Covid 19 : la PME alsacienne Barral pousse les pouvoirs publics à acheter des masques français

Dominé par les producteurs asiatiques, le marché du masque anti-Covid est en chute. Pour résister dans cet environnement difficile, l'entreprise alsacienne Barral mise sur l'automatisation de la production et se réoriente vers le secteur de la santé. Elle demande aussi que les collectivités territoriales et l'Etat limitent les achats de masques asiatiques à 50% de leurs besoins.
Barral a investi 3,6 millions d'euros pour automatiser sa production de masques chirurgicaux.
Barral a investi 3,6 millions d'euros pour automatiser sa production de masques chirurgicaux. (Crédits : Olivier Mirguet)

Né pendant la première vague de l'épidémie de Covid, en avril 2020, le fabricant alsacien de masques grand public Barral a connu un démarrage d'activité en mode start-up. 14 millions de masques ont été fabriqués à Rouffach (Haut-Rhin) dans ses installations industrielles aménagées à la hâte avec le concours de l'équipementier automobile Mahle-Behr. Les masques ont été vendus en huit mois. Lavables car fabriqués en tissu, ils présentaient toutefois un prix de vente élitiste (2,74 euros l'unité). Mais le marché était demandeur en 2020 et le chiffre d'affaires s'est établi à 14 millions d'euros, pour un résultat bénéficiaire.

Début 2021, il a fallu revoir le modèle économique de Barral, basé précédemment sur la commande publique.

"La grande distribution ne vend plus que des masques jetables. Nous n'avons pas les moyens de répondre à la demande face à des Chinois qui ont fait chuter les prix unitaires à 3 centimes", a constaté Benoît Basier, président de Barral.

Chef de file d'un groupement de six entrepreneurs locaux, précédemment affiliés ou proches du pôle de compétences du textile alsacien, il avait levé le capital initial de Barral (200.000 euros) en trois semaines au printemps 2020. Mais depuis, les ventes de masques grand public, très liées aux périodes de confinement, ont rapidement chuté en France. Selon l'institut d'études de consommation NielsenIQ, les ventes dans les hypermarchés et supermarchés en France se sont élevées à 86,6 millions d'euros au cours des trois premiers trimestres de l'année 2021, contre 323,9 millions d'euros sur la même période en 2020. Soit une chute en valeur de 73 %.

"Nous devons pérenniser notre entreprise et pour cela, nous nous orientons vers le secteur de la santé", annonce Benoît Basier.

Trois nouvelles chaînes de production

Pour lancer la production, en pleine crise sanitaire, une partie de la main-d'œuvre avait été mise à disposition par Mahle-Behr. L'équipementier automobile a également loué une partie de ses locaux (5.000 mètres carrés) et fourni des prestations logistiques. Les effectifs à Rouffach ont atteint 160 personnes, la plupart intérimaires, avant de retomber à 11 salariés permanents fin 2021. Barral a entre-temps suivi la voie de l'automatisation. Afin d'opérer sa conversion, le fabricant a acquis cet été trois nouvelles chaînes de production dédiées aux masques chirurgicaux et aux masques FFP2. L'investissement s'élève à 3,6 millions d'euros. Réalisées par Schlumberger et installées depuis le mois d'octobre dans l'atelier à Rouffach, ces machines offrent une cadence de production de 170 masques chirurgicaux à la minute. La fabrication de masques grand public en tissu, lavables, sera maintenue avec une gamme de produits renouvelés.

"Nous avons démarré notre activité en 2020 dans un contexte de pénurie complète. L'offre de masques ne parvenait pas à suivre la demande, tant chez les particuliers que chez les professionnels", rappelle Philippe Chican, directeur commercial de Barral. "Cette année, on constate une concordance entre l'offre et la demande mais le marché demeure déséquilibré parce qu'il y a trop d'importations depuis l'Asie", poursuit Charlie Seel, responsable de l'innovation. "Pour être compétitifs, nous n'avons pas d'autre choix que de réduire autant que possible le recours à la main-d'œuvre. Nos machines sont entièrement connectées, depuis l'acquisition de données sur la chaîne de production jusqu'au traçage des expéditions par puce RFID", détaille Charlie Seel. L'organisation de l'atelier s'inspire, à petite échelle, des principes d'organisation de l'industrie automobile et du standard ISO 9001 : lean management, organisation visuelle du suivi de la qualité, amélioration continue. Pour faciliter son accès au marché médical, l'entreprise veut encore adapter ses méthodes aux exigences de la norme ISO 13485, spécifique aux risques du secteur de la santé et plus sévère en matière de qualité. Barral prévoit une production de 120 millions de masques en 2022, dont 70 % de masques chirurgicaux et 30 % de masques grand public, pour un chiffre d'affaires de 12 millions d'euros.

L'appui de la filière locale

Après avoir été soutenue par la commande publique en 2020, l'entreprise a perdu en 2021 les commandes des collectivités territoriales et celles de l'Etat, qui a reconstitué ses stocks stratégiques de masques. Barral craint désormais d'être écartée des marchés publics, pour cause de prix. "Il faut que les fonctionnaires en charge de la commande publique osent mettre une limite à 50 % de produits étrangers. Et si les tribunaux administratifs estiment une telle clause illégale, j'attends de nos élus qu'ils défendent ceux qui commandent des produits français", propose Benoît Basier. "Nous avons l'avantage de ne pas facturer les mêmes frais de transport que les fabricants chinois", ajoute-t-il. Les micro-filaments qui servent à produire le tissu multicolore des masques sont fabriqués par un fournisseur local, chez Freudenberg à Colmar. "L'Alsace concentre 80 % de la production française de textile non-tissé et de microfibres. Nous n'avons aucun mal à accéder à la matière première en circuit court", rappelle Philippe Chican.

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