Cybersécurité : Wallix, la Bourse ou la vie

Cette société française, spécialiste de la sécurité des entreprises, a donné jeudi le coup d’envoi de son entrée en Bourse. Pour cette pépite innovante, il s’agit de glaner davantage de moyens pour séduire plus de clients à l’étranger. Mais surtout de gagner en crédibilité pour séduire de grosses entreprises, qui se méfient des acteurs plus petits.
Jean-Noël de Galzain, le président du directoire de Wallix, qui espère lever de 7,5 à 10 millions d'euros.

Dur dur d'être un « petit ». Sur le marché en plein essor de la cybersécurité, le savoir-faire des entreprises françaises est aussi reconnu que réputé. Mais pour ces acteurs, il est parfois difficile de se faire un nom auprès des grands groupes, et au-delà des frontières de l'Hexagone. C'est notamment la raison pour laquelle Wallix, une pépite française, a choisi d'investir la Bourse. Cette société parisienne de cybersécurité a donné jeudi le coup d'envoi de son introduction sur Nyse Alternext, où elle souhaite lever de 7,5 à 10 millions d'euros.

Concrètement, elle a mis au point une solution innovante : AdminBastion. « Il s'agit d'un logiciel de traçabilité des comptes à privilèges (qui permettent aux collaborateurs d'une entreprise d'accéder à ses bases de données, Ndlr), explique Jean-Noël de Galzain, président du directoire de Wallix. Celui-ci nous permet de centraliser, de surveiller et de tracer ces comptes en temps réel pour voir ce que font les utilisateurs. » Et donc de tirer la sonnette d'alarme en cas d'intrusion ou de piratage.

Un chiffre d'affaire en forte hausse

Pour les dirigeants de Wallix, cette introduction s'imposait. La société, qui a déjà accroché plusieurs clients prestigieux à son tableau de chasse (comme l'AMF, Alain Afflelou, PharmaGest ou Quick), est en plein croissance. En deux ans, son chiffre d'affaires a flambé de 95%, à 4 millions d'euros. En investissant la Bourse, elle souhaite accélérer son développement, investir dans la recherche-développement pour améliorer son logiciel, et se déployer à l'international. Pour les dirigeants, ce dernier créneau est jugé porteur. « L'an dernier, la société a réalisé 32% de son chiffre d'affaires à l'étranger, souligne Amaury Rosset, le directeur administratif et financier. Sachant que ce secteur affiche une croissance de 68% par rapport à l'exercice précédent, soit bien plus qu'en France. » Pour doper sa « conquête commerciale », la société souhaite aussi renforcer ses effectifs, et passer d'une trentaine de collaborateurs à 130 à horizon 2018.

Jusqu'à présent, la société avait réalisé plusieurs levées auprès d'investisseurs pour prendre son envol. Entre 2007 et 2014, Wallix a ainsi glané 6,5 millions d'euros. En outre, sur la même période, elle a bénéficié d'aides et de subventions, à hauteur de 5 millions d'euros. Pourquoi, dans ce contexte, ne pas avoir réalisé un nouveau tour de table ? Pour « gagner en notoriété », répond Jean-Noël de Galzain. Le dirigeant espère qu'en entrant en Bourse, Wallix sera davantage sous les feux des projecteurs au niveau européen et international. Grâce à cela, il espère évidemment gagner des clients, mais aussi attirer la « matière grise » dont il a besoin pour améliorer sa solution.

Se projeter à l'international : un impératif

Surtout, Wallix espère gagner en « crédibilité » auprès des services achats des grands groupes. Un point central, pour Jean-Noël de Galzain, qui fustige les difficultés des petites entreprises de la cybersécurité à décrocher des contrats importants : « Quand on est une PME et quand on est français, c'est très difficile de vendre nos produits à certaines grosses sociétés, lesquelles nous demandent beaucoup de garanties », résume-t-il avec une amertume non dissimulée.

Or, pour plusieurs bons connaisseurs du secteur sondés par La Tribune, l'initiative de Wallix révèle un point fondamental : la société doit impérativement se vite développer si elle veut s'imposer dans la durée. Pour beaucoup, c'est même une question de survie. « Dans le monde des nouvelles technologies, il faut tout de suite se projeter à l'international quand on dispose d'un bon produit, résume Thierry Rouquet, président de la commission Sécurité de l'Afdel, l'association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet. Si on met trop de temps à atteindre la taille critique, on risque de se faire damer le pion par d'autres acteurs. » Ou pire, que le logiciel devienne caduc. Dans ce contexte, les entreprises de cybersécurité françaises ne sont pas bien loties. « Notre écosystème est paradoxal, analyse Thierry Rouquet. En France, on dispose de très bons ingénieurs et de puissants investisseurs en recherche-développement. Mais là où le bât blesse, c'est que les petites entreprises peinent à financer leur développement marketing et commercial. Cela coûte effectivement très cher, et c'est le nerf de la guerre, car les sociétés opèrent dans un marché globalisé. »

Des marchés européens frileux...

De plus, ce cadre de l'Afdel souligne une autre difficulté : « Les marchés financiers européens manquent beaucoup de dynamisme. » D'après lui, les investisseurs sont beaucoup plus frileux qu'aux Etats-Unis, où miser sur de jeunes pousses prometteuses peut rapporter gros. Pour Thierry Rouquet, les investisseurs du pays de l'Oncle Sam espèrent soit un rachat par un grand groupe (comme Symantec, Fortinet, Google, Facebook...), soit une entrée au Nasdaq, le prestigieux indice américain dédié aux nouvelles technologies. « Or en France, nous ne bénéficions pas de tels leviers », renchérit Thierry Rouquet.

Le responsable de l'Afdel sait de quoi il parle : il est le fondateur d'Arkoon Network Security, qu'il a fait rentrer en Bourse en 2007. Spécialisée de la sécurité des réseaux, elle est, selon lui, la dernière petite société française à avoir tenté l'aventure sur Alternext, avant d'être revendu à Airbus il y a deux ans.

...Mais de belles cartes à jouer

Malgré un climat défavorable, les entreprises françaises de cybersécurité ont de belles cartes à jouer. D'après le cabinet Gartner, le marché mondial se porte bien. En 2014, le secteur pesait 21,4 milliards de dollars pour les seuls logiciels, en croissance de 5,3% par rapport à l'exercice précédent. Surtout, les entreprises ont de plus en plus tendance à privilégier les solutions émanant d'éditeurs nationaux. Une conséquence de l'affaire Snowden, qui a rogné la confiance dans les entreprises américaines de sécurité. En d'autres termes, Wallix évolue dans un univers difficile, mais porteur. Et la Bourse devrait lui donner davantage de poigne pour saisir les opportunités.

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