Pouvez-vous présenter Le French POC ?

Rémy Ouaida : Nous créons des POC (Proof of Concept), des prototypes pour accompagner et dérisquer les projets d'innovation industrielle. Le French POC, c'est une association âgée de trois ans. Elle est portée par le territoire de la Communauté de Communes de Miribel et du Plateau, située dans l'Ain. Sa raison d'être est de soutenir la souveraineté industrielle de notre zone géographique.

Les membres fondateurs de l'association sont des ingénieurs avec des compétences dans de nombreux domaines : électronique, mécanique, systèmes embarqués, design et conseil en innovation. Les porteurs de projets, qu'ils soient issus de startups, de PME ou de grands groupes, ont donc recours au French POC pour externaliser leur idée, soit partiellement, soit complètement.

Et qu'en est-il d'Axandus ?

Jean-Baptiste Yvon : Axandus est un accélérateur industriel né en 2014 au cœur dְ'une entreprise industrielle. Il permet au projet industriel de se déployer. Nous sommes rattachés à deux grands groupes : l'équipementier automobile EFI Automotive (situé à Lyon) et Sercel, spécialisé dans les systèmes d'acquisition sismique (situé à Nantes). Nos équipes sont constituées de personnes issues du monde de l'industrie. Des groupes d'Axandus se trouvent d'ailleurs dans ces deux entreprises.

Nous apportons une force de frappe aux jeunes startups. Elle se traduit par le design-to-cost (conception à coût objectif), qui optimise les coûts totaux d'un produit, de sa conception à sa mise en vente. Axandus intervient auprès de startups en post-amorçage : celles qui ont rencontré un premier marché, ou qui ont une levée de fonds en cours, avec une idée déjà bien aboutie. Nous les aidons à revoir leur réflexion stratégique. Axandus les accompagne dans leur chiffrage produit et leurs réflexions et décisions d'industrialisation. Nous utilisons la force de frappe du groupe pour acheter leurs produits, ce qui dérisque les startups.

En quoi vos deux structures sont-elles complémentaires ?

R.O. : Lorsqu'un porteur de projet a une idée innovante, le chemin est long jusqu'à l'industrialisation. Il faut énormément d'investissements financiers pour créer une ligne industrielle, et le niveau de risque est donc très élevé. Le French POC et Axandus interviennent à des moments différents pour sécuriser ce projet, le dérisquer, et aider le porteur de projet à le matérialiser. Le French POC se situe en amont dans la chronologie de développement. Nous mettons en place trois types de prototypages pour dérisquer les projets d'innovation :

• Le prototypage désirable : il s'agit ici de dérisquer le marché en matérialisant le projet. Nous réalisons la conception et la fabrication d'un prototype le plus désirable possible pour qu'il serve de support d'avant-vente auprès de futurs clients. Nous répondons à la question : "Existe-t-il des personnes qui sont prêtes à acheter mon produit ?". Ainsi, les porteurs de projets réussissent leur levée de fonds, car cette étape rassure les investisseurs ;

• Le prototypage d'usage : il s'agit ici de dérisquer l'usage en plaçant des produits dans les conditions réelles d'utilisation. Nous permettons ainsi de consolider le cahier des charges fonctionnel par le terrain. Les produits deviennent alors intuitifs et centrés utilisateurs, ce qui apporte une grosse valorisation ;

• Le prototypage technique : il s'agit ici de dérisquer les enjeux techniques pour valider la faisabilité industrielle.

Au French POC, nous ne garantissons pas la réussite et le succès des projets innovants, mais plutôt le fait de tester son projet en condition réelle et prendre des décisions éclairées grâce aux prototypes. Les indicateurs que nous apportons aux porteurs de projets sont des indicateurs de désirabilité (est-ce que les clients sont prêts à acheter le produit), d'usage (est-ce que les clients utilisent intuitivement le produit), et de faisabilité (est-ce que le produit peut être réalisé industriellement). Cela permet de stopper rapidement le projet avant les investissements conséquents d'industrialisation si ces indicateurs ne sont pas bons, ou de sécuriser les investissements dans le cas contraire. Si nous avons suffisamment développé et dérisqué le prototype, nous passons la main à Axandus.

J-B. Y. : Axandus bénéficie de l'expérience du groupe automobile EFI Automotive et de son savoir-faire industriel. EFI Automotive a son réseau, une puissance d'achat très utile pour les composants et les équipements industriels. Nous mettons le nôtre au profit des porteurs de projets, afin de les aider à avancer sans se tromper. Axandus les accompagne dans la mise en place de la ligne industrielle, dans la conception adaptée du produit, dans son sourcing et dans les achats.

À titre d'illustration, concrétiser une idée par sa mise en production sur le marché coûte habituellement 5 millions d'euros à une start-up Hardware. L'industrialisation représente 3 millions d'euros et le travail avec Axandus peut conduire à économiser 30 %. Les startups font donc des économies, car nous mettons à profit notre expérience et notre réseau de fournisseurs et partenaires.

Pourquoi avoir choisi de vous allier ?

R.O. : Nos deux accompagnements (Le French POC + Axandus) couvrent toute la chaîne de valeur, de l'idée à la pré-industrialisation en sécurisant les investissements. Nous travaillons main dans la main depuis maintenant 3 ans. De plus, le Gouvernement a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de réindustrialiser sur notre territoire. Selon Le French POC et Axandus, cette réindustrialisation ne passe pas en priorité par la reconstruction de nouvelles d'usines, mais plutôt par la création de nouveaux produits innovants et à forte valeur ajoutée.

J-B. Y. : Axandus fait d'ailleurs partie de l'initiative gouvernementale en faveur des startups industrielles : le Plan Startups et PME industrielles, opéré par Bpifrance. Nous avons été reconnus comme structure adaptée et pertinente au développement des startups industrielles.

Quels sont les projets d'innovation industrielle que vous accompagnez ?

R.O. : Nous accompagnons des projets à fort impact, notamment au niveau du développement durable. Nous nous positionnons aussi sur la mobilité d'avenir (mobilité dans les villes, l'électrique, la micro-mobilité — trottinettes, vélos —, les systèmes de recharge, de gestion et de récupération de l'énergie) et les enjeux énergétiques (économies d'énergie, hydrogène, etc.). Il existe de forts enjeux dans l'agriculture robotisée, notamment pour limiter l'usage de phytosanitaires. Les domaines de la sécurité et de la santé connectée suscitent également notre intérêt.

Le French POC travaille actuellement avec la start-up Meropy, qui développe un robot capable de cartographier l'état de santé des plantes dans un champ. Un domaine qui demande de nombreuses compétences industrielles : mécanique, plasturgie, électronique (de puissance), système embarqué, intelligence artificielle, traitement du signal, traitement d'images... La première phase de notre accompagnement a été de concevoir avec eux un démonstrateur désirable, c'est-à-dire un support commercial d'avant-vente. Il a notamment été présenté à des investisseurs, pour trouver des sponsors, et ainsi, dérisquer la production grâce à l'appétence marché.

J-B. Y. : Du côté d'Axandus, nous accompagnons la suite du projet Meropy dans son industrialisation. Nous avons accompagné aussi la start-up Primo1D (spécialisée dans la puce RFID) pour développer une machine automatique de pose de puces au laser. Elle est aujourd'hui produite et située à Grenoble. Nous avons également travaillé avec Notilo Plus, dont l'activité se base autour des robots sous-marins. Axandus a guidé cette start-up dans le design-to-cost et l'industrialisation d'un robot qui peut descendre jusqu'à 100 mètres de profondeur, capable d'analyser des défauts de coques de navire, par exemple.

Concernant le sujet des vélos électriques, Axandus œuvre pour industrialiser leur motorisation. Enfin, nous avons introduit un nouveau projet sur le marché automobile avec Brochier Technologie, via une entité nouvelle, EFILIGHTING. C'est une solution de textile lumineux pour les cockpits. Nous industrialisons actuellement ces produits destinés à l'automobile.

Avez-vous un mot de la fin ?

R.O. : Notre alliance se distingue des autres structures du marché, car nous apportons une vision systémique aux projets d'innovation industrielle. Nos expertises respectives interagissent et s'influencent pour mener à bien la maîtrise d'œuvre du projet dans sa globalité d'industrialisation. Chose que les porteurs de projets ne retrouvent pas chez les acteurs traditionnels, de type bureau d'études. De plus, l'aspect humain est au cœur de notre fonctionnement. À ce titre, nous entendons redonner ses lettres de noblesse à l'activité industrielle par le biais de l'innovation. Nous espérons que notre créativité et notre originalité puissent attirer de nouveaux talents, car nous avons bien sûr besoin d'ingénieurs, de techniciens et d'ouvriers.

J-B. Y. : Cette main tendue aux jeunes générations, nous la retrouvons dans nos propres structures. Nous accueillons en effet des stagiaires pour les former et ainsi créer une hybridation des compétences, en les laissant évoluer auprès de personnes déjà présentes depuis de nombreuses années dans l'industrie. Les idées nouvelles se mêlent à l'expérience. Cette complémentarité apporte de la justesse dans l'innovation industrielle.