Bertrand Piccard : « L’accélération de la transition n’est plus qu’une question de volonté politique »

Connu du grand public pour avoir fait le tour du monde en avion solaire, Bertrand Piccard consacre aujourd’hui sa vie à convaincre les décideurs politiques et économiques que la transition écologique est une question de bon sens, tant en termes de rentabilité que de bénéfices globaux pour l’ensemble de la société. Alors que sa fondation, Solar Impulse, a déjà recensé et validé 1530 solutions pour changer le monde, l’explorateur-psychiatre nous a montré le chemin d’une transition apaisée, à contre-courant des discours alarmistes et fatalistes…
(Crédits : Peter Sandground)

Alors que le dérèglement climatique s'accélère et que les solutions peinent à se mettre en place, dans quel état d'esprit êtes-vous, après plus de 20 ans à convaincre les décideurs de la nécessité d'agir pour le climat ?

Aujourd'hui je ne peux que constater que la manière dont réagit l'humanité n'est pas encore capable d'infléchir le réchauffement climatique. Alors qu'il est prouvé que les solutions existent pour rester en dessous des +1,5° de réchauffement, le discours ambiant rend la transition écologique laborieuse, coûteuse et sacrificielle, ce qui décourage de nombreux décideurs politiques et industriels. Il est urgent de changer de narratif, et de prouver au monde qu'on a tout à gagner à adopter des solutions de bon sens, plus efficientes et plus rentables, qui permettront de créer des emplois, de stimuler la croissance économique et d'améliorer nos conditions de vie et notre santé. Si on veut accélérer la transition écologique, il faut mettre en œuvre des centaines de solutions simultanément, dont la plupart sont très simples, et qui vont non seulement réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais surtout améliorer et moderniser nos sociétés...

Avec la fondation Solar Impulse, vous avez identifié 1530 solutions plus durables, mais aussi plus efficaces et plus rentables. Quelle sont-elles ?

Ce ne sont pas des solutions technologiques futuristes, mais des applications de bon sens qui ont fait leur preuve et permettent d'optimiser les activités humaines. Cela va de la transformation de déchets non-recyclables en matériau de construction à l'optimisation énergétique de l'archivage de données numériques en passant par des systèmes de détection de fuite d'eau ou de récupération de chaleur perdue sur les cheminées d'usine. Prenez l'exemple de l'agrivoltaïque : en cultivant des fraises, des framboises et des myrtilles sous des ombrières en panneaux solaires, on produit une énergie locale et renouvelable tout en protégeant les cultures de la pluie et en optimisant les récoltes grâce à meilleur taux d'ensoleillement et d'humidité. C'est vraiment simple et intelligent, non ? J'aime aussi les panneaux flottants qui permettent de transformer les lacs de barrage en centrales solaires, ou les micro-turbines dans les conduites d'eau, il faudrait en installer partout !

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Comment expliquez-vous alors que ces solutions, si elles sont rentables et logiques, ne s'imposent pas plus rapidement ?

S'il y avait juste deux ou trois solutions miracle, cela irait très vite, mais ce sont des centaines de solutions qu'il faut mettre en œuvre à tous les niveaux de la société et le déploiement de chacune d'entre elles est freiné par des problèmes de règlements, de normes, d'arrêtés, de certifications ou de marchés publics... Dans tous les pays, nous sommes confrontés à une paralysie, une inertie, voire une paresse qui est la vraie coupable de la situation. J'ai parlé avec de très nombreux dirigeants politiques dans le monde entier : même s'ils sont honnêtes, concernés, conscients des problèmes, ça bloque à tous les niveaux, on a l'impression de crier dans le désert. Il faudrait parvenir à recréer de l'enthousiasme...

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Selon vous, comment les médias peuvent-ils parvenir à changer notre vision de la transition ?

C'est le grand paradoxe : les catastrophes font le plus d'audience, alors que nous avons tous besoin de bonnes nouvelles. L'être humain a tendance à ne pas vouloir changer, mais nous avons tous besoin de renouer avec notre envie d'agir pour retrouver la confiance en l'avenir, ce qui passera certainement par un changement de vocabulaire. Il ne faut plus penser en termes de décarbonation chère, perturbante et sacrificielle, mais en termes de modernisation enthousiasmante, efficiente et intelligente.

À titre personnel, êtes-vous encore confiant dans notre capacité collective à sauver le climat ?

Plus je découvre de solutions efficaces, plus je suis persuadé qu'on pourrait y arriver très vite. Plus je constate à quel point tout est lent, plus je commence à avoir peur. Il faudrait que nous soyons capables de combler la lacune entre l'intention et l'action en mettant en place tout de suite un arsenal de solutions, ce qui suppose de transformer rapidement les marchés publics, les lois, les normes, les réglementations... Si tous les partis politiques se mettaient d'accord pour accélérer dans ce sens et libérer l'action, tout le monde serait gagnant très vite. C'est ce qu'il faudrait faire même si le climat n'était pas en danger, puisque cela rendrait notre monde plus efficient, avec moins de gaspillage et de pollution...

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Bertrand Piccard interviendra au PowR Earth Summit, l'événement d'accélération de la transition énergétique qui aura lieu au CNIT de la Défense à Paris du 13 au 15 mars 2024.

Commentaires 3
à écrit le 13/10/2023 à 9:36
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Tout comme Jancovici qui au final aura surtout éveillé la population française, permettant à des fossiles idéologiques tels mon père à évoluer, merci à lui, plutôt que d'arriver à convaincre une classe dirigeante à l'encéphalogramme plat, on souhaite...

le 14/10/2023 à 14:36
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@ dossier 51. La crédibilité de Jancovici n'a rien avoir avec le discours "creux" de Piccard.

à écrit le 13/10/2023 à 0:23
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Voilà un homme qui ne touche plus terre!

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