"L'Etat a raison d'intervenir dans le Grand Paris"

Dans un entretien à la Tribune, Jean-François Carenco, préfet de la région Île-de-France et de Paris depuis 1 an, détaille les grands défis qui attendent la métropole capitale, notamment concernant la réduction des inégalités.
Mathias Thépot
Jean-François Carenco, préfet de la région Île-de-France et de Paris.

Comment réduire les fortes inégalités sociales sur le territoire du Grand Paris ?

D'abord en créant de la richesse, du lien social et de l'émotion culturelle. Une métropole n'est pas qu'une machine économique. Les volets culturels et sociaux sont d'ailleurs extrêmement importants et présents dans la construction du Grand Paris.
Nous n'avons par exemple jamais construit autant de logements : 70.300 sur 12 mois glissants, ce qui répond à nos objectifs. Il faut aussi savoir que le projet du Grand Paris prévoit de construire près de 140 kilomètres carrés de territoires nouveaux, soit plus que la surface de Paris intramuros. Il y a là des enjeux de cohésion et de développement considérables !

Par ailleurs, en matière de culture, nous développons en lien avec le ministère concerné un politique nouvelle. En un an, nous avons jumelé 22 zones de sécurité prioritaires (ZSP) de la région parisienne avec des grandes institutions culturelles nationales. Il est en effet très important que le Louvre s'exporte à Aulnay, que le château de Versailles rencontre les Mureaux etc. Porter cette exigence culturelle au cœur des quartiers difficiles est l'une de nos priorités.

Une question revient régulièrement : les nouveaux emplois qui seront créés grâce au Grand Paris bénéficieront-ils aux habitants ?

S'il y a un bien un endroit, en France, où des emplois vont être créés, c'est bien dans le Grand Paris ! En 2015, le nombre d'emplois a déjà crû d'environ 30.000 en Île-de-France, c'est beaucoup. En créera-t-on assez ? C'est un autre sujet. Mais nous nous devons d'être proactifs. La France reste en effet une terre où la population active augmente, ce qui veut dire que si l'on ne fait rien, le chômage augmentera. A l'inverse, en Allemagne, où la démographie est défavorable, si l'on ne fait rien, le taux de chômage baisse...

Mais tout ce qui a été mis en place par le gouvernement va rendre la situation meilleure. En effet, jamais il n'y a eu autant de mesures en faveur des entreprises pour favoriser les créations d'emplois. Regardez aussi ce qu'il se passe sur les start-up, c'est considérable ! Paris fait partie des trois lieux les plus prisés dans le monde par les start-up.

Quels types d'emplois vont-être créés ?

Tous les emplois sont bons à prendre. Qu'il y ait une accélération des processus de fabrication, et que pour créer la même valeur ajoutée qu'avant, il faille moins d'emplois, c'est une évidence. Mais il ne faut pas s'attarder sur cette conception passée des choses qui dit qu'il ne fraudait pas créer d'emplois car ils seront précaires. Il faut d'ailleurs rappeler que sur l'année 2015, la proportion de CDI dans les emplois créés remonte pour la première fois depuis des années. II faut le dire haut et fort !

La métropole du Grand Paris et la région Île-de-France vont-elles arriver à se coordonner dans leurs objectifs  ?

Je crois en l'intelligence des situations. Chacun va trouver sa place. Certes, il y a un débat, du à la grande taille de la métropole dans la région. Mais ce débat métropolitain existe dans toutes les régions françaises.

Il est, du reste, vraisemblable que la structure de la métropole du Grand Paris évoluera.  Nous n'en sommes qu'à la première une première étape. Il faut se rappeler qu'il y a 6 mois, les médias se demandaient si la métropole pourrait un jour fonctionner. Or, je constate que tous les établissements publics territoriaux (EPT) en petite couronne, et que les établissements publics de coopération intercommunale renforcée en grande couronnes, ont été mis en place. Ils ont tous créé leur bureau et voté leur budget. Cela fait donc 3 mois que ces institutions sont en place. A l'échelle de l'histoire des communes, ce n'est rien du tout. Au final, le Premier ministre a eu sur ce point raison de tracer la route malgré les sceptiques. Les Cassandre ont eu tort !

Nombre de collectivités de la grande couronne ont regretté le périmètre trop restreint de la métropole, qui se limite aux trois départements de la petite couronne...

A mon sens, le sujet est moins le périmètre, que de l'intégration future des EPT dans la métropole. Clairement, la métropole ne peut pas être partout. Elle n'a pas vocation à appauvrir son extérieur, mais à rayonner vers l'extérieur.

Concrètement, Saclay, Roissy, Val d'Europe, Versailles, ou Les Mureaux sont par exemple des territoires qui ne font pas partie du périmètre institutionnel de la métropole du Grand Paris mais qui sont très dynamiques. Il me semble que ces territoires n'ont pas besoin d'y être intégrés pour bien vivre. A l'inverse, ils ne vivraient pas sans la capitale. La métropole ne crée pas de difficultés, elle en résout, même pour ceux qui sont à l'extérieur de son périmètre.

Doit-on déterminer une demi-douzaine de pôles majeurs sur lesquels la métropole devra s'appuyer pour se développer ?

Je ne suis pas favorable à cette idée. Le Grand Paris est un territoire suffisamment petit pour que l'on ne commence pas à le diviser. Des projets se développent déjà partout : à Orsay, à Roissy, à Saclay, dans Paris, à la Défense, sur la ZAC rive gauche etc. Et ce ne sont pas des pôles de pluri-centralité, mais des territoires à l'intérieur de la métropole et de l'Île-de-France. Je ne crois pas que l'on puisse instaurer des pôles à l'intérieur du Grand Paris. Il y a juste une multitude de projets qu'il faut soutenir pour qu'ils émergent.

Plus globalement, il ne faut pas oublier que la concurrence métropolitaine est violente à l'échelle internationale, c'est sur cela qu'il faut se concentrer. il ne faudrait pas instaurer de concurrence entre des territoires internes au Grand Paris.

Justement, comment fait-on pour être faire face à cette concurrence internationale sans accroître les inégalités sociales ? On sait que pour attirer des investisseurs internationaux, il faut souvent proposer des rendements élevés, qui ne sont pas toujours compatibles avec des finalités sociales ...

Il ne peut pas y avoir de développement économique sans cohésion sociale. Là est la grande aventure du Grand Paris. Et je pense même qu'au sein des métropoles de demain, la cohésion sociale sera l'une des données de base. C'est un combat politique qu'il faut mener. Il n'y a aucune raison d'opposer le développement économique et cohésion sociale.

Mais si on laisse libre cours au marché, il peut y avoir in fine de la casse sociale...

Voilà pourquoi l'Etat a raison de s'intéresser à sa région capitale. Vous venez de définir son rôle. Et à partir du moment où un axe de travail a été fixé par le président de la République et le Premier ministre pour construire le Grand Paris, en équipe, l'entraineur devient l'Etat. Et tout le monde en est jusqu'ici plutôt content.

Mathias Thépot

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Commentaire 1
à écrit le 13/04/2016 à 17:09
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Bien obligé d'en remettre une couche (sur le ciment...) : chantier pharaonique = budget incontrôlable + fuite des capitaux à tous les niveaux, utilité douteuse pour le citoyen lamda. Mais j'en vois déjà qui se frottent les mains et la maitrise d'ouvr...

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