Vivre et travailler en Île-de-France : peut mieux faire !

Les communes franciliennes demeurent les plus attractives du pays, mais la cherté du logement comme le temps de transport sont autant de freins à l'installation, parfois même un repoussoir.
César Armand
A Saint-Denis, un grand pont reliera la future gare du Grand Paris Express à celle du RER D, enjambant les voies ferrées du nord de Paris. C'est le projet de l'architecte Marc Mimram, largement destiné aux piétons, qui a été retenu.
A Saint-Denis, un grand pont reliera la future gare du Grand Paris Express à celle du RER D, enjambant les voies ferrées du nord de Paris. C'est le projet de l'architecte Marc Mimram, largement destiné aux piétons, qui a été retenu. (Crédits : iStock)

Une région, une métropole, 12 territoires, 20 arrondissements, 12,1 millions de résidents et... 1.296 communes. De Paris, qui compte près de 2,2 millions d'habitants intra-muros, à Montenils (Seine-et-Marne) qui en recense 28, l'Île-de-France est tout sauf homogène. Or, comme ailleurs en France, il faut loger cette population, lui trouver un travail et, surtout, lui permettre de se déplacer le mieux possible.

C'est là que le bât blesse : le taux de pauvreté est 1,4 point supérieur au reste de la France métropolitaine tant les inégalités demeurent criantes. Rien de commun en effet, ou si peu, entre, d'un côté, une capitale et sa petite couronne qui concentrent la densité la plus forte, l'un des meilleurs maillages de transports en commun au monde et les emplois les mieux rémunérés, et, de l'autre, la grande couronne, habituée aux cités-dortoirs, aux RER défaillants et au « délit de code postal ».

D'autant qu'à l'horizon 2040, le nombre d'habitants va encore augmenter pour atteindre, selon les estimations hautes de l'Insee, 13,8 millions. Un bond de 10%, soit 1,6 million de personnes pour qui, là encore, il faudra trouver un toit, un emploi et des transports qui fonctionnent. Aujourd'hui, posséder un appartement dans la région la plus riche de France, c'est déjà un succès d'autant que le prix moyen se stabilise à 5.000 euros le mètre carré quand il n'atteint pas 9000 euros dans la capitale intra-muros. Être en poste, c'est mieux, sachant que le taux de chômage, toutes catégories confondues, varie du simple au triple selon le lieu de résidence. Toujours est-il qu'y respirer dans de bonnes conditions s'impose dans le même temps comme une condition sine qua non.

La population demandeuse de la "ville du dernier quart d'heure"

Paris veut ainsi devenir la métropole post-voiture décarbonée au maximum. Que ce soit Patrick Ollier, le président de la Métropole du Grand Paris (MGP), Jean-Louis Missika, adjoint à la maire chargé de l'urbanisme, de l'architecture, du projet du Grand Paris, du développement économique et de l'attractivité, ou la présidente de Région, Valérie Pécresse, toutes et tous se retrouvent sur ce sujet.

Avec une densité croissante aux endroits où les services restent regroupés, la population est donc de plus en plus demandeuse d'une « ville du quart d'heure » : de la proximité quasi immédiate avec le transport en commun, le commerce de proximité et, bien sûr, la nature en ville.

Le conseil régional, qui ne possède pas pour autant la compétence logement, se targue de répondre à ces questions.« L'Île-de-France gagne 60.000 habitants de plus chaque année. C'est en construisant plus que nous ferons baisser durablement les prix », assure Geoffroy Didier, vice-président chargé de l'attractivité, du logement et de la rénovation urbaine, qui affirme investir 2 milliards d'euros d'ici à 2020 pour accroître le stock foncier et augmenter de 50% sa cession afin de répondre à la demande de logements.

L'élu entend en outre favoriser le "mieux-loger" en finançant la construction de logements sociaux :

« Quelque 700.000 ménages franciliens sont demandeurs ! Depuis 2015, nous avons déjà investi 148 millions d'euros - soit 18.000 logements pour 48.000 bénéficiaires -, dont 48 millions pour 6.000 places destinées aux étudiants. »

Un bonus pour transformer les bureaux en logements

Le projet de loi Évolution du logement et aménagement numérique (Élan), dévoilé le 4 avril en Conseil des ministres, aspire, lui aussi, à redonner de l'élan à une Île-de-France qui en manque. De l'aveu même des conseillers communs de Jacques Mézard et de Julien Denormandie, respectivement ministre et secrétaire d'État à la Cohésion des territoires, il y a 4 millions de bureaux vacants dans la région, dont 750.000 mètres carrés rien qu'à Paris. Aussi le gouvernement prévoit-il d'accélérer la transformation de bureaux en logements.

Pour y parvenir, l'État entend octroyer un bonus de constructibilité afin d'aider les opérateurs à atteindre l'équilibre économique, créer une nouvelle catégorie d'immeubles de moyenne hauteur pour faciliter la réversibilité et contractualiser avec les foncières. Avant cette présentation officielle, Jacques Mézard et Julien Denormandie étaient en effet censés réunir les établissements publics fonciers (EPF) et les établissements publics (EP) pour libérer du foncier et les inviter à prendre des engagements ainsi qu'à définir des objectifs.

Sans oublier le vieillissement de la population, l'allongement de la vie étudiante, la progression de la monoparentalité et les enjeux environnementaux, autant de défis auxquels doivent faire face les promoteurs-constructeurs. Ceux-ci s'y préparent déjà, mais attendent avant tout le « choc de simplification », annoncé depuis des années et toujours ajourné.

Sur ce point, l'administration renvoie au quinquennat précédant, citant, dès qu'elle le peut, le chiffre de 60 textes ajoutés sur l'acte de bâtir entre 2012 et 2017. Avec le président Emmanuel Macron en revanche, promis juré : il y aura zéro norme nouvelle ! Idem avec les recours abusifs qui seront davantage sanctionnés, promet-on aux acteurs du BTP. Un serpent de mer, disent les uns, attendons de voir concrètement ce qui va en sortir dans le texte définitif, répondent les autres.

Qui paiera la gratuité des transports ?

Après s'être logé, encore faut-il pouvoir se déplacer facilement. Là encore, que vous soyez en petite ou en grande couronne, vous ne partez pas avec les mêmes cartes. Si Anne Hidalgo, maire (PS) de Paris et première vice-présidente de la MGP, entend bien gagner la bataille des voies sur berge, quitte à contrevenir au plan de déplacements urbains d'Île-de-France, beaucoup de maires voisins lui reprochent son absence de concertation.

Lors du Conseil de Paris à la fin mars, elle a fait un premier pas en s'engageant à débloquer 1.000 places de parking relais dès septembre 2018, mais commence à parler de péage urbain, alors qu'elle a longtemps été contre... Autre annonce qui a surpris tout le monde, à commencer par Stéphane Beaudet, président de l'Association des maires d'Île-de-France et vice-président de la Région chargé des transports : la maire de Paris a commandé à trois de ses adjoints une étude sur la gratuité des transports publics, tout en leur demandant d'identifier des sources de financement.

Toujours dans ce domaine, le Grand Paris Express, devant relier les territoires entre eux sans passer par Paris intra-muros, se réalisera bien en intégralité, mais sera livré à des échéances lointaines, à savoir en 2024, 2027 et 2030. En attendant, les élus locaux semblent bien à la peine pour trouver des solutions de substitution. « Il n'y a pas d'alternative ! » répètent-ils en boucle.

La Seine-Saint-Denis - qui accueillera les Jeux olympiques -, les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne seront les premiers servis dans six ans, même si la liaison entre le 93 et la Seine-et-Marne attendra, elle, le double. Moins bien lotie, la portion entre Le Bourget-Aéroport et le Triangle de Gonesse, la seule qui doit desservir le Val-d'Oise, devrait être opérationnelle d'ici à neuf ans, ce qui a le don d'exaspérer ses représentants, à commencer par le sénateur Arnaud Bazin, ex-président du département, qui a tenté, cet automne, de mettre fin au CDG Express par un amendement au projet de loi de finances.

Sur le plateau de Saclay (photo ci-dessous), tantôt vanté par le chef de l'État comme « un MIT [Massachusetts Institute of Technology, Ndlr] à la française essentiel pour l'attractivité de la France auprès des partenaires », tantôt rabaissé par le Premier ministre, qui a décidé de renoncer à la candidature à l'Exposition universelle de 2025, les décideurs publics ne décolèrent pas, la ligne 18 étant également prévue pour 2027. De même, les parties Saclay-Versailles et Gonesse-Le Mesnil-Amelot, décalées à 2030, n'améliorent pas un climat déjà tendu entre le gouvernement et les collectivités.

Ecole Polytechnique, X, plateau Saclay, vue aérienne, DR

Vers une réforme institutionnelle ?

Pour répondre à cette situation protéiforme, le président de la République réfléchirait à une réforme institutionnelle jamais vue : une « alliance des territoires », où l'actuelle MGP et les départements des Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne disparaîtraient au profit des 12 établissements publics territoriaux (EPT), qui deviendraient le nouvel exécutif sur ce périmètre, le tout à côté des départements de la grande couronne et de la Région maintenus dans leurs frontières et leurs attributions.

En attendant, les représentants de l'État prennent les devants pour préparer les esprits, à l'image du préfet Yannick Imbert, secrétaire général aux affaires régionales (Sgar) à la préfecture de Paris-Île-de-France. Devant la CCI Paris Île-de-France le 22 mars, ce dernier a insisté sur « le sérieux et la responsabilité » du projet du Grand Paris :

« Il n'a de sens que si nous répondons à trois questions : est-ce qu'on peut y travailler ? Est-ce qu'on peut se loger ? Est-ce qu'on peut bénéficier de moyens de transport de qualité ? » De son propre aveu, « nous sommes en train de multiplier les inégalités : pas le même accès aux services, aux transports - dans la qualité et la durée -, aux logements...»

Les maires, en première ligne face à leurs administrés, réussiront-ils à se faire entendre des diverses parties prenantes sur tous ces chantiers, se lanceront-ils dans des nouvelles constructions à deux ans des élections municipales et, surtout, comment vont-ils agir face à la baisse constante des dotations de fonctionnement ?

« Ils ont le marteau, on est les clous », disait encore récemment Xavier Lemoine, maire (LR) de Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Quitte à interpréter que les élus locaux ont le sentiment d'être entre le marteau administratif et l'enclume des doléances de la population, bref d'aller droit dans le mur.

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ENCADRÉ

L'Île-de-France en chiffres

  • 649 milliards d'euros de PIB
  • 138 milliards d'euros d'importations
  • 84 milliards d'euros d'exportations
  • 30,9 % du PIB de la France
  • 4 % du PIB de l'Union européenne

(Source : Institut d'aménagement et d'urbanisme de l'Île-de-France, juin 2017)

César Armand

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Commentaires 4
à écrit le 13/04/2018 à 19:32
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"Rien de commun en effet, ou si peu, entre, d'un côté, une capitale et sa petite couronne qui concentrent la densité la plus forte, l'un des meilleurs maillages de transports en commun au monde et les emplois les mieux rémunérés, et, de l'autre, la g...

à écrit le 11/04/2018 à 9:19
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La tendance est aux grandes métropoles et le phénomène va probablement s’amplifier. Il faut surtout se rappeler que l’IDF est l’organe vital de l’économie du pays, qui permet d’irriguer et de nourrir beaucoup de pans économiques dans le pays entier....

à écrit le 11/04/2018 à 0:24
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Des panneaux indicateurs seraient bien aussi en banlieue. Souvent, on ignore où l'on est . Même les arrêts de bus sont muets. Le GPS n'est pas infaillible. Des petits immeubles seraient bien à la place de bien des bâtiments peu glorieux, avec des ...

à écrit le 10/04/2018 à 15:52
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Il faudrait construire les villes à la campagne, plus sérieusement, le "Grand Paris" est une idiotie. Il faut dégonfler cette baudruche et dynamiser les villes de province. Les grandes cités vont devenir ingérables, tant en terme de transport, d'habi...

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