Netflix va faire payer le partage des comptes : 100 millions de foyers concernés

Sous pression suite à sa première perte nette d'abonnés en dix ans au premier trimestre, Netflix s'apprête à facturer un surplus à ses abonnés qui partagent leur compte avec d'autres personnes extérieures au foyer. Cette pratique est très répandue : elle permet aujourd'hui à 100 millions de foyers dans le monde de ne pas payer d'abonnement en créant un ou des profils supplémentaires sur le compte d'un proche. L'enjeu pour Netflix : retrouver le chemin de la croissance, dans un marché saturé par l'explosion des offres concurrentes.
Sylvain Rolland
(Crédits : Mike Blake)

Voilà une nouvelle qui ne va pas plaire à de nombreuses familles : Netflix va interdire le partage gratuit des comptes, cette pratique qui consiste à permettre à quelqu'un hors du foyer de créer un profil sur le compte d'un proche, et d'en bénéficier chez lui, gratuitement. L'impact de cette décision est énorme : le partage des comptes est une pratique très répandue, voire généralisée, puisque le streamer indique qu'elle permet à plus de 100 millions de foyers dans le monde de ne pas payer pour l'accès à la plateforme. Etant donné que Netflix revendique 221,6 millions d'abonnés dans le monde, le partage de compte concerne 31% des foyers qui utilisent Netflix !

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Netflix sous pression après la perte de 200.000 abonnés au 1er trimestre

Le manque à gagner est réel pour Netflix. D'autant plus que depuis quelques trimestres, sa croissance ralentit. Le pic d'utilisateurs semble atteint et dépassé aux Etats-Unis et au Canada, ses marchés domestiques, et la croissance se tasse en Europe. Au premier trimestre 2022, pour la première fois en 10 ans, Netflix a même perdu des abonnés, 200.000 exactement.

Certes, cette chute est fortement liée à la guerre en Ukraine, qui a conduit Netflix à se retirer de la Russie et donc à renoncer à 700.000 abonnés, ce qui signifie que la plateforme aurait gagné 500.000 abonnés sans le conflit. Mais la Russie est plutôt l'arbre qui cache la forêt, car Netflix a aussi perdu 600.000 abonnés aux Etats-Unis et au Canada. Seule la zone Asie croît, avec un gain de 1 million d'abonnés. Suite à ces résultats décevants, l'action Netflix chutait de 24% en Bourse, car les marchés s'attendaient au contraire à un gain de 2,5 millions d'abonnés au total.

Autrement dit, Netflix ne peut plus se permettre de s'asseoir sur le levier d'abonnés et de revenus que représente le partage de comptes. D'autant plus dans un paysage si concurrentiel, avec l'arrivée depuis 2019 de Disney+, AppleTV+, Paramount+, HBOMax et Peacock aux Etats-Unis, qui viennent s'ajouter à Amazon Prime Video et Hulu aux Etats-Unis, et à Canal+ Séries, OCS et Salto en France. Tous sont de très sérieux concurrents, qui affichent de fortes ambitions.

Vers un surplus de quelques euros par "sous-compte" supplémentaire ?

Comment, alors, monétiser ce vivier de 100 millions de foyers ? Netflix semble ne pas choisir l'option dure, c'est-à-dire interdire carrément le partage de compte et forcer ces utilisateurs à payer un abonnement. Une décision pertinente : beaucoup de ces utilisateurs sont des étudiants ou des familles modestes, qui n'auraient probablement ni les moyens ni l'envie de payer un abonnement complet, même le plus bas à 8,99 euros par mois.

Le salut viendra donc peut-être de la surfacturation. Depuis début mars, Netflix a lancé des tests dans des pays sud-américains (Chili, Costa Rica et Pérou pour l'instant) pour facturer à ses clients l'ajout de profils supplémentaires à leur compte. Mais ce surplus permet de transformer ce qui n'était jusqu'à présent qu'un simple profil en plus, en un véritable sous-compte.

Le principe : les abonnés Standard (13,99 euros par mois) et Premium (17,99 euros par mois) peuvent ajouter jusqu'à deux "sous-comptes" à leur compte principal. La différence avec un simple profil supplémentaire ? Chaque sous-compte bénéficie de son propre identifiant et de son propre mot de passe, ce qui signifie que le propriétaire du compte principal n'y a pas accès. S'ils décident de payer eux-mêmes leur compte ou que l'utilisateur principal ne souhaite plus payer les sous-comptes, les utilisateurs secondaires peuvent alors transférer leur liste, leur historique de visionnage et leurs recommandations personnalisées à leur nouveau compte.

Pour déterminer si un compte est partagé entre plusieurs foyers, Netflix se sert de l'adresse IP et des identifiants d'appareils. Ainsi, il n'est pas possible de partager son mot de passe avec quelqu'un situé hors du foyer car, grâce aux identifiants d'appareils et à l'adresse IP, Netflix pourra comprendre qu'il s'agit en fait d'utilisateurs différents.

Le géant du streaming prévoit de généraliser ce système sur ses principaux marchés d'ici à un an. Reste désormais à fixer la valeur du surcoût : au Chili comme au Costa Rica, les utilisateurs paient l'équivalent de 2,70 euros par sous-compte supplémentaire. Au Pérou, Netflix l'a fixé à 1,90 euros.

Abonnements moins chers et jeux vidéo comme pistes de diversification

Confronté à une panne de croissance durable -une perte de 2 millions d'abonnés est attendue au deuxième trimestre- et à une concurrence acharnée, Netflix pourrait également mettre fin à sa politique d'augmentation incessante des coûts de l'abonnement, qui n'est soutenable qu'en période de croissance et d'hégémonie sur la concurrence.

Lors d'une conférence téléphonique avec les analystes, Reed Hastings, le co-CEO de Netflix, a ainsi dévoilé que la plateforme réfléchit à l'idée de proposer de nouveaux abonnements moins chers, avec de la publicité, en 2023 ou 2024. Une vraie surprise : jusqu'à présent, Netflix avait toujours refusé l'idée d'intégrer de la publicité à son offre car elle se positionnait en rupture avec la télévision traditionnelle, financée en grande partie par les revenus publicitaires.

Mais Netflix, qui propose les abonnements parmi les plus chers du marché (8,99 euros pour la formule basique, 13,49 euros pour la formule standard, 17,99 euros pour la formule premium), a besoin de diversifier ses sources de revenus. "Considérez-nous comme tout à fait ouverts à l'idée d'offrir des prix encore plus bas avec de la publicité pour donner un nouveau choix au consommateur", a déclaré le dirigeant.

Ce modèle mixte, mi-abonnement mi-publicité, était jusqu'alors adopté par les challengers du marché. Le dernier arrivé aux Etats-Unis, Peacock (le service de streaming du géant NBC Universal), l'a choisi pour tenter de se faire plus rapidement une place sur le marché, en proposant une offre à 4,99 dollars par mois donnant accès à tout le contenu de sa plateforme, mais avec des publicités.

Enfin, Netflix s'est aussi lancé dans l'univers des jeux vidéo, qui pourraient augmenter le temps passé sur la plateforme et constituer un produit d'appel pour prendre un abonnement. La plateforme propose déjà quelques jeux sur son service depuis novembre dernier, dont certains inspirés par l'univers de son grand succès, la série Stranger Things. En septembre, elle avait racheté son premier studio de jeux vidéo, Night School Studio, une startup californienne.

Sylvain Rolland

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Commentaires 6
à écrit le 20/04/2022 à 15:52
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he ben ca va accelerer la perte de clients, qui payaient moins en mutualisant avec le neveu ou le voisin

à écrit le 20/04/2022 à 13:04
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He oui, citoyen, l'europe va payer cher son suivisme. Production reduite a peau de chagrin depuis le covid en plus d'une inflation qui galope, le tout agremente d'une recession, c'est sur que ca va etre difficile pour des millions de francais habitue...

le 20/04/2022 à 14:45
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Prochain episode covid en automne 2022, to be continued !

à écrit le 20/04/2022 à 13:00
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De mémoire : pour 17,99 euros par mois, on paie pour regarder sur quatre écrans différents et en même temps .Donc L'affirmation : "elle permet aujourd'hui à 100 millions de foyers dans le monde de ne pas payer d'abonnement" , est fausse ,il y a bi...

à écrit le 20/04/2022 à 12:17
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Payer pour regarder des séries, de la téléréalité ou des programmes resuces, même "à pas cher", c'est encore trop cher et surtout inintéressant. Ceci participe, avec certaines chaînes d'information en continu à l'abetissement généralisé que l'on retr...

à écrit le 20/04/2022 à 11:52
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N'est ce pas un avant goût de la crise qui va nous submerger ?

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