir 90 pays en 3 ans. Avec toujours le même mot d’ordre : les solutions existent, et il faut les mettre en place sans plus attendre…
(Crédits : DR)

La communauté scientifique s'accorde à dire qu'il faudrait mettre en œuvre la transition énergétique deux fois plus vite pour que la planète soit encore vivable en 2050. Est-ce une utopie ?

Bien sûr que non ! Le défi est immense, car il faut que l'humanité parvienne à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 80% en 12 ans, ce qui correspond à plus de 25 milliards de tonnes équivalent carbone en moins chaque année. Mais les solutions ont été identifiées et elles sont relativement simples à mettre en place. Rien qu'en remplaçant les énergies fossiles par des énergies renouvelables dans les secteurs de la production d'énergie, de la mobilité et de l'industrie, on pourrait réduire les émissions mondiales de près de 70%. Le potentiel du solaire, de l'éolien, de l'hydraulique et de la géothermie est énorme et on sait aujourd'hui économiser l'électricité grâce à des solutions d'efficacité énergétique et la stocker avec des batteries durables, comme celles en sel liquide utilisées par la centrale Noor au Maroc. Avec notre caravane à énergie solaire « Solar Butterfly », nous traversons tous les continents afin de prouver qu'il est possible que nos sociétés se libèrent de la dépendance aux énergies fossiles, comme une chenille qui se transforme en papillon libre et indépendant. Et partout, nous rencontrons des porteurs de solutions qui ont un état d'esprit extraordinaire : cela pourrait être facile de changer le monde !

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Pourtant, 37% des Français doutent du rôle de l'homme dans le réchauffement climatique, tandis que de nombreux observateurs semblent penser qu'on ne parviendra pas à infléchir assez vite le cours du réchauffement...

C'est pourquoi il est urgent de changer d'état d'esprit. Pour cela il faut comprendre deux choses : la première, c'est que si on ne va pas assez vite, les conséquences vont être dramatiques pour les jeunes d'aujourd'hui. L'Afrique va se désertifier, ce qui va entraîner la migration des millions de personnes, tandis que le niveau de la mer va s'élever, ce qui déclenchera des conflits et des problèmes économiques considérables. La fonte des glaciers et du permafrost va libérer des quantités astronomiques de méthane, ce qui va accélérer le réchauffement et créer un effet d'emballement, au même titre que la multiplication de feux de forêts comme ceux que l'on a vu au Canada cet été. Si on n'accélère pas, ce sont les jeunes qui vont payer. La deuxième chose qu'il faut absolument faire comprendre, c'est que la transition énergétique est une évidence économique, et qu'il faudrait la faire le plus rapidement possible même si le climat n'était pas en danger. Le changement de modèle doit s'effectuer parce qu'il est logique et rentable. Aux Etats-Unis, nous avons calculé que la production d'un kWh coûtait deux fois moins cher avec des solutions d'énergie renouvelables qu'avec une centrale à charbon ou une centrale nucléaire dernière génération. 1kWh solaire coûte 3,6 cents contre 8,2 cents pour le kWh charbon, c'est mathématique. Qu'attend-t-on pour mettre des cellules photovoltaïques sur tous les toits du monde ?

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La tournée du Solar Butterfly se poursuit aujourd'hui en Amérique du Nord et atteindra l'Amazonie en 2025 pour la COP 30, qui célébrera le dixième anniversaire des Accords de Paris. Qu'espérez-vous d'ici là ?

Le pire obstacle à la transition énergétique est la peur du changement. C'est pourquoi il faut sans cesse expliquer que les solutions existent, qu'elles fonctionnent, qu'elles sont simples à mettre en place et qu'elles coûtent moins chères. Même si certaines ne sont pas encore 100% idéales, la recherche avance vite et les problèmes se régleront naturellement une fois qu'on avancera dans la bonne direction. J'espère que les états vont comprendre qu'ils ont tout intérêt à investir massivement dans les solutions d'énergie renouvelables, car il ne s'agit pas d'investir à perte pour le climat, mais bien de gagner de l'argent tout en évitant des problèmes économiques colossaux dans les années à venir. J'espère que les jeunes vont prendre leur destin en main, comme ils ont commencé à le faire en Allemagne et en Suède il y a quelques années, et qu'on va retrouver de l'enthousiasme collectif. La pandémie a prouvé qu'on était capable de s'adapter rapidement à une situation nouvelle : si on le décidait, on pourrait aller deux fois plus vite dans tous les pays du monde. La transition énergétique n'est pas une punition, mais avant tout une très belle aventure pour l'humanité, qui apportera de nombreux bénéfices économiques et sociaux...


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Louis Palmer interviendra au PowR Earth Summit, l'événement d'accélération de la transition énergétique qui aura lieu au CNIT de la Défense à Paris du 13 au 15 mars 2024.

Commentaires 3
à écrit le 01/12/2023 à 1:44
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Pour remplacer une seule tranche nucléaire il faudrait environ 24 km² de panneaux solaires à très haut rendement, c'est à dire 30% d'efficacité pour se donner les chances d'occuper le moins possible de surface. Rien que pour remplacer la totalité du...

à écrit le 01/12/2023 à 1:43
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Pour remplacer une seule tranche nucléaire il faudrait environ 24 km² de panneaux solaires à très haut rendement, c'est à dire 30% d'efficacité pour se donner les chances d'occuper le moins possible de surface. Rien que pour remplacer la totalité du...

à écrit le 29/11/2023 à 8:34
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"rentable" Qui doit donc installer une rente ? Quelle horreur.

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