« Il y aura de moins en moins d’argent public pour les vieilles pierres » Philippe Augier, maire de Deauville

Chargé de piloter la mission « Réinventer le patrimoine » lancée par les ministères de la Culture et de la Cohésion des territoires, le maire de Deauville mise sur les investisseurs privés.
Pour Philippe Augier, maire de Deauville, il existe des fonds financiers énormes qui cherchent des projets touristiques dans lesquels investir.
Pour Philippe Augier, maire de Deauville, "il existe des fonds financiers énormes qui cherchent des projets touristiques dans lesquels investir". (Crédits : SIPA)

LA TRIBUNE - Quelle est la philosophie de la mission que vous ont confiée les ministres Franck Riester et Jacqueline Gourault ?

PHILIPPE AUGIER - Elle part d'un constat : le patrimoine culturel constitue l'un des principaux atouts touristiques de notre pays. Si la France reste la deuxième destination touristique du monde, c'est à cet héritage bâti exceptionnel que nous le devons. On aurait tort de mésestimer le poids de cette filière. Avec plus de 40 000 monuments historiques classés ou inscrits, près de 100 000 emplois et des retombées estimées à 15 milliards d'euros, elle a un impact considérable sur le développement et l'attrait de nos territoires. Le problème est qu'une partie de ce patrimoine reste dormante. Pensez aux sommes qu'il faudrait dépenser pour le préserver ou le remettre en état. Ne nous leurrons pas : il y a et il y aura de moins en moins d'argent public pour rénover les vieilles pierres, s'il ne s'agit que de les rénover. En revanche, je suis convaincu, et les ministres avec moi, qu'il est possible de redonner vie à ces lieux en mobilisant des investissements privés pour peu que l'on sache les attirer avec des projets économiquement viables. C'était l'une des propositions d'un rapport que j'ai rendu au premier ministre et c'est précisément le but de cette mission à caractère expérimental.

Lire aussi : Comment les industries culturelles valorisent le patrimoine

Comment entendez-vous décliner cette ambition ?

Nous avons lancé un appel à candidatures(*) aux propriétaires de monuments historiques, collectivités, établissements publics, Drac, fondations... dans l'idée de faire émerger, sur une dizaine de sites patrimoniaux, des projets autour de nouvelles activités à dominante touristique. Je pense à de l'hôtellerie ou à de la restauration, mais aussi à des activités culturelles ou événementielles, ou à des concepts de tiers lieux dans l'esprit de ce que nous avons construit à Deauville dans l'ancien couvent des Franciscaines. L'endroit sera un lieu de vie culturel ouvert à tous, mais il abritera également des espaces réceptifs pour équilibrer l'exploitation. Le patrimoine industriel, par exemple, se prête très bien à ce genre de transformation fondée sur la mixité d'usages parce qu'il est souvent vaste et facilement aménageable.

Sur quels critères les projets seront-ils sélectionnés ?

Attention, il ne s'agit pas de se faire plaisir. Le jury, que j'ai voulu composer uniquement de professionnels de la culture, d'investisseurs et d'exploitants, sélectionnera les projets en fonction, d'une part, de la robustesse du modèle économique et, d'autre part, de sa capacité à offrir une expérience touristique remarquable. Autrement dit, à accroître l'attractivité et le rayonnement de son territoire, qu'il s'agisse de villes ou de villages. Bien entendu, les propriétaires devront aussi accepter de se défaire de tout ou partie de la gestion de leur bien sous une forme qui reste à déterminer. Mais, ils ne seront pas livrés à eux-mêmes. L'originalité de cette expérimentation réside dans le fait que nous avons conçu, avec Atout France et la Banque des territoires, un dispositif d'ingénierie et d'assistance doté tout de même d'un million d'euros ce qui, au passage, marque bien notre ambition. Sa vocation n'est pas de financer directement les projets mais d'aider les porteurs à les rendre faisables sur le plan technique, architectural, juridique et financier.

Vous semblez persuadé que les investisseurs privés seront au rendez-vous. Qu'est ce qui vous le fait penser ?

Je peux vous assurer qu'il existe des fonds financiers énormes qui cherchent des projets touristiques dans lesquels investir. J'organise d'ailleurs dans quelques jours [le 25 novembre, ndlr] une réunion pour exposer nos objectifs à des investisseurs et à des exploitants. Le nombre d'inscrits à ce rendez-vous est déjà le signe d'un intérêt manifeste pour le sujet. En outre, n'oublions pas que la Banque des territoires est, elle-même, en capacité de débloquer des fonds pour de bons projets. Quand la Caisse des dépôts montre le chemin, il est rare que les acteurs privés ne suivent pas. Je compte aussi sur l'expérience d'Atout France. Ses experts connaissent, mieux que personne, la nature de la demande touristique. En clair, ce qui fonctionne et ne fonctionne pas auprès des visiteurs étrangers. Ils sont non seulement en capacité de solliciter des investisseurs, mais aussi d'évaluer le potentiel d'un projet et de corriger la trajectoire si besoin est. C'est pourquoi je dis aux élus, n'hésitez pas à faire preuve d'ambition et d'inventivité. Pour ma part, je jouerai un rôle de « go between », d'intermédiaire.

(*) Le jury ne se réunissant que le 13 décembre, la remise des dossiers de candidatures a été repoussée au 30 novembre.

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Commentaires 3
à écrit le 22/11/2019 à 12:54
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Pas besoin de beaucoup d'argent pour les "vieilles pieres, lol!" des cîtés de bord de mer, tout a été ravagé par les promoteurs et on ne peut pas appeler vieilles pierres quelques villas pas bien plus que centenaires. L'intelligence sur des bases éc...

à écrit le 22/11/2019 à 9:10
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hélas la société en déconstruction n a aucun avenir ( dans le mur . ils se disent en marche ! )

à écrit le 22/11/2019 à 8:28
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""il existe des fonds financiers énormes qui cherchent des projets touristiques dans lesquels investir"" Oui en effet il existe des fonds financiers énormes mais qui sont planqués dans les paradis fiscaux, stockés et pas prêts d'en bouger.

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