Comment Jérôme Guilbert, "la machine à projets", revalorise les métiers de la restauration

À la tête d’une dizaine de restaurants, discothèques, bars de nuit sur l’agglomération nantaise, le groupe nantais GB Investissements s’apprête à ouvrir quatre nouveaux établissements de restauration cet été dans le centre-ville de Nantes. Avec, à la clé, une centaine de recrutements. Pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre du secteur, l’entreprise a profité de la pause Covid pour se restructurer, repenser ses méthodes de fonctionnement et multiplie les projets pour mieux valoriser les métiers de la restauration.
Implanté sur la partie préservée de l'ancienne maison d'arrêt de Nantes, le restaurant Goguette (200 couverts), spécialisé dans les fruits de mer et les barbecues, est l'un des quatre nouveaux établissements du groupe GB Investissements dont l'ouverture est prévue à la mi-août.
Implanté sur la partie préservée de l'ancienne maison d'arrêt de Nantes, le restaurant Goguette (200 couverts), spécialisé dans les fruits de mer et les barbecues, est l'un des quatre nouveaux établissements du groupe GB Investissements dont l'ouverture est prévue à la mi-août. (Crédits : GB Investissements)

S'il sue à grosses gouttes ce midi-là, ce n'est pas en raison de l'appréhension de devoir recruter une centaine de personnes à l'approche de la saison estivale, mais plutôt du fait des crochets et directs du droit qu'il enchaîne sur le sac de frappe pendu au beau milieu des bureaux de GB Investissements à Nantes. « Je m'y suis mis il y a six ans. Ça fait un bien fou. J'y vais une fois par semaine, deux... quand je peux. Tous les salariés peuvent venir profiter du coach pour une séance de boxe ou de boxe thaï, et ils y viennent. Les hommes comme les femmes. Quand on traverse le bureau, en short, le tee-shirt trempé, ça créé du lien entre les équipes et ça désacralise les rapports hiérarchiques», assure Jérôme Guilbert, patron de GB Investissements, à la tête de 200 salariés répartis dans quatre restaurants, autant de discothèques, deux bars de nuits, un centre de formation, une agence de communication... où depuis trois ans, il initie une nouvelle organisation managériale pour lutter contre les pénuries de personnel et le ras-le-bol envers une profession qu'il a embrassée un peu par hasard il y a vingt ans. Le temps de monter vingt-trois affaires, et le voilà...

« Je suis devenu une machine à projets », indique l'ex-visiteur médical, mué en entrepreneur plus qu'en restaurateur.

« Aujourd'hui, je me vois plus comme un animateur général que comme le patron d'une PME de bientôt 300 personnes... », rappelle-t-il à l'aube d'ouvrir quatre nouvelles adresses de 100 à 200 couverts dont une salle de spectacles. Trois d'entre-elles seront aménagées dans l'entrée -préservée- de l'ancienne prison de Nantes, située entre l'hôtel cinq étoiles Radisson et un ensemble de logements récemment construits à la place de l'établissement pénitentiaire. Un investissement de 10 millions d'euros, soutenu depuis quelques mois par Bpifrance qui accompagne le développement de cet acteur économique nantais.  « Le marché me pousse... », justifie l'animateur qui a profité de la période Covid pour faire un « arrêt sur image », gommer les dysfonctionnements de l'entreprise et la relancer sur de nouvelles bases.

Une nouvelle organisation managériale

Car, dans la restauration, les problèmes de main-d'œuvre et de pénurie de personnel ne datent pas d'hier. «Avant 2018, je passais mon temps à gérer les problèmes entre les personnes », se souvient Jérôme Guilbert. Et ce, jusqu'à l'ouverture, de Maria, un bar-restaurant tournant avec 45 employés pour 130 couverts à l'intérieur, autant en terrasse et, implanté en 2019 à proximité du théâtre Graslin, quelques mois avant le premier confinement.

«Quand on atteint une certaine taille, les règles habituelles ne sont plus applicables. Il a alors fallu penser à une nouvelle organisation managériale. Et la période Covid nous a énormément apporté. On s'est posé. Et on a pris le temps de voir ce qui ne marchait pas en salle, en cuisine, sur l'ensemble des établissements et en back office», détaille-t-il.

Tout est passé au crible : l'humain, l'aménagement des bureaux, la communication, les approvisionnements, la perte ou l'absence d'informations dans la communication à distance, les salaires... Nerf de la guerre, la politique de rémunération a été repensée et les salaires revalorisés avec des fixes de 1.600 à 2.500 euros bruts, selon les postes, et une part variable, équivalente à 0,5% du chiffre d'affaires quotidien. Et, surtout, l'entreprise s'est "staffée".

Un travail sur la marque employeur

Avec le concours d'un cabinet spécialisé, elle a recruté un acheteur, deux directeurs de pôles, un adjoint pour le chef exécutif en charge de la qualité des produits, un commercial dédié à l'activité « congrès », une contrôleuse de gestion, ainsi qu'une directrice artistique pour distraire les 450.000 clients accueillis à l'année...

« Quel que soit le lieu, qu'il s'adresse aux familles, aux étudiants, aux actifs ou aux retraités, notre métier, c'est l'Entertainment », rappelle le dirigeant de GB Investissements où la masse salariale de l'encadrement a été multipliée par trois entre 2019 et 2022.

Il y a quelques semaines encore, il embauchait une responsable des ressources humaines. « Pour mieux s'occuper des gens avec qui l'on bosse. Prendre le temps de les écouter, de prendre soin d'eux, pour mieux travailler et atteindre des objectifs clairs et partagés. On fonctionne désormais comme une startup avec des territoires bien déterminées, des exigences, des résultats... à atteindre.»

Et, les résultats arrivent. « C'est moins d'absentéisme, pas de turn over, plus de productivité, d'implication, un ticket moyen en hausse et une meilleure fidélisation de la clientèle où un Nantais, passé chez Maria, revient en moyenne deux fois et demie dans le mois », constate le patron du Maria où, au rythme de 10.000 à 12.000 couverts par mois, il réalise un chiffre d'affaires de 3,8 millions d'euros.

« On devrait faire 4 millions, mais, malgré tout, on manque de personnel. Ce qu'il faut, c'est régler le problème du logement », reconnaît-il.

Et pourtant, pour mieux recruter, l'entreprise s'est aussi attelée à travailler sa marque employeur.

Faire du travail un objet de consommation

En 2020, GB investissements a mis en place un centre de formation en interne certifié Qualiopi et agréé Opco (Opérateurs de Compétences), c'est-à-dire autorisé à dispenser des formations dans les domaines de l'assurance, de la finance, du management, des outils informatiques, de la sécurité... et, bien entendu, en restauration (sushi, pizza, cuisson au feu de bois, services, œnologie...).

Pour lutter contre les problèmes de recrutement, l'entreprise lancera d'ici une quinzaine de jours l'application mobile Weeks dédiée à l'ensemble des salariés et des entreprises de la restauration. Une véritable innovation dans le secteur.

« L'idée, c'est: travailler quand vous voulez. La solution est ludique, 100% digitalisée et pensée pour les 18/25 ans, même si elle s'adresse à tous », explique Jérôme Guilbert, qui a voulu sécuriser un parcours sans surprise pour le candidat... et l'employeur.

Le postulant s'inscrit sur la plateforme pour répondre à une offre publiée par un restaurateur pour quelques heures, une journée, un week-end, une semaine, etc. « Tout est mentionné : le lieu, la fonction, le nombre d'heures, le taux horaire... Tout est automatisé et les documents juridiques (contrat, déclarations, salaires, etc.) sont fournis dans un coffre-fort numérique. On fonctionne selon les règles de l'intérim. On a voulu faire sauter tous les trucs pénibles et faire que le travail devienne un objet de consommation et non un frein», précise Jérôme Guilbert, par ailleurs, président national de la branche Bar-Brasserie du Groupement national des indépendants (GNI).

D'abord lancée dans les Pays de la Loire, Weeks pourrait à l'avenir être étendue à la région Auvergne-Rhône Alpes et plus largement à la France, voire à d'autres secteurs comme la grande distribution, la logistique...

La mutualisation et la valorisation au cœur des process

« La clé de tout cela, c'est la mutualisation des moyens. Et on a digitalisé tous les process contraignants qui pouvaient l'être », résume Jérôme Guilbert, qui a synchronisé les terminaux de paiement avec les systèmes d'encaissement, les outils de comptabilité, la gestion des plannings pour fluidifier la tâche des ressources humaines, amenées à gérer 700 bulletins de salaires (200 ETP).

Dans la même veine, ces jours-ci, il vient de créer « L'Atelier Culinaire », dans le centre-ville de Nantes pour, une fois encore, mutualiser les achats en circuits courts et les préparations (sauces, épluchage de légumes, etc.) destinées à alimenter l'ensemble de ses restaurants.

Et dernièrement, il a lancé le « Studio Culinaire », un espace vidéo où l'on crée et filme des recettes, façon Top Chef, lesquelles sont ensuite diffusées sur les réseaux sociaux. « C'est un autre moyen de valoriser les métiers de la restauration», dit celui qui prépare discrètement la création d'une startup destinée à modifier la perception du travail chez les salariés et assistants de la restauration. « Quelque chose autour de la gestion financière et des gains de valeur ...», esquisse-t-il, travaillant, parallèlement, avec un cabinet de syndic partenaire, sur la problématique des logements des employés de la restauration et, à plus long terme, sur la création d'une école de formation accessible aux jeunes de 16 ans jusqu'au Bachelor sur l'agglomération nantaise. « D'ici à trois ans, estime-t-il. Pour régler, les problèmes de la restauration, on essaye de trouver d'autres chemins !» La « machine à projets » a de l'appétit !

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