Le safran... A la poursuite de l’or rouge !

SÉRIE D'ÉTÉ - Tourisme industriel 4/4 | Sous la houlette de deux quarantenaires parisiens expatriés en Loir et Cher en 2005, la safranière de la Chapelle Vicomtesse est devenue l’un des premiers producteurs en région centre Val de Loire de cette épice rare et chère.
Des filaments rouges vendus à prix d'or
Des filaments rouges vendus à prix d'or (Crédits : DR)

Rien de prédestinait Stéphane Thévenet et Fabrice Bauer à se lancer dans la production de safran, épice obtenue en séchant le pistil des Crocus Sativus de couleur violette, si ce n'est l'envie de quitter la capitale et de vivre à la campagne. Partis s'installer en 2005 dans le Vendômois avec en poche un projet de doublage de films qui s'avèrera non rentable, l'ancien maître d'hôtel à la Rôtisserie du Beaujolais et l'ex-régisseur du Conservatoire général de musique de Pontoise se mettent en quête d'une nouvelle activité. Si possible dans la longère qu'ils ont achetée non loin du bourg de la Chapelle Vicomtesse, à 20 minutes de Vendôme.

« C'est en regardant sur Arte le témoignage de Véronique Lazérat, productrice de Safran dans la Creuse, que j'ai découvert que la culture de la petite fleur violette d'où est tirée cette épice perdurait en France, se souvient Stéphane Thévenet. Nous avons eu envie de participer à cette relance du safran hexagonal et lui avons demandé de nous former à sa production ».

Il ne subsiste plus que 200 safranières en France qui produisent au total 40 à 50 kilos de safran. Prospère au XVe siècle, la culture du Safran était répandue dans le Centre, notamment dans la région de Pithiviers. La sous-préfecture du Loiret servait ainsi de bourse mondiale du safran et en fixait le prix au Moyen âge. Le déclin surviendra avec l'exode rural et des hivers très rudes qui font geler les bulbes de Crocus Sativus. Les premières et secondes guerres mondiales ont également contribué à la presque disparition des safranières, avant le regain constaté depuis les années 2000.

crocus

Le Crocus Sativus est né sur les confins de l'Himalaya.

Plus cher que le caviar

Car la culture du safran, si elle est à la fois exigeante et consommatrice main-d'œuvre saisonnière, génère d'importants revenus. Après le fleurissement à l'automne, les filaments rouges, retirés individuellement à la main, séchés dans un mini four, puis laissés au repos pendant six semaines, sont vendus 36 euros le gramme en moyenne. Le prix du kilo d'or rouge, soit 36.000 euros, est ainsi largement supérieur à celui du caviar et de la truffe. Sa rareté et les importants investissements que sa cueillette nécessite, explique la cherté du safran français.

La safranière de la Chapelle Vicomtesse, fondée en 2007, ne cultive ainsi pas moins de 150.000 fleurs plantées sur un terrain de 1.200 m2 pour extraire un kilo de la précieuse épice. Le safran produit dans le Vendômois, comme dans le reste de l'Hexagone, est un exhausteur de goût et harmonisateur de saveurs, contrairement aux épices iraniennes, marocaines et espagnoles servant essentiellement à colorer la cuisine. Conséquence, 12 tonnes de safran étrangers sont importées chaque année, à des prix très bas, à comparer à la cinquantaine de kilos produite en France.

Si l'or rouge est en premier lieu utilisé par les chefs, Stéphane Thevenet et Fabrice Bauer préfèrent eux privilégier la clientèle des particuliers. Outre l'épice, les producteurs commercialisent également dans les épiceries fines de la région Centre Val de Loire une gamme de confitures safranées à partir de cerises, de groseilles, de rhubarbe et de poire cultivées dans le verger jouxtant la safranière. Preuve de l'engouement pour ces produits entièrement naturels, entre 5 et 10.000 pots sont écoulés par an. Autre débouché, les terrines et pâtés au cerf notamment.

Au rayon condiments, le duo vend également des sauces au citron et au pamplemousse safranées, de leur composition. La saisonnalité de la récolte permet enfin des visites de mai à septembre avec conférence et dégustation de thé safrané à la clé. Sur demande, il est même possible de participer à la cueillette et au retrait des filaments des fleurs (émondage). Disposant du label Bienvenue à la ferme, la safranière de la Chapelle Vicomtesse a été couronnée en 2010 du prix Top tourisme pour la qualité de la visite.

Volonté de développement national

Afin de booster des recettes annuelles qui n'ont pas dépassé 50.000 euros en 2018, la société cherche de nouveaux débouchés, hors région Centre Val de Loire, pour son safran. Sa participation en septembre au marché du Carreau du temple pourrait lui ouvrir de nouveaux distributeurs dans la capitale. Les médailles d'argent (2013), d'argent (2014) et d'or (2018 et 2019) qu'ont gagnées Stéphane Thévenet et Fabrice Bauer au Concours général agricole du salon de l'agriculture seront autant d'arguments pour convaincre leurs interlocuteurs de les distribuer sur ce marché de niche.

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Visites guidées :

  • La safranière de la Chapelle Vicomtesse, 1, route de Vendôme,
    41 270 La Chapelle vicomtesse, 02 54 80 52 96

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Commentaire 1
à écrit le 07/08/2019 à 10:55
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Un reportage montrait quelqu'un en Corse voulant développer cette production. Mais c'est pas immédiat, la récolte, y a des contraintes diverses (ah la Nature !).

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