Europa City  : le sujet épineux de l'emploi

Le nombre d'emplois qui seront créés grâce au projet du groupe Auchan fait débat. Sujet important car le futur centre commercial et de loisirs sera situé dans une zone où le chômage est très élevé, entre le Val-d'Oise et la Seine-Saint-Denis.
Mathias Thépot
Le projet Europa City s'étalera sur 80 hectares, dans le Val d'Oise, et à la limite de la Seine-Saint-Denis

La question de l'emploi est au cœur du débat public qui se tient entre le 15 mars et le 30 juin sur l'opportunité du mégaprojet privé de centres de loisirs et culturel Europa City. Porté par le groupe Auchan, ce projet de 3,1 milliards d'euros prévoit d'accueillir 30 millions de visiteurs par an, dont 6 millions de touristes. Il sera situé sur le Triangle de Gonesse, dans le Val D'Oise, à la frontière de Seine-Saint-Denis, et comportera, entre autres, un parc à thèmes, un parc aquatique, des commerces, 2.700 chambres d'hôtels, un cirque, un hall d'exposition, une salle de concert etc.

Convaincre les riverains

Si Europa City a d'ores et déjà de fortes chances de voir le jour d'ici 2024, convaincre les riverains qu'il créera des emplois locaux reste essentiel pour le groupe Auchan, afin de limiter les recours et susciter l'adhésion globale. Sa filiale Alliages et territoires, le maître d'ouvrage du projet, tente ainsi de mettre en valeur les vertus d'Europa City en la matière. Elle s'appuie sur une étude datant de 2011 du cabinet Sémaphores qui dit que 4.200 emplois par an seraient créés en phase de construction, qui devrait durer 4,5 ans, et 11.800 emplois directs en phase d'exploitation du projet, dont une grande partie pour les habitants vivants dans les communes limitrophes.

Ces chiffres sont toutefois discutables, d'une part car ils commencent à dater et, d'autre part, car la méthodologie du cabinet Sémaphores est très peu détaillée dans l'étude, comme l'a fait remarquer Mediapart cette semaine.

Taux de chômage supérieurs à 15 %

Ce débat sur l'emploi est très important, car si les prédictions d'Auchan étaient vraies, le groupe annihilerait presque de fait l'opposition à son projet. En effet, qui irait s'opposer à un projet créateur d'emplois pour la population locale sur le territoire qui concentre le plus de communes avec un chômage élevé en Île-de-France ? A Garges-lès-Gonesse, Aulnay-Sous-Bois, Villiers-Le-Bel ou Sarcelles, les taux de chômage sont effectivement supérieurs à 15 %, selon l'institut d'aménagement et d'urbanisme de l'Île-de-France.

Les pourfendeurs du projet pourront, certes, mettre en avant l'urbanisation des 300 hectares de terres agricoles du triangle de Gonesse - dont 80 pour le seul projet Europa City. Une contradiction en cette période post-COP 21 qui s'est, qui plus est, tenue à quelques encablures de Gonesse, au Bourget. Mais le Schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif), a déjà donné son aval par deux fois en 2008 et en 2013 à l'urbanisation du triangle de Gonesse à des fins de développement économique, quels que soient les projets qui s'y implantent, Europa City ou non. C'est donc davantage la responsabilité des pouvoirs publics qui est engagée sur le thème de l'environnement.

Le débat public financé par Auchan...

Par ailleurs, le fait que la filiale immobilière du groupe Auchan finance d'une part la totalité de la campagne de sensibilisation de l'opinion publique au projet et, d'autre part, une partie de la construction de la gare de Gonesse, l'une des 68 nouvelles gares du Grand Paris, interroge sur le rôle des pouvoirs publics. Leur mission n'est-elle pas d'assurer l'intérêt général, et notamment la bonne sensibilisation des citoyens aux tenants et aboutissants du projet ?

Mais là aussi, sur un territoire qui souffre depuis plus de 20 ans d'un taux de chômage bien supérieur à la moyenne nationale, et sur lequel les pouvoirs publics se retrouvent démunis pour agir pour l'emploi, l'initiative privé pourrait être l'une des dernières chances.
Auchan devra, du reste, convaincre les riverains qui craignent que l'arrivée de ce projet monstre fasse concurrence aux commerces de proximité déjà implantés, et les pousse vers la faillite. Plusieurs élus de la Seine-Saint-Denis ont déjà pointé du doigt ce problème.

Des précisions attendues

La filiale d'Auchan assure de son côté qu'elle aura une démarche responsable vis-à-vis du territoire. Elle s'est engagée à mettre en place une cellule qui orientera les populations locales vers les formations et les emplois créés par Europa City, même si, comme l'explique la direction du projet, « on ne pourra pas imposer aux entreprises d'embaucher des habitants vivants dans les alentours ». On sait par exemple que pour la phase de construction, plus des deux tiers des effectifs seront importés par les majors français du BTP. Des précisions sur les chiffres de l'emploi sont donc attendues.

Mathias Thépot

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Commentaire 1
à écrit le 14/04/2016 à 17:54
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Les élus des communes riveraines font la fine-bouche pour la création d'emplois qui ne serait pas tant "locale", que "régionale", voire tout simplement "en France". C'est vrai que notre classe dirigeante a davantage l'habitude de créer des emplois à ...

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