Fiscalité : le bouclier et le glaive

A la suite de l'Espagne, la Suède ... la France a adopté le principe d'un « bouclier fiscal » porté à 50 % en 2007. Ainsi, l'État "limite-t-il" les prélèvements exigibles d'un résident français à la totalité des fruits de son travail et des revenus de son capital, du 1er janvier au 1er juillet. Le législateur a placé ses travaux sous le seul angle de « l'attractivité fiscale ». Le constat était simple. Depuis son déplafonnement en 1989 par Alain Juppé, l'ISF a généré une hémorragie pour l'Entreprise France. Les détenteurs de fortunes privées ont constaté que la somme des impositions dues sur leurs revenus et sur leur capital dépassait, dans de nombreux cas, leur revenu disponible. Il leur "suffisait" pourtant de fixer leur résidence à l'étranger pour s'exonérer de l'essentiel d'une charge, ressentie comme confiscatoire. Or - à l'encontre de l'immense majorité des actifs -, dans le choix de leur lieu de résidence, les détenteurs de capitaux ne se trouvent pas limités par la contrainte de conserver une proximité avec un lieu d'activité. Leur source de revenus peut, librement, se déplacer à la vitesse électronique de virements bancaires. Sur le plan des talents les pertes sont évidentes. Sur le plan des recettes fiscales, ces délocalisations s'accompagnent de la disparition de multiples recettes budgétaires : TVA, impôt sur le revenu, contributions sociales, ISF et, in fine, droits de succession. Sur le plan financier, vu de Londres, voire même de Marrakech, la France ne saurait représenter plus de 5 % d'une allocation globale de fonds. Les nouveaux conseils de nos exilés fiscaux sont, de plus, naturellement conduits à privilégier les placements financiers de leur propre pays. Une massive délocalisation de capitaux s'ensuit donc. Dans la compétition internationale, pouvons-nous, durablement, nous permettre de telles pertes cumulées de talents, de recettes fiscales et de capitaux ? Avec la Loi TEPA, le message est clair : le législateur a répondu non. Pour autant, ce « paquet fiscal » a été mal vendu. Son évaluation récente, à seulement 458 millions d'euros, ne mettra clairement pas un terme à l'actuel tohu-bohu. Le plus dommageable n'est pas là. Il réside en l'incapacité du législateur français de s'inscrire dans la durée. La pérennité d'un dispositif est une condition de sa lisibilité et de son efficacité. Or, la fiscalité française se caractérise par ses évolutions erratiques, non toujours exemptes de mesures rétroactives. Ce faisant, les contribuables se voient interdire toute planification. A l'évidence, l'absence de consensus sur la pérennité du « bouclier fiscal », interdit à d'actuels expatriés fiscaux d'envisager leur retour en France dans l'ignorance de ce que pourraient être leurs charges futures. Pire encore, les candidats à l'expatriation fiscale se voient confortés dans leurs interrogations. La multiplication des déclarations de tous bords, sur la nécessité de lever de nouvelles contributions en suspendant les effets du « bouclier fiscal », font fi de sa logique. Elle s'avère clairement opposée à la nécessité de conserver, en France, le plus possible de talents et de capitaux. Dans cette lutte, si le glaive devait l'emporter sur le bouclier, ce serait nécessairement aux dépens de notre bien-être futur, au moins économique. La balance de la justice sociale n'y gagnerait pas un équilibre pérenne.
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