Patchs médicaux : pourquoi le bourguignon AdhexPharma rachète l’allemand Tesa Labtec

En rachetant Tesa Labtec, la division pharmaceutique du groupe Tesa, très bien implantée en Allemagne, un an après la reprise des actifs d’AMW en Bavière, AdhexPharma, le spécialiste français des adhésifs ultra techniques, continue sa croissance externe. Il récupère ainsi une R&D et des savoir-faire très spécifiques, un pipeline de projets en développement ainsi qu'un portefeuille de clients suisses et allemands très complémentaire du sien.
Sur le site de l'entreprise AdhexPharma, à Chenôve, près de Dijon, cette machine PL 200 assemble différents composants répartis sur plusieurs bobines pour fabriquer un patch topique anesthésique local, essentiellement utilisé en pédiatrie avant les vaccins, ou avant les chimiothérapies et les dyalises.
Sur le site de l'entreprise AdhexPharma, à Chenôve, près de Dijon, cette machine PL 200 assemble différents composants répartis sur plusieurs bobines pour fabriquer un patch topique anesthésique local, essentiellement utilisé en pédiatrie avant les vaccins, ou avant les chimiothérapies et les dyalises. (Crédits : Antoine Martel pour AdhexPharma)

Cette entreprise pharmaceutique française est une vraie pépite : AdhexPharma est la seule en France qui soit spécialisée dans le développement et la fabrication de patchs transdermiques (tels que les patchs anti-douleurs ou les patchs à la nicotine qui diffusent le produit en continu) et de films oraux dispersibles (qui diffusent le médicament instantanément dans le sang, par exemple pour des situations d'urgence). Située sur un marché de niche, cette filiale du holding industriel français Burgundy Ventures affiche 29 millions d'euros de chiffre d'affaires et 130 salariés, et si son siège est à Paris, son laboratoire de R&D comme son site de production sont en revanche bourguignons, installés en Côte-d'Or, à Chenôve, à une vingtaine de kilomètres de Dijon.

« Le bon timing »

Aussi, lorsque les actionnaires de Tesa ont fait part de leur volonté de se séparer de leur division pharmaceutique Tesa Labtech (15 millions d'euros de chiffre d'affaires et 80 salariés), également référents dans le domaine des patchs et des films oraux, les dirigeants d'AdhexPharma ont saisi cette opportunité pour faire une offre de rachat.

Sollicitées par La Tribune, les deux parties ont expliqué les atouts de cette opération sans cependant vouloir communiquer sur le montant de cette opération. « Le timing était le bon car nous venions de faire une acquisition en Allemagne en 2021 [le bavarois AMW, Ndlr]. Toutefois, cette deuxième acquisition est plus conséquente car, cette fois-ci, nous ne reprenons pas uniquement les actifs, mais toute la société avec sa structure juridique, ses bâtiments, son équipement et son personnel », précise Bruno Loiseau, directeur général d'AdhexPharma. Cette acquisition comprend l'intégration des deux sites allemands de Tesa Labtec : à Langenfeld (25 personnes), spécialisé en R&D, et à Hambourg qui est un site de fabrication (55 personnes).

Gagner du temps grâce au précieux savoir-faire de Tesa Labtech

L'intérêt de ce rachat pour le fabricant français est de récupérer le savoir-faire de son ancien concurrent allemand en matière de R&D accumulé depuis plus de 30 ans. « À titre de comparaison, nous avons créé sa cellule de formulation il y a seulement deux ans », confie Bruno Loiseau.

Toutefois, la force d'AdhexPharma est d'apporter une unité de production importante - cinq produits approuvés représentant plus de 80 millions d'unités par an - qui permettra de développer de futurs produits conçus par Tesa Labtech à l'échelle industrielle. Ce que ne pouvait pas réaliser toute seule l'entreprise allemande.

Deux entreprises fondées sur des stratégies complémentaires

Les deux entreprises ont une histoire en parallèle : « Nous avons été créés à peu près au même moment car les patchs sont apparus sur le marché dans les années 1980. Labtec a été fondé en 1990 par un chercheur qui, au départ, était uniquement focalisé sur la R&D et la formulation. Ils créaient des nouveaux produits et ensuite, une fois que ces produits étaient enregistrés, ils étaient fabriqués en sous-traitance en Allemagne. Puis, ils ont été rachetés par le groupe Tesa et ont commencé à fabriquer leurs propres produits, notamment les patchs à opioïdes, des substances contrôlées contre la douleur », raconte Bruno Loiseau.

Le modèle d'AdhexPharma a été fondé sur une stratégie inverse : les fondateurs étaient partis de la fabrication pour remonter vers la recherche et développement.

Un portefeuille de clients très complémentaire 

« Notre intérêt est aussi de récupérer le portefeuille de clients suisses et allemands du groupe Tesa qui est bien implanté en Allemagne, le marché le plus important » précise Bruno Loiseau. « Tesa Labtech faisait partie de nos quatre concurrents principaux en Allemagne. Nos gammes de produits sont complémentaires », poursuit-il.

Par exemple, Tesa Labtec est très compétitif sur le film oral dispersible (qui se dissout dans la bouche, sans apport d'eau) pour délivrer différents types de médicaments, comme les médicaments d'urgence - très indiqués pour les personnes âgées ou les enfants.

Autre point fort de son ancien concurrent allemand : l'intégration des opioïdes dans les patchs :

« C'est ce qu'on appelle les substances contrôlées, des antidouleurs puissants et très règlementés. Leur manipulation nécessite, par exemple, des coffres-forts. Ce que nous n'avions pas sur nos installations », précise Bruno Loiseau.

Projets en développement et marché en croissance

Ces produits représentent une forte opportunité pour le marché mondial. « Nous pensons qu'il y a plein de synergies à créer entre les deux structures pour l'avenir », souligne Bruno Loiseau.

Pour l'instant, chaque site continuera de travailler sur ses produits afin de finaliser le pipeline de projets en cours. À eux deux, ils cumulent 16 projets en développement dans un contexte de marché en croissance, avec des perspectives sur le traitement de la maladie d'Alzheimer.

Ensuite, la production de Tesa Labtec sera relocalisée à Chenôve d'ici à cinq ans. AdhexPharma construira de nouveaux locaux sur le site actuel (estimation budgétaire de cette relocalisation : 8 à 10 millions d'euros ). À ce titre le fabricant français prévoit de recruter 60 personnes. La partie R&D de Tesa Labtec restera en Allemagne sous le nom Labtec (20 salariés allemands). Les salariés allemands de Tesa Labtec production seront repris par le groupe Tesa. « Notre objectif est de lancer un nouveau produit tous les deux ans », confie Bruno Loiseau.

Grâce à cette acquisition, l'ambition d'AdhexPharma est de devenir une ETI avec un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros d'ici à 5 ans. Et pourquoi pas le numéro deux du marché en Europe ?

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Commentaire 1
à écrit le 25/10/2022 à 17:52
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