« A Paris, les salaires des cadres supérieurs sont très compétitifs »

Le directeur général de Paris Région Entreprise, Robin Rivaton, revient avec la Tribune sur les atouts de l'agglomération francilienne.
Mathias Thépot
Le directeur général de Paris Région Entreprise, Robin Rivaton, tente d'attirer les déçus du Brexit à Paris et en Île-de-France.

Début novembre, le gouvernement et les élus d'Île-de-France se sont mis d'accord pour mettre en œuvre un grand plan afin d'attirer les déçus du Brexit. Quelle place Paris peut prendre dans cet exode annoncé des entreprises implantées à Londres ?

Paris et la région Île-de-France prendront leur part dans le flux des départs de Londres vers l'Europe, certainement entre 15 et 50 %. A nous de tendre vers les 50 %. Nous venons d'ailleurs d'apprendre qu'HSBC va implanter un millier d'emplois de sa banque de marché, qui sont couverts par la législation européenne, en France. C'est une bonne nouvelle.

Quels sont les emplois qui peuvent être relocalisés de Londres à Paris ?

Contrairement à ce qui est souvent dit dans les médias, il y aura en réalité très peu de relocalisations. Ce sont plus des têtes d'équipes qui vont se déplacer, et qui ensuite recruteront localement.

Y'aura-t-il un exode massif de l'industrie financière londonienne vers l'Europe, comme cela est souvent dit ?

Le Brexit aura assurément un impact sur l'industrie financière britannique, même s'il est envisageable que cet impact ne fasse in fine que ralentir la croissance de l'activité à la City. Autrement dit, la place financière londonienne ne va certainement pas s'écrouler avec le Brexit. En revanche, plusieurs problèmes vont se poser pour les institutions financières implantées outre-Manche : d'abord, le retrait du passeport financier européen. Avec le Brexit, les institutions financières londoniennes devront, si elles veulent traiter avec leurs homologues européens, faire les démarches administratives pour obtenir les autorisations. Ensuite, la finance britannique va sortir de la régulation bancaire européenne, ce qui limitera aussi les rapports avec les institutions financières du vieux continent. Enfin, la question des ressources humaines va se poser. Les Britanniques veulent limiter l'immigration, mais une zone franche sera-t-elle créée à Londres pour accueillir les travailleurs étrangers hautement qualifiés dans la finance ? Si c'est le cas, ce ne sera pas facile à assumer face aux électeurs qui ont voté pour le Brexit...

Comptez-vous attirer des entreprises au-delà du seul secteur financier ?

Notre mission est de rendre globalement Paris et l'Île-de-France plus attractifs, et donc d'attirer toutes sortes d'entreprises. Mais il est clair que la finance et tous les métiers qui l'entourent (Audit, Conseil etc.) sont les plus concernés, car les établissements qui n'ont plus de passeport financier ne pourront tout simplement plus opérer en Europe. A l'inverse, d'autres industries britanniques, qui ne pourraient souffrir "que" d'une hausse des droits de douanes, ne verront pas leurs relations commerciales avec l'Europe bouleversées du jour au lendemain. Pour être clair : le coût de la sortie de la régulation européenne ne sera pas le même selon les secteurs. Nous viserons donc les secteurs qui sont les plus dépendants des réglementations européennes, comme l'aérien ou le pharmaceutique qui pourraient aussi perdre gros avec le Brexit.

En matière de régulation, on a pourtant l'impression que la finance britannique préférerait s'émanciper...

Certains seront en effet tentés de profiter du Brexit pour faire baisser la régulation financière au Royaume-Uni. Et il faudra de ce point de vue être très vigilant pour éviter qu'un grand paradis fiscal ne se crée aux portes de l'Europe. Mais si Londres est un centre financier mondial, beaucoup des flux financiers qui y sont traités le sont avec des entreprises européennes. L'Europe a donc des arguments à faire valoir.

Qu'est-ce que la place parisienne peut mettre en valeur pour convaincre les déçus du Brexit ?

Déjà, les coûts sont beaucoup plus élevés à Londres qu'à Paris et dans sa région. En effet, au-delà des grands dirigeants et autres traders, le niveau de salaire des cadres supérieurs est très compétitif à Paris. Les charges sur les salaires sont certes élevées, mais elles permettent aux salariés d'avoir accès à une protection sociale. En outre, l'éducation est quasi gratuite en France. Ce qui fait que les entreprises n'ont pas besoin, pour attirer les salariés, de leur fournir des services supplémentaires. C'est le cas à Londres où les entreprises vendent à leurs salariés des « packages » qui peuvent inclure les frais de scolarité de leurs enfants et le financement de leur protection sociale. Tout cela fait augmenter mécaniquement le coût du travail pour les entreprises au Royaume-Uni. En outre, la main d'œuvre est beaucoup plus fidèle en France. Ce qui induit sur le long terme des frais de recrutement moins élevés. Enfin, en ce moment, le prix des bureaux est bon marché à Paris et dans ses alentours.

Quid de la fiscalité ?

La fiscalité n'est qu'une partie des coûts. Or dans leur simulation, les entreprises raisonnent de manière globale. Du reste, il faut être réaliste : des stratégies tout à fait légales d'optimisation fiscale sont possibles en Europe pour réduire le montant de l'impôt sur les sociétés. Les grands groupes sont rompus à ce type de pratiques, donc le niveau de la fiscalité en France n'est pas pour eux un problème majeur. D'autant qu'une convergence européenne est engagée sur le taux d'IS avec la baisse à 28 % initiée en France.

S'il y avait un problème en matière de fiscalité à dégager en France, ce serait clairement l'instabilité. Faire des affaires en 2017 est profitable mais nous ne pouvons aujourd'hui assurer à des entreprises qui souhaitent venir à Paris et en Île-de-France qu'elles bénéficieront du même environnement fiscal et réglementaire sur plusieurs années. Ce n'est pas dans la culture politique française, même si les choses s'améliorent : à droite comme à gauche, on a compris en France que l'on devait redresser la compétitivité des entreprises. Pour ce faire, il faudra aussi que la région parisienne simplifie son administration, car les couches territoriales se superposent (communes, intercommunalités, départements, métropole, région). Or les formalités administratives empiètent sur le temps de production des entreprises. Enfin il nous faudra davantage flexibiliser notre marché du travail, en axant les mesures sur la capacité des entreprises à adapter rapidement leur outil de production en temps de crise.

Les problèmes que vous soulignez sont-ils les seuls responsables du désintérêt vis à vis de la France  ?

Non, ils sont loin d'être les seules explications : depuis une trentaine d'années, il y a en effet une coalition implicite pour dévaloriser les atouts de la France. Dans un contexte de guerre économique, nos adversaires ont été très efficaces et ont affecté durablement l'image de la France à l'international. Désormais, Paris séduit peu la jeune génération, alors qu'il y a 25 ans, la capitale était bien mieux considérée que Londres ! Pourtant l'agglomération parisienne reste l'une des cinq plus grandes aires métropolitaines mondiales en termes de PIB. Il faut sans cesse le rappeler. Elle a de nombreux atouts et il faut les mettre en avant.

Mathias Thépot

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Commentaires 3
à écrit le 23/01/2017 à 14:52
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Il est urgent de faire suivre cette interview à Pierre GATTAZ, et au MEDEF, qui ne semble pas être au courant des modes de comparaison internationaux des coûts salariaux !

à écrit le 21/01/2017 à 23:57
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"Les charges sur les salaires permettent aux salariés d'avoir accès à une protection sociale". Les entreprises anglosaxonnnes ont généralemengt un programme de soins dentaires et médicaux correspondant à la sécu. "En outre, l'éducation est quasi grat...

à écrit le 21/01/2017 à 20:14
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Les entreprises se plaignent de la lourdeur administrative due aux couches territoriales, mais se félicitent de la complexité juridique de l'administration fiscale. Surprenant. Deux poids deux mesures en quelque sorte.

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