
L'heure n'est donc plus aux Contracts Managers isolés, travaillant en solitaires au sein des équipes de projets, chacun avec ses propres méthodes et ses outils « maison ». Il s'agit maintenant de mettre en place des Directions du Contract Management structurées, garantes en interne des savoirs-faires, des méthodes et des compétences de leurs ressources, et répondant à plusieurs objectifs :
Le premier est d'harmoniser les pratiques et les outils, suivant les spécificités de l'organisation et des contrats de l'entreprise. Il s'agit aussi de se rapprocher des meilleures pratiques de la profession. C'est l'un des objectifs également de l'AFCM (Association Française du Contract Management), comme le mentionne sa Présidente, Mme Coralie Bouscasse :
« Nous devons mettre à disposition des professionnels des méthodologies, des outils, et mener la réflexion sur la pratique du Contract Management pour voir comment la structurer en France, voire la standardiser, et rendre cela disponible à toute entreprise qui le souhaite ».
Une fonction structurée telle une filière professionnelle
Une fois cette « pratique » structurée et documentée, la Direction Contract Management favorise la diffusion des savoirs-faires. La population concernée est clairement identifiée, ses rôles et responsabilités clarifiées, la ligne managériale partagée, et les matrices de compétences remises à plat. Ce qui permet de déployer des cursus de formation dédiés à cette activité en interne, ainsi que le développement de parcours professionnels adaptés et de nature à fidéliser les personnels.
Ainsi, pour Marc Lachaise, Directeur Contract Management d'EDF :
« Nous avons structuré la fonction en une véritable filière professionnelle, afin de promouvoir le métier, poursuivre la professionnalisation, animer la communauté des Contracts Managers, favoriser l'enrichissement entre pairs et assurer les parcours professionnels ».
Une reconnaissance accrue du métier de Contract Manager
La Direction Contract Management donne également une légitimité, une « consistance » au métier de Contract Manager, qui est mieux identifié dans l'entreprise et dont l'action devient plus visible, comme le précise M. Vincent LECLERC, consultant Senior chez Horisis Conseil :
« Les Contract Managers sont plus reconnus, leur rôle devient clair pour tout le monde, tout comme leurs compétences. Ils se parlent plus entre eux et la proximité avec les équipes projet est renforcée. Et nous favorisons également la mise en place d'indicateurs de performance spécifiques pour valoriser leur action »
Avec cette organisation structurée, le département contrats permet également de démultiplier les activités de Contract Management sur plus de contrats et de projets. Les ressources les plus expérimentées, en nombre limitées, peuvent s'appuyer sur d'autres, moins seniors, mais qui peuvent bénéficier de leur mentoring, et utiliser des processus éprouvés.
« Nous avons mis en place avec la direction du Project Management un manuel du Contract Management applicable au sein du groupe, qui donne les règles clé et les bonnes pratiques, et met à disposition des outils, des méthodes et des processus... » raconte Laurent Gaultier, Vice-President Legal Operations and Transformation chez ALSTOM.
Des difficultés, encore, à créer cette nouvelle entité
La création de ces départements serait-elle la solution idéale ? Ce n'est pas si simple, car ils demandent un investissement non négligeable, dont le retour sur investissement, s'il ne fait pas de doute, n'est pas facilement mesurable. Ainsi, selon Thierry Vidal, Directeur du Contract management chez Naval Group :
« Les professionnels s'accordent à dire qu'un euro investi en Contract Management permet d'éviter d'en dépenser et/ou en gagner trois ou quatre ! Si cette démonstration pouvait être faîte de manière claire (à travers une étude pertinente ou un modèle mathématique), nul doute que le monde de l'industrie, de l'économie et des finances serait intéressé par le fait d'investir plus massivement et rapidement dans ces fonctions. »
Par ailleurs, cette nouvelle entité fait bouger les lignes des organisations, ce qui peut créer des réticences. D'où la nécessite d'une véritable démarche de conduite du changement, souvent appuyée par un cabinet extérieur tel que Horisis Conseil, qui par définition prendra du temps, et commence par la sensibilisation aux enjeux des contrats de l'ensemble des interlocuteurs avec qui les Contract Managers ont à travailler.
« Les différents acteurs, souvent issus de filières techniques, ont besoin d'être sensibilisés au Contract Management, aux aspects économiques et à ce qu'est un contrat. Nous avons conçu à cet effet un e-learning de sensibilisation accessible à tous les salariés pour sensibiliser ces acteurs à leur rôle dans le processus de Contract Management et le métier de Contract Manager. » précise Diane Tremblay, chargée de mission à la Direction du Contract Management chez EDF.
De métier encore peu connu en France, à véritable Direction stratégique de l'entreprise, l'activité de Contract Management a encore quelques étapes à franchir. Sous l'impulsion des pionniers du domaine, et forcés et contraints par la concurrence accrue et les pressions sur leurs marges, les entreprises ont cependant tout intérêt à investir dans ce métier dont la raison d'être est la préservation des intérêts de l'entreprise, et de sa marge...
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Thierry Vidal, Directeur du Contract Management chez Naval Group :
- Le métier bouillonne, qu'avez-vous mis en place pour développer le Contract Management au sein de votre organisation ?
Dans un groupe dans lequel le Contract Management existait en termes de besoin et de filière mais n'avait jamais été structuré comme un métier en tant que tel, je me suis attaché à créer un référentiel, des méthodes, des outils non pour contraindre les Contract Managers mais pour leur donner un élan, de la substance, de la cohérence, des recommandations sous forme de bonnes pratiques. Le but ultime est néanmoins qu'ils se libèrent de toute théorie pour être avant tout « apporteur de solution » au sein des programmes et activités.
- En quoi la mise en place du CM et de ses actions a-t-elle été utile au développement de votre société ?
Nous en sommes encore au début de mise en œuvre mais je pense que le Contract Management va apporter à la fois plus d'anticipation (dans la maîtrise de l'exposition et des risques), plus de rigueur (dans le suivi et le contrôle), et paradoxalement plus de souplesse (dans la gestion de la relation commerciale), tout ceci pour une meilleure performance globale.
- Que manque-t-il selon vous au Contract Management en France ?
Il manque une reconnaissance claire et unanime, une compréhension commune, de l'utilité de ce métier (de même qu'on ne doute plus aujourd'hui de l'utilité de la Qualité, de la Finance ou du Project Management par exemple) pour piloter et maîtriser la performance des contrats mais aussi des organisations. Le Contract Management apparaît trop souvent comme une discipline subsidiaire que l'on met en place par précaution ou réaction plus que par conviction et ambition (ou qu'on met en place « en support » d'autres fonctions sans volonté réelle de lui faire prendre son plein essor au-delà d'un aspect de gestion/administration utile mais largement insuffisant). La vocation du Contract Management est plus élevée selon moi : l'analyse, la prise de recul, l'anticipation, le challenge en termes de performance, le contrôle, la stratégie, la gouvernance (de projet et d'entreprise).
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Cet article fait partie d'une série de 3 articles sur le thème du Contract Management, édités par Horisis Conseil, cabinet de conseil en management opérationnel spécialisé en Management de Projet et Contract Management. Entretiens et rédaction réalisés par Thiébaut VIEL.
1- Le Contract Management, un metier en plein essor
2- Le Contract Manager : quel profil ? Comment le devenir ?
3- La création d'une direction du contract management, un levier de croissance
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