
Rentrée difficile pour les motards et les vendeurs de motos et scooters parisiens et d'Île-de-France. L'entrée en vigueur ce jeudi du stationnement payant dans la capitale pour les deux-roues motorisés thermiques (2RM) risque de faire chuter les ventes. En effet, les tarifs du stationnement pour les deux-roues à moteur thermique sont tellement élevés qu'ils risquent de dissuader les motards de les utiliser. Certes, il existe des tarifs préférentiels pour les résidents (carte annuelle de 22,50 euros ou 45 euros pour trois ans, à laquelle s'ajoute un montant de 0,75 euro par journée de stationnement), mais ils ne concernent que le quartier d'habitation des motards.
Baisse des ventes
Le concessionnaire Scooter Center établi sur Paris constate une baisse drastique de la vente de 2RM (-50% depuis « quelques mois »), et même ceux d'occasion. « Les gens ne veulent plus de scooters à essence et avec la nouvelle réglementation, la maire de Paris est en train de nous tuer » confie son gérant à La Tribune. « Tout le monde veut de l'électrique », précise un employé d'une autre concession, Scooter Store Paris, avant d'ajouter que « nous avons deux modèles de scooters électriques, mais ils sont différents des modèles thermiques, il n'y a pas de gros modèles électriques. On perd de la clientèle parce que les gens veulent du confort ».
Après une bonne année 2021, les immatriculations de 2RM neufs reculent en France. Entre janvier et fin juillet, elles ont baissé de 7%, selon l'entreprise AAA Data, spécialiste de la donnée automobile. « Ce secteur est touché par de fortes pénuries, car de nombreuses pièces sont produites en Asie, continent qui connaît une véritable crise à cause de toutes les usines fermées » explique Marie-Laure Nivot, responsable intelligence marchés chez AAA Data, à La Tribune.
À Paris, cette baisse des ventes est encore plus importante, tant pour les 2RM neufs (-11% sur sept mois) que pour ceux d'occasion (-12%). Le recul des ventes de ces engins s'explique notamment par les multiples offres de location présentes dans la capitale, explique la responsable de AAA DATA, mais également par la hausse des ventes de scooters électriques.
Les scooters électriques, grands vainqueurs
Face à cette réglementation, les usagers se tournent en effet de plus en plus vers une autre alternative : le scooter électrique. Ce dernier est largement implanté à Paris, les ventes de deux-roues électriques neufs, toutes cylindrées confondues, représentent déjà 41% du marché dans la capitale, contre 12% en moyenne dans le pays. Toutefois, sur les sept premiers mois de l'année, le nombre d'immatriculations de scooters électriques a moins fortement progressé à Paris qu'en France : +40% dans la capitale soit 3.837 nouvelles immatriculations contre 21.108 nouvelles immatriculations à l'échelle nationale, soit une hausse de 57% sur un an, selon AAA DATA. Une tendance que la nouvelle réglementation pourrait inverser. D'autant plus que les aides accordées par les villes, régions et l'Etat se sont multipliées dernièrement. La ville de Paris accorde par exemple une prime fixée à 33% du prix d'achat de l'engin pour les deux-roues électriques neufs dont la puissance du moteur est supérieure ou égale à 2 kW (plafonnement à 400 euros). Le gouvernement, quant à lui, propose un bonus écologique avec un montant fixé à 250 euros/kWh d'énergie de la batterie (plafonnement à 900 euros). Pour autant, malgré ces aides, les deux-roues électriques sont beaucoup chers que ceux à essence et ne sont pas permis à toutes les bourses. « J'ai acheté ma moto neuve 8.000 euros, une neuve électrique c'est 20.000 euros » explique à l'AFP Romain Lagrost, travailleur intermittent à Paris habitant à 45 kilomètres de la capitale.
Les motards en colère manifestent ce samedi Les motards parisiens contre-attaquent. Après avoir déposé un recours en justice en octobre 2021, la Fédération française des motards en colère (FFMC) poursuit sa « résistance » dans la rue et a appelé à un « rassemblement à l'Hôtel de Ville » en milieu de journée ce samedi 3 septembre via un post Facebook. Coordinateur de la FFMC Paris et Petite couronne, Jean-Marc Belotti dénonçait cette semaine dans le Figaro une mesure « discriminatoire et injuste ». « Un deux-roues motorisé qui circule en ville n'est pas un véhicule en plus, mais une voiture en moins » explique Jean-Marc Belotti avant de préciser que « sur un deux-roues motorisé, l'espace est occupé à 50% quand il y a le pilote et à 100% quand il y a le passager » contrairement aux voitures qui sont rarement pleines pour aller travailler. Interrogé par l'AFP, David Belliard, l'adjoint (Europe Ecologie Les Verts) à la maire de Paris en charge de la transformation de l'espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie, justifiait, mardi dernier, ce choix par ces mots : « Il y plein de gens qui attendent cette mesure. On est dans un régime d'exemption pour des engins qui prennent de la place sur l'espace public, qui font du bruit, et qui polluent », confiait-il.
42.000 emplacements consacrés aux 2RM
L'objectif affiché par la Mairie de Paris est de réduire la quantité de motos et de scooters à moteur thermique circulant dans la capitale et vise à privilégier les « transports verts », dont l'impact sur l'environnement est moindre. Concrètement, à Paris, 42.000 emplacements sont dédiés aux deux-roues motorisés, alors que 500.000 2RM circulent dans la capitale quotidiennement. Ces scooters et motos pourront aussi stationner sur les places de voiture. Le prix sera toutefois moins élevé que pour ces dernières : l'heure de stationnement des visiteurs sera facturée 3 euros en zone 1 (du 1er au 11e arrondissement) et 2 euros en zone 2 (du 12e au 20e). Des tarifs qui augmentent avec la durée : limité à six heures sous peine de recevoir une amende, le stationnement sur une place de zone 1 atteindra 37,50 euros maximum et 25 euros pour une place en zone 2.
Les résidents parisiens pourront bénéficier d'un tarif préférentiel dans leur zone d'habitation seulement. Une carte d'abonnement peut d'ores et déjà être délivrée à ceux qui en font la demande grâce à une plateforme mise en ligne deux mois plus tôt, carte dont le montant est de 22,50 euros par an ou 45 euros pour trois ans, tarif auquel s'ajoute 0,75 euro par journée de stationnement. Certains professionnels pourront également bénéficier d'offres préférentielles. A ce jour, « le nombre de stationnements résidentiels accordés est de 6.080, le nombre de droits professionnels est de 2.419 et il est de 1.667 pour les 2RM électriques et de 80 pour les 2RM handicap », a détaillé, mardi matin, David Belliard, soit un total de 10.250 demandes satisfaites.
Néanmoins, tous les secteurs ne sont pas éligibles aux offres proposées par la mairie. C'est par exemple le cas des agents de sécurité. « On s'est renseigné, les sociétés de sécurité n'ont pas le droit d'avoir de stationnement professionnel. On fait des journées entre 8 et 12 heures, à 3 euros de l'heure le stationnement, ça va nous coûter en moyenne 500 euros par mois », dénonce à l'AFP Sébastien Mazelier, agent dans le domaine de la sûreté. Dans un communiqué, le président de la CPME Paris Île-de-France, Bernard Cohen-Hadad, appelle la mairie de Paris à aider tous les professionnels qui demandent des tarifs avantageux.
« Cette mesure va impacter très lourdement le pouvoir d'achat des nombreux collaborateurs qui n'ont pas le choix de leur déplacement pendulaire et ne sont pas éligibles aux offres de stationnement pour les professionnels, ce qui pourrait du reste entraîner davantage de télétravail subi » indique Bernard Cohen-Hadad avant de préciser « C'est pourquoi nous demandons à la Mairie de Paris d'aller plus loin pour tous les professionnels, entreprises et salariés. »
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