À Nice, ExactCure crée un jumeau numérique qui nous veut du bien

Tester, sur un autre que soi, mais semblable en tout point, les effets possibles et éventuellement indésirables d’un traitement médicamenteux : ce n’est pas de la science-fiction mais la réalité proposée par ExactCure, une start-up basée à Nice. Un jumeau numérique, sorte d’avatar intelligent, est la concrétisation de ce que promet la médecine personnalisée. Avec des applicatifs bien plus larges en perspective. (Cet article est issu de T La Revue de La Tribune - N°7 Décembre 2021)
(Crédits : Istock)

La health-tech est clairement l'avenir de la santé. En mêlant technologies et médical, c'est parfois tout un pan de ce secteur qui s'en trouve largement modifié. Dans ce contexte, la personnalisation de la santé est une sorte de Graal, une promesse faite sur l'autel de ce que permettent l'intelligence artificielle, la datascience, l'IoT... Une promesse qui tend, peu à peu, à se concrétiser et à ne plus être un rêve de laboratoire ou de scientifique mais une vérité du quotidien.

C'est à cela que participe ExactCure. Une aventure qui commence en 2018 mais qui naît bien plus tôt dans la tête de Frédéric Dayan. Cet expert en modélisation fait ses premières armes dans un secteur qui n'a pas grand-chose à voir avec la santé puisqu'il dirige une équipe de recherche et développement au sein d'un grand acteur industriel, Dassault Systèmes. Mais Frédéric Dayan est aussi docteur en pharmacie, titulaire d'un doctorat ès sciences de la vie et possède également un diplôme d'ingénieur obtenu à l'école de physique et de chimie de Paris. Une richesse qui va contribuer à faire germer le concept d'ExactCure : mettre les technologies de pointe au service autant des professionnels de santé que des patients.

Et pour ce faire, ExactCure choisit de créer le jumeau numérique, ce double digital qui va permettre de tester, grandeur nature mais sans risque, ce qui peut être administré au patient. Un patient qui est unique, qui possède ses propres caractéristiques, allergies, métabolisme... Et c'est exactement cela que la start-up prend en compte, tous ces paramètres qui peuvent faire la différence, et dans le domaine du médical, une petite différence peut avoir un énorme impact.

Ce que fait ExactCure c'est donc de simuler les interactions des médicaments dans l'organisme en tenant compte de tout ce qui fait que le patient est unique : son âge, son sexe, son état hépatique et son génotype, ainsi que tout autre élément qui peut avoir une influence sur quelque médicamentation que ce soit, comme les allergies. « Notre objectif est de faire en sorte que le patient ne subisse aucune surdose, aucune sousdose, et nous aidons à éviter les possibles interactions médicamenteuses », explique Fabien Astic, codirigeant de la start-up.

L'enjeu de la data, beaucoup de data

Pour être la plus performante et précise possible, la jeune pousse - qui s'est fait remarquer par Bpifrance et son concours i-Lab - a besoin d'engranger de la data. ExactCure, qui s'appuie donc sur le principe de pharmacocinétique (qui est l'étude du devenir du médicament dans l'organisme, ndlr), agrège la littérature scientifique qui va bien et les techniques de méta-analyse. Mais pour grandir, pour muscler sa solution, elle a besoin de se nourrir de données, de beaucoup de données. C'est ce qui permet à son modèle, basé sur l'intelligence artificielle, d'être le plus performant et précis possible. C'est dire l'enjeu - mais aussi la reconnaissance - des rapprochements et partenariats que la start-up noue régulièrement. Comme celui conclu avec Vidal Sentinel. Cet outil, qui appartient à Vidal Group, est précisément une solution de revue et de validation, en temps réel, des prescriptions hospitalières. Une solution qui prend en compte de nombreuses données pour calculer un score de risque. Or, c'est précisément ce que fait aussi ExactCure. Une alliance de compétences qui vise à plus de performance encore dans le traitement de patient.

Et puis il y a aussi le partenariat avec UPSA. Pas davantage anodin. Car c'est la mise en place d'une application ciblant le bon usage du médicament qui est le but de la collaboration. Une application personnalisée bien sûr, qui accompagne le patient dans ce qui est souvent source de craintes pour le médecin, l'automédication. Une appli qui ne se dispense pas de l'avis du pharmacien mais qui joue la carte de la sécurisation. Et une appli bien pratique qui, après plusieurs mois de développement, est lancée lors du Forum du Bon Usage du médicament, début décembre, en direct du ministère des solidarités et de la santé. Med&Moi est donc le résultat concret de l'alliage de compétences entre une start-up et un industriel, mus par la même approche. Un bonheur - et une reconnaissance - n'arrivant jamais seuls, ExactCure avoue de nouveaux et bons résultats cliniques sur une étude concernant une cohorte de 53 patients traités à la clozapine avec l'AP-HM. Ce qui lui vaut d'être sélectionnée pour deux conférences à comité de lecture, PAGE et GMP.

Au cœur du progrès

Mais il y a également ce projet aussi ambitieux dans la philosophie, dans le fond que dans la forme. Baptisé SimCardioTest, du nom d'un programme européen, issu du programme H2020, qui réunit l'INRIA Sophia-Antipolis et ExactCure. L'objectif : permettre à la simulation informatique de devenir un outil du quotidien pour tout ce qui concerne le test de médicaments et de dispositifs médicaux. Et pour atteindre ce but, c'est le cœur qui en est le centre. Avec comme sujet précis, les maladies cardiovasculaires, première cause de décès dans le monde. En Europe, 15 millions de personnes vivent avec une insuffisance cardiaque. Et malgré les investissements consentis, le nombre de nouveaux médicaments n'augmente pas dans la même proportion. Trois études de cas vont être examinées, dont la prévention des accidents cardiovasculaires et la modélisation de l'interaction entre les médicaments et les cellules de l'organe, dans des conditions à la fois normales et pathologiques.

Un sujet pour ExactCure, qui voit là encore son innovation servir l'industrie. Le but est évidemment de ne pas se contenter de montrer que la simulation informatique est aboutie mais de passer à la phase d'industrialisation et donc de commercialisation. Mais le projet demande du temps. Un temps long pour ce qui est du point de vue du patient. Pas forcément du point de vue de la recherche, habituée à ce que les projets s'inscrivent dans une durée certaine. SimCardioTest exige quatre ans, les deux premières années étant consacrées à la mise en place des modèles et la calibration, puis ce sera le tour des essais cliniques, et l'essentielle étape de certification, en Europe comme aux États-Unis.

Un projet d'envergure pour ExactCure, qui emploie 25 salariés et qui continue de s'intéresser à tous les secteurs. Il y a notamment cet essai clinique qui concerne le cancer du sein, piloté par l'AP-HP et pour lequel la start-up est en recherche de financement. Un tour de table plus global est dans les tuyaux, pour un montant de 3 millions d'euros. Fin janvier, la start-up sera à Dubaï, à l'occasion de l'Exposition universelle, sur le pavillon France. Et c'est pour participer à la promotion de l'excellence de la filière française de la santé qu'ExactCure s'exporte. Pour le moment, uniquement le temps d'un événement...

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Cet article est extrait de "T" La Revue de La Tribune n°7 - DOIT-ON CROIRE AU PROGRES? Décembre 2021 - Découvrez sa version papier disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.

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