Mickaël Hiraux transforme Fourmies en lab de la 3e révolution industrielle

Fourmies, ancien bastion ouvrier de l'Avesnois perdu entre Maubeuge et Saint-Quentin, est aujourd'hui sinistré : 34 % de sa population est au chômage. Pour sortir de l'ornière, son maire a décidé de faire de cette ville le chantre de la troisième révolution industrielle dans les Hauts-de-France.
Mickaël Hiraux, maire de Fourmies
Mickaël Hiraux, maire de Fourmies (Crédits : DR)

Son intervention aux derniers voeux des forces économiques à Lille a fait sensation. Devant un parterre de chefs d'entreprise, le maire de Fourmies, Mickaël Hiraux, a rappelé à quel point sa petite cité « si loin de Lille dans le Sud-Avesnois » devenait aujourd'hui... l'un des principaux laboratoires de la troisième révolution industrielle dans les Hauts-de-France ! En accueillant par exemple le seul et unique « hub d'impression 3D métal » de la région, capable de dépanner n'importe quelle entreprise en rupture de stock de pièces métalliques.

En novembre dernier, Fourmies a déplacé les foules en recevant la même journée le secrétaire d'État Sébastien Lecornu et la sommité américaine Jeremy Rifkin, gourou du projet Rev3 dans la région (Troisième révolution industrielle, initiée en 2013 par le précédent conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, reprise par la nouvelle majorité menée par Xavier Bertrand, et suivie par la CCI des Hauts-de-France). « Si une petite ville comme la vôtre est capable de se mobiliser en seulement deux ans alors les autres n'ont plus aucune excuse », avait même lancé Jeremy Rifkin sur la scène du théâtre de la ville.

Multitude de projets

Il faut dire que Mickaël Hiraux, maire de 46 ans et ancien chef d'entreprise, multiplie les initiatives au sein de cette ville de 13.000 habitants : création d'un fab lab et d'un espace de coworkings ; lancement d'un futur cinéma à énergie positive ; cuisine centrale fonctionnant en circuit court ; réhabilitation d'un centre technique municipal équipé de panneaux photovoltaïques, avec géolocalisation des outils via RFID [radio-identification, ndlr] ; véloroutes et voies vertes ; atelier de réparations d'objets du quotidien ; développement d'un pôle d'échange autour de la gare, avec création d'un garage solidaire et d'un atelier vélo... La ville fourmille d'autres projets : un kiosque pour des services connectés pour les habitants ; une coopérative énergétique reversant les dividendes aux habitants qui auraient investi ; des panneaux photovoltaïques pour couvrir 10 % des besoins municipaux ; un vaste plan de réhabilitation des logements avec chantier d'insertion et même la construction d'un quartier Rev3 écologique et connecté !

Sans forcément avoir le budget.

« Avec 7,5 millions d'euros de budget annuel, nous n'avons pas les moyens de mener tous ces projets », admet le premier édile.

« Comme par exemple notre plan de réhabilitation de 400 logements à l'année (sur un total de 6.000) : je montre mon ambition pour faire pression car il existe un réel besoin, avec une colossale précarité énergétique et un énorme problème de logements insalubres », souligne Mickaël Hiraux.

Même raisonnement pour l'idée de façades low cost en bois fabriquées localement pour améliorer l'isolation, la création d'un moyen de locomotion 100% électrique ou à hydrogène sans permis avec le lycée de la ville ou d'une ressourcerie.

Le bagou fonctionne

Parfois, le bagou du jeune maire fonctionne. Arrivé à Fourmies lorsque sa société Dewez (location de bennes, achat de ferraille et vente de produits métallurgiques avec 2,2 millions d'euros de CA en 2015) a déménagé d'Hirson, il frappe aujourd'hui à toutes les portes : l'État avec qui il va signer un nouveau contrat de transition énergétique, le conseil régional qui a accordé une maîtrise d'ouvrage pour le nouvel écoquartier, ou encore Enedis [ancien ERDF] qui a offert une caméra thermique et des diagnostics gratuits. Même l'Ademe, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, a choisi Fourmies comme démonstrateur national de la ville durable !

Mickaël Hiraux mise aussi sur des projets qui ne nécessitent que peu de moyens, comme le tiers-lieu de 140 mètres carrés avec le fab lab muni entre autres d'imprimantes 3D.

« D'ici à 18 mois, ce lieu sera déployé sur 2.000 mètres carrés au sein d'une ancienne friche du magasin Dia », explique le premier édile.

Le maire a là encore obtenu des financements de la Région grâce au dispositif Ecrins [Espace commun de ressources pour innover avec le numérique dans les services] et de l'État dans le cadre du Fonds de soutien à l'investissement local.

« Le premier fabricant européen de remorques est venu tester un prototype au Labo. Des inventeurs, titulaires de nombreux brevets, passent aussi régulièrement », justifie le maire. « L'objectif, c'est aussi d'ouvrir l'esprit à entreprendre. »

Nouvel attrait

Le maire a également convaincu deux jeunes, désireux de relancer la marque automobile haut de gamme des années 1920 Génestin en modèle design et hybride, de s'installer non pas à Lille mais à Fourmies, dont le musée conserve précieusement six des neuf modèles d'époque.

« Je leur ai mis à disposition gratuitement des locaux de 1.500 mètres carrés pour mettre au point leur prototype : ce coup de pouce permet de montrer que l'on peut encore attirer des entreprises », relève le maire.

Que de chemin parcouru déjà depuis son élection en mars 2014. Lorsqu'il bat le maire PCF sortant, Mickaël Hiraux avait « une idée de la situation » mais il se rend vite compte que la réalité est bien pire :

« La population était très résignée, le chômage atteignait les 34%, plus d'un tiers des habitants n'avaient pas le permis ou un moyen de locomotion », se souvient Mickaël Hiraux.

C'est alors que la directrice de l'hôpital de Fourmies lui parle de la Troisième révolution industrielle, lancée en grande pompe avec Jeremy Rifkin.

Mickaël Hiraux en est aujourd'hui certain :

« Même si la situation n'a pas encore beaucoup évolué, le regard porté par les Fourmisiens est totalement différent. Avant, tout le monde dénigrait Fourmies, y compris les chefs d'entreprises : aujourd'hui, ces mêmes dirigeants défendent leur territoire et veulent y rester ».

L'hôtel d'entreprises n'arrive pas à satisfaire toutes les demandes : pour le maire, c'est bien « le signe de l'inversion de la tendance ».

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TIMELINE

  • 1972 Naissance à Nouvion-en-Thiérache.
  • 1991 Études d'expertise comptable à Reims.
  • 1997 Embauche chez Dewez.
  • 2007 Déménagement à Fourmies.
  • 2014 Élu maire.
  • 2015 Devient conseiller général du Nord et président du syndicat mixte du Val-Joly.

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Commentaire 1
à écrit le 14/03/2018 à 13:04
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L'ironie étant qu'en plein essor de la 4ème révolution industrielle (d'où industrie 4.0) jeremy rifkin lance la troisième dans le valenciennois... Quel blagueur !

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