Maine-et-Loire : la loi adoptée à l'Assemblée, Saumur aura bel et bien son casino

Le 5 décembre dernier, une loi a été définitivement adoptée à l'Assemblée nationale, élargissant les dérogations pour l'implantation de casinos dans des villes dites « équestres ». Deux communes sont concernées, dont Saumur (Maine-et-Loire), connue pour sa célèbre école d'équitation, le Cadre noir. A la clé pour cette ville de 27 500 habitants, des retombées non-négligeables. Le projet est le fruit de nombreuses années de lobbying. Explications.
La loi autorisant désormais l'installation de casinos dans les villes de tradition équestre, Saumur va accueillir en bord de Loire le premier casino du Maine-et-Loire.
La loi autorisant désormais l'installation de casinos dans les villes de tradition équestre, Saumur va accueillir en bord de Loire le premier casino du Maine-et-Loire. (Crédits : Alexandre Hellebuyck)

Jusqu'à alors, seules les villes « classées stations balnéaires, thermales ou climatiques antérieurement au 3 mars 2009 » ou considérées comme étant une « station touristique » (pour une agglomération de plus de 500.000 habitants) étaient autorisées à avoir un casino. Une injustice selon certains élus. Ces derniers pointaient alors du doigt un déséquilibre territorial et avaient demandé à ce que la loi évolue pour ouvrir cette possibilité à de nouvelles communes. C'est chose faite depuis 5 décembre dernier.

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Une proposition de loi en ce sens, portée par des élus LR et Renaissance du Maine-et-Loire, a été définitivement adoptée par l'Assemblée nationale, par 145 voix contre 48. Concrètement, le texte ajoute un alinéa à l'article L321.1 du Code de la sécurité intérieure.

La loi précise ainsi qu'un casino peut désormais voir le jour dans les « communes sur le territoire desquelles sont implantés, au 1er janvier 2023, le siège d'une société de courses hippiques ainsi que le site historique du Cadre noir ou un haras national où ont été organisés au moins dix événements équestres au rayonnement national ou international par an entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2023 ».

La loi a été publiée au Journal officiel, le 14 décembre dernier. Saumur, avec sa célèbre école nationale d'équitation du Cadre noir, coche donc les bonnes cases. La commune intègre ainsi de la courte liste des communes françaises pouvant accueillir un tel établissement. En effet, seule une seule autre ville est autorisée à implanter un nouveau casino : Arnac-Pompadour en Corrèze. C'est dire si cette loi a été rédigée sur mesure pour coller au cas de ces deux villes.

Une affaire vieille de trente ans

Un casino à Saumur ? L'idée est bien loin d'être nouvelle pour autant. Ce projet est en effet porté par la ville depuis... 1993 ! D'abord par le sénateur et maire (RPR) Jean-Paul Hugot. La loi de l'époque n'avait toutefois pas permis de concrétiser ce projet. C'est ensuite au tour de Philippe Porché, alors vice-président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Maine-et-Loire, de s'y frotter. Il a été le premier à formuler une demande officielle d'ouverture auprès de la préfecture en 2008-2009. Laquelle était restée lettre morte, car la ville ne répondait toujours pas aux critères d'éligibilité.

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Le dossier est réactivé en 2014 lorsque Saumur obtient son classement comme « station touristique ». Cette même année, un surclassement de la ville est demandé, afin d'accueillir 44.000 habitants. Elle l'obtient deux ans plus tard. De quoi lever un verrou administratif. Puis, l'idée d'un casino refait surface en 2017 sur l'initiative de Jackie Goulet, fraîchement élu maire et retraité de l'industrie. A cette époque, son discours est clair : « La loi ne permet pas l'implantation d'un casino à Saumur, changeons la loi ! ». Depuis, il a toujours réitéré sa volonté de « ne rien lâcher ».

Lobbying de grande ampleur

S'ensuit une longue liste de rendez-vous. En mars 2019, le président Emmanuel Macron est en visite à Angers dans le cadre du « Grand Débat », consécutif au mouvement des gilets jaunes. L'édile Jackie Goulet en profite pour s'entretenir avec lui sur ce projet.

« Il s'est alors engagé à trouver une solution afin que Saumur puisse avoir son casino. »

Le dossier est alors transféré à Bruno Le Maire, patron de Bercy, puis remis au Premier ministre de l'époque, Jean Castex.

A son tour, la députée de la 4e circonscription du Maine-et-Loire, Laetitia Saint-Paul, rejointe par sa consœur de la 3e circonscription (Saumur-Nord), Anne-Laure Blin, va soutenir avec force ce projet à l'Assemblée nationale. Sa proposition de loi visant à « réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos » est déposée en novembre 2022, avant d'être adoptée au Sénat en mai 2023.

Puis, vient une ultime rencontre, en novembre dernier cette fois-ci, avec la Première ministre, Élisabeth Borne. Elle sera décisive :

« Elle m'a promis de faire passer rapidement cette loi que la Ville a co-écrite notamment avec les sénateurs Stéphane Piednoir et Bruno Retailleau (ex-président de la Région Pays de la Loire, ndlr) », rapporte Jackie Goulet.

Quelques jours plus tard, ladite loi est adoptée.

Jackpot assuré côté retombées

Si, pour Jackie Goulet, cette loi vise à « soutenir la filière équestre », elle ouvre surtout la voie à des perspectives de retombées, assurant une manne financière pour cette commune du Maine-et-Loire. Côté des recettes, les contributions du casino pèseraient 4% dans le budget municipal - 39 millions d'euros ont été voté pour le budget principal de fonctionnement, dans le cadre du budget primitif voté en décembre dernier -, d'après l'élu de gauche.

Par ailleurs, la ville pourrait gagner à minima 200.000 visiteurs supplémentaires chaque année. De quoi « d'inscrire Saumur comme étant la ville la plus touristique des Pays de la Loire, dans les terres », anticipe le maire. Le casino pourrait aussi apporter au moins 70 emplois équivalents temps plein.

Avant de se frotter les mains, il convient de dénicher l'emplacement dédié au futur casino. Celui-ci a d'ores et déjà été désigné, en lieu et place de l'ancien cinéma Le Palace, fermé depuis 2017, qui surplombe la Loire quai Carnot dans le centre-ville.

Le 20 décembre dernier, les élus du Conseil municipal ont acté le rachat de ce bâtiment de 3.500 m². La ville et le propriétaire (également patron du Grand Palace, ndlr), Frédéric Lévy, se sont accordés sur la somme de 850.000 euros. Le casino sortira de terre sous la forme d'une délégation de service public, avec un appel à porteur de projet encadré par la collectivité.

Reste à trouver une enseigne de casino qui accepte de s'installer ici. « Tous les casinotiers français seront sollicités le 19 janvier prochain dans le cadre d'un sourcing », précise-t-on. Le choix d'un candidat pourrait intervenir fin juin, d'après le maire. Lequel envisage une ouverture pour 2025 « au plus tard ». Ce casino saumurois comblera alors un vide du jeu. De fait, l'Anjou ne compte aucun établissement de ce genre. Le plus proche est à environ 100 kilomètres, à La Roche-Posay (Vienne).

« Je suis philosophiquement contre »

Parmi les élus à s'être abstenus lors de ce dernier conseil municipal figure Bertrand Chandouineau, porte-parole de l'opposition. L'élu LR se dit « philosophiquement » contre ce projet, mais pas « politiquement ».

« C'est la droite saumuroise qui a poussé pour avoir ce casino : à l'époque, Jean-Paul Hugot avait l'intention de faire du tourisme une industrie saumuroise, se remémore-t-il. Avoir un casino n'était alors pas absurde. Je ne peux donc pas me désolidariser de ce qui a été l'espoir de la droite saumuroise. »

Il est d'ailleurs convaincu que ce casino sera « un pôle d'attractivité supplémentaire ». Il émet toutefois un bémol. « La moitié de la population vit dans des conditions difficiles, souligne-t-il. Les habitants ont un faible pouvoir d'achat. Disposer d'un casino dans cette ville qui n'est ni une station balnéaire, ni une station thermale, c'est imposer un risque de déstabilisation pour une population déjà fragile financièrement. »

Quant au choix du Palace, « imposer » ce lieu à une enseigne de casino n'est pas la bonne stratégie, affirme-t-il. Il déplore une certaine « précipitation » et pointe notamment le manque de places de stationnement à cet endroit. Et alors que la fréquentation des casinos français est en déclin, il se veut prudent sur la réussite de ce projet. « J'espère que nous n'aurons pas de désillusion », conclut-il.

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