
LA TRIBUNE - Le Salon des maires d'Île-de-France fête ses 22 ans cette année. Comment votre fonction d'élu a-t-elle évolué depuis ?
STÉPHANE BEAUDET - Tout d'abord, les moyens ne sont plus les mêmes, et je ne parle pas que des moyens financiers, même si dans ma commune, à Courcouronnes, la dotation globale de fonctionnement (DGF) a baissé de plus de 60 % depuis 2010. Ce n'est pas neutre dans un budget communal. Dans cette baisse de moyens, j'inclus les ressources humaines, les outils pour mener des réflexions stratégiques sur l'aménagement du territoire, les transports, les bassins d'emploi... À quoi s'ajoutent la paupérisation de nos administrés, un sentiment de relégation et un cadre normatif de plus en plus contraint.
Quand j'ai été élu en 2001, les habitants me parlaient de sécurité. Aujourd'hui, ils citent en premier les frais de chauffage ! En tant que président de l'Association des maires d'Île-de-France (Amif), mon rôle est de donner aux maires de la visibilité en étant leur porte-voix, mais aussi accès à des outils de gestion et de prospection. Mon objectif est clair depuis mon élection à la tête de l'Amif : renforcer le pouvoir des communes franciliennes, en respectant leur identité. Mais il faut être lucide : le modèle communal est à bout de souffle. Ensemble, nous devons le réinventer !
Justement, comment faites-vous mieux avec moins ?
C'est de la « démerde » ! Nous avons pris l'habitude d'aller chercher des subventions. Il faut aussi être capable de faire des économies tout le temps. Par exemple, à Courcouronnes, nous avons baissé la masse salariale de 20 % en l'espace de cinq ans, mais sans toucher à la qualité du service public et sans aucune grève. Toutes nos décisions ont été prises à l'unanimité, évidemment au prix d'une énorme concertation, mais aussi d'une véritable dynamique et du partage d'un destin commun de l'administration.
Et ça, c'est essentiel pour que cela fonctionne. C'est dans les périodes de crise et dans l'urgence que l'on invente les meilleures choses. Ce n'est pas pour rien que l'on nous décrit comme les couteaux suisses de la politique !
Avec votre casquette de vice-président de la Région Île-de-France chargé des Transports, comment aidez-vous vos confrères et consoeurs maires à trouver des solutions alternatives en attendant la livraison du Grand Paris Express ?
L'une des urgences est de mettre en oeuvre le Grand Paris Express, car le calcul est simple : un train transporte 2000 personnes contre 150 pour un bus ! C'est une nécessité pour l'État d'être au rendez-vous sur sa part de financement au contrat de plan ÉtatRégion (CPER) et nous y veillerons.
Mais, en matière de transports, nous ne pouvons pas nous contenter de gérer l'urgence. Nous devons anticiper. Les outils numériques et technologiques doivent être utilisés pour repenser les transports de demain. Nous devons imaginer de nouveaux modes de déplacement, notre façon de travailler et de gérer notre temps... Cela veut dire permettre aux usagers de choisir un mode de transport en fonction de leurs besoins et de leur destination : bus, vélo, tram, train, RER, voiture, marche... Ce qui implique de la part des élus une gestion efficace de la multimodalité avec, notamment, la mise en place d'un open data en temps réel des transports.
Les nouveaux modes de déplacement et nouvelles modalités de travail ne doivent pas être oubliés du débat : covoiturage, court-voiturage, télétravail, tiers lieux... C'est la mise en oeuvre de l'ensemble de ces solutions qui nous permettra d'avancer.
À l'échelle de l'Île-de-France, c'est moins une nécessité qu'une obligation. Des études ont démontré que si 10 % des Franciliens changeaient leurs habitudes de transports et d'horaires, il en serait fini des bouchons sur les routes d'Île-de-France !
Les outils numériques s'invitent d'ailleurs de plus en plus au service des communes, quelle que soit leur taille. Quelle est votre vision de ce sujet ?
Je suis un « maire geek » et je le revendique. Je vois le changement dans nos pratiques, y compris dans la réhabilitation de l'action publique. Il y a quinze ans, au début de mon premier mandat, je m'engageais à répondre aux courriers des Courcouronnais dans les quinze jours. Aujourd'hui, tout passe par Facebook. Sur le réseau social, je suis suivi par 9 000 personnes, dont 4 000 habitants de ma commune. Autant dire que le contact est direct, sans filtre et permanent. C'est aussi une façon de réhabiliter le politique, parce que les administrés constatent notre action au quotidien. Et à nous, élus, cela permet d'être bien ancrés sur le terrain, d'être en contact avec toutes les générations et d'élaborer d'autres formes de concertation et de débats.
Toutes ces questions seront largement abordées lors du Salon des maires d'Île-deFrance [du 10 au 12 avril, au Paris Event Center, Ndlr], puisque la journée du 12 avril sera entièrement consacrée au numérique. Nous parlerons de l'attractivité du territoire, des nouvelles mobilités, des smart cities et des smart citoyens, de civic tech, d'objets connectés, de smart grids... et des moyens mis en oeuvre par l'Amif pour accompagner les communes dans ces mutations en favorisant l'échange de bonnes pratiques. Et c'est tout le sens de l'action de l'Amif : être tournée vers l'avenir avec la volonté de renouveler le modèle communal.
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