"Caddie possède beaucoup d'arguments, une marque extrêmement connue" (Stéphane Dedieu, PDG)

En redressement judiciaire depuis le 4 janvier, le fabricant alsacien de chariots de supermarché se tourne vers l'avenir. Son PDG Stéphane Dedieu mise sur la qualité des outils industriels et sur la valeur patrimoniale de la marque pour attirer de nouveaux investisseurs.
Caddie, fabricant alsacien de chariots de supermarchés, a été placé en redressement judiciaire le 4 janvier.

LA TRIBUNE - Caddie se retrouve en redressement judiciaire pour la troisième fois en dix ans, après les défaillances de 2012 et 2014. Comment votre société est-elle arrivée dans cette situation ?

Stéphane Dedieu - Cette défaillance est due principalement aux soucis du Covid, qui nous ont désorganisé. La production a été arrêtée à de nombreuses reprises en 2020 et 2021. Nous n'étions pas très riches en trésorerie. Une société industrielle qui ne produit pas de manière constante ne parvient plus à réaliser ses marges. Afin de réduire nos frais de structure et abaisser le point mort, nous avons fermé l'une de nos usines à Drusenheim pour la regrouper avec une autre, à Dettwiller. Nos lignes de production sont assez complexes, comme dans l'industrie automobile. Nous avons connu des problèmes quand il a fallu rebrancher les robots, et nous avons encore perdu des jours de production. Le prix des matières premières a parfois doublé. Les clients ne voulaient pas forcément accepter les hausses de prix. Finalement, on s'est retrouvé avec une trésorerie défaillante.

Pour quelles raisons avez-vous échoué dans vos tentatives de redressement ?

Nos sites industriels se trouvaient sur deux bassins d'emploi différents en Alsace. A Drusenheim, nous étions sur le bassin d'emploi de Haguenau et à Dettwiller (situé à 42 kilomètres de Drusenheim, NDLR), on était sur le bassin d'emploi de Saverne. Vous ne pouvez pas obliger vos salariés à passer d'un bassin d'emploi à un autre. 35 salariés ont refusé la modification de leur contrat de travail. Nous avons été obligés de faire une procédure collective, en l'occurrence un plan de sauvegarde de l'emploi. Au total, 41 personnes ont été licenciées lors de ce PSE. Et en ce début d'année, Caddie compte encore 140 salariés.

Les syndicats estiment pourtant que votre société a été soutenue pendant la crise, avec deux prêts garantis par l'Etat.

C'est exact. On a eu des PGE comme tout le monde. Le problème, c'est que ces emprunts ne produisent pas de valeur. Il y a beaucoup de sociétés qui vont se retrouver devant le même problème que nous. Comment rembourser si cet argent n'est pas producteur de valeur ?

Quel est votre chiffre d'affaires ?

Le chiffre d'affaires de Caddie s'est établi à 15 millions d'euros sur le dernier exercice clos en 2020. On anticipe 12 millions d'euros en 2021.

Caddie était une société historique, établie en Alsace depuis 1928. Vous l'avez reprise en 2014, avant de céder quatre ans plus tard une part majoritaire du capital à l'industriel polonais Damix. Etait-ce un bon choix ?

Notre actionnaire nous a lâchés au mois de septembre et c'est aussi l'une des raisons de ce redressement judiciaire. Damix a souffert sur son marché domestique en Pologne. Il n'arrivait plus à nous soutenir comme il aurait aimé le faire, et comme il a pu le faire durant toute la période où il a été notre propriétaire. Je détenais encore 19,5 % de l'entreprise. Quand vous entrez en procédure de redressement, vous n'avez plus d'actions, vous les perdez.

Caddie a été détenu entre 2012 à 2014 par le fonds d'investissement Altia. Un nouvel acteur de même type, purement financier, serait-il en mesure de vous racheter ?

Je n'en ai aucune idée. La procédure de redressement s'est ouverte le 4 janvier et elle va durer jusqu'au 22 février. Dans sept semaines, nos prévisions seront forcément obsolètes ou se seront révélées peu fiables. Il va y avoir des publicités. Des industriels, des financiers vont maintenant se présenter.

Quelle est la valeur financière et patrimoniale de la marque Caddie ?

La valeur d'une entreprise est toujours dépendante de son chiffre d'affaires et de ses parts de marché. Quand vous tombez en redressement judiciaire, vous ne savez pas combien de clients continueront de vous accorder leur confiance. Je ne me risquerais pas à donner un chiffre sur la valeur de notre marque.

La marque Caddie fait pourtant partie d'un patrimoine culturel en France.

Oui, forcément. Mais elle reste liée à une exploitation. Or cette exploitation dépend de l'activité et de la bonne santé de l'entreprise. La marque Solex représentait aussi une valeur culturelle. Solex ne fabrique plus rien, elle n'a plus aucune valeur.

Un rapprochement est-il envisageable avec votre concurrent allemand Wanzl, présent en Alsace avec son usine à Sélestat ?

Pas à ma connaissance. Je ne pense pas que Wanzl ait jamais montré le souhait d'acquérir ou de se rapprocher de Caddie.

Quel serait le profil idéal pour un repreneur ?

Nous devons retrouver un investisseur de qualité. Caddie possède beaucoup d'arguments : une belle usine, de beaux produits, une marque extrêmement connue. Un repreneur industriel devrait être du métier. On ne s'invente pas métallurgiste. Sans argent, vous ne faites pas grand chose. L'alliance idéale serait constituée d'un industriel et d'un groupe doté de capacités financières.

Y compris à l'étranger ?

Quand vous vous noyez, vous ne regardez pas la couleur de la main qui vous repêche. Nous avons eu un investisseur étranger qui s'est bien comporté, qui a investi de l'argent. Malheureusement, il n'a pas obtenu le retour sur investissement qu'il espérait. Evidemment, on est chauvin parce qu'on est une entreprise française. Mais toutes les possibilités devront être étudiées pour Caddie.

Propos recueillis par Olivier Mirguet

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Commentaires 2
à écrit le 05/01/2022 à 20:13
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Une marque ne suffit pas si les produits ne sont pas au gout du jour. Les caddies en fil on en voit de moins en moins. Kodak aussi était une marque de grande notoriété.

le 07/01/2022 à 11:28
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faudrait il éplucher la totalite de la masse salariale. et la part fiscale en rapport de la concurrence car malgre les promesses de la macronie rien n'est realise pour rendre les entreprise francaise a egalite dans l'europe peut etre pour les ...

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