La composition du conseil de surveillance d'Haropa, telle qu'arrêtée par le gouvernement, fait des vagues. Non contents d'avoir écrit il y a quelques jours au Conseil d'Etat pour l'alerter « sur les problèmes majeurs que pose la gouvernance», Valérie Pécresse et Hervé Morin ont sorti la grosse artillerie vendredi à Rouen. Ils ont rassemblé dans l'hémicycle de l'hôtel de Région un parterre nourri d'industriels et d'acteurs portuaires, tous d'accord pour dénoncer l'approche jacobine de l'administration centrale, accusée par Hervé Morin d'avoir « procédé à sa petite cuisine à l'issue d'un simulacre de concertation ».
A l'origine de la fronde, la ventilation des sièges au sein de l'instance de pilotage du futur établissement public des grands ports de la Seine. Les Régions, qui se voient allouer un siège chacune contre trois pour les agglomérations et neuf pour l'Etat, s'estiment lésées dans le schéma prévu par Matignon.
« Il y a un rapport de un à dix entre ce que nous investissons dans les ports et ce que dépensent les métropoles », peste le président de la Normandie pour qui « il serait cohérent que les Régions disposent de la représentation la plus importante au sein du bloc local ».
Les Régions ne sont pas des tiroirs caisse
A l'appui de cette demande, l'intéressé rappelle que les collectivités normande et francilienne ont injecté près de 200 millions dans les ports ces dernières années et qu'elles sont sollicitées pour au moins 120 autres millions au titre des prochains contrats de plan. Un détail que Jean Castex n'avait d'ailleurs pas omis lorsqu'il a promis, lors d'un déplacement au Havre, un « grand plan d'investissement » au bénéfice d'Haropa. « Le premier ministre a confondu allègrement l'argent de l'Etat et le nôtre » ironise Hervé Morin.
Même tonalité du côté de la région capitale. Le gouvernement cantonne les Régions dans le rôle de « tiroir caisse », s'insurge Valérie Pécresse. « On nous octroie des strapontins mais quand il faut construire une écluse à Méricourt, qui vient-on chercher ? Nous » tance t-elle. Pour la patronne de l'Île-de-France, les ambitions des deux Régions autour du développement économique de l'axe Seine justifient qu'elles occupent une place centrale dans la définition de la stratégie d'Haropa. « Qui mieux que nous peut coordonner les initiatives autour d'un futur corridor hydrogène ? » interroge t-elle tout haut.
seine
Tir groupé
Les deux élus ne sont pas les seuls à ruer dans les brancards, comme on a pu le constater de visu vendredi. Mécontents également, les acteurs portuaires du secteur privé veulent, a minima, disposer au conseil de surveillance de trois sièges promis par le gouvernement à des « personnalités qualifiées ». A défaut, ils redoutent d'être relégués sur le banc de touche.
« Quand on investit des montants élevés comme nous le faisons, on est en droit et en capacité de co-animer. Ce n'est pas un caprice de notre part » souligne Christian Boulocher, président de la Fédération Seine Port Union.
Michel Segain, président de l'UMEP (Union Maritime et Portuaire) est encore plus vindicatif. « Nous devons siéger dans le cœur du réacteur pas dans des instances consultatives sinon nos ports seront définitivement rétrogradés en seconde division au profit d'Anvers ».
Nouveaux venus dans ce « vieux » débat sur le pilotage des ports, les industriels commencent également à faire entendre leur voix. « Ils doivent avoir une place dans Haropa au même titre que les régions qui sont des acteurs majeurs dans cet écosystème » insiste Régis Saadi, directeur des affaires publiques d'Air Liquide France et président de l'UIC Normandie. A ses côtés, le patron de la raffinerie normande d'Exxon acquiesce vigoureusement. Directeur de l'usine havraise de Chevron et membre du Conseil de développement du port, Olivier Clavaud ne dit pas autre chose. « Une gouvernance qui ne fait pas appel à tous les talents va dans le mur. Nous avons besoin de coordonner nos efforts sinon les entreprises iront investir ailleurs ». Un avertissement sans frais.
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