Netflix augmente encore ses tarifs en France et ce n'est sûrement pas la dernière fois

Les tarifs de chaque forfait pour la France augmentent de un à deux euros par mois dès le prochain cycle de facturation. Si la hausse des prix peut paraître contre-intuitive en pleine guerre du streaming alors que la concurrence n'a jamais été aussi forte, cela fait au contraire partie de la stratégie de long terme de Netflix pour financer ses investissements dans les contenus, satisfaire ses investisseurs et conserver son leadership. Analyse.
Sylvain Rolland
L'offre de base, appelée Essentiel, augmente de un euro et passe de 7,99 euros à 8,99 euros par mois.
L'offre de base, appelée Essentiel, augmente de un euro et passe de 7,99 euros à 8,99 euros par mois. (Crédits : Dado Ruvic)

Mauvaise surprise pour les abonnés français à Netflix. Le numéro un mondial de la SVoD (streaming à la demande sur abonnement) a décidé d'augmenter le prix de ses trois formules d'abonnement à compter du prochain cycle de facturation pour les abonnés actuels, et immédiatement pour les nouvelles recrues. Concrètement, l'offre de base, appelée Essentiel, augmente de un euro et passe de 7,99 euros à 8,99 euros par mois. Le prix des autres offres augmente de deux euros par mois : le forfait Standard -qui donne accès à deux écrans en simultané en qualité HD- passe de 11,99 euros à 13,99 euros par mois, et l'offre Premium -quatre écrans en simultané et des programmes en 4K- passe de 15,99 euros à 17,99 euros par mois.

Avec cette hausse des prix, Netflix aligne les tarifs français sur ceux pratiqués aux Etats-Unis et dans certains autres gros marchés depuis la fin de l'année dernière. En France, il s'agit de la troisième augmentation depuis son arrivée dans le pays, en 2014. A l'époque, s'abonner à Netflix coûtait 7,99 euros pour le forfait Essentiel (+1 euro en 7 ans), 9,99 euros pour le forfait Standard (+4 euros en 7 ans) et 11,99 euros pour la formule Premium (+6 euros par mois en 7 ans).

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Netflix beaucoup plus cher que la concurrence

Au premier abord, cette hausse des tarifs peut surprendre. Contrairement aux Etats-Unis, où Netflix a peu de marges de progression car la quasi-totalité des foyers Américains sont abonnés à au moins un service de streaming, le géant de la SVoD a encore de la marge en France. Surtout, la concurrence est désormais féroce : Netflix (28% de parts de marché sur le streaming en France) doit composer avec Amazon Prime Video (25%), Disney+ (16% déjà, en moins de deux ans d'existence), Canal+ (9%), OCS (7%) et le petit dernier, Salto (2%), d'après les données du cabinet d'études Just Watch.

Et ses challengers sont, pour la plupart, beaucoup moins chers : Amazon Prime Video, Canal+ Séries et Disney+ proposent un tarif unique à respectivement 5,99 euros, 6,99 euros et 8,99 euros par mois, tandis que OCS propose une offre équivalente au forfait Standard de Netflix pour 11,99 euros par mois. Autrement dit, en pleine guerre du streaming, Netflix prend le risque de faire fuir de nouveaux abonnés qui trouveraient le service trop cher, ou d'encourager ses abonnés existants à aller tester la concurrence.

Streaming parts de marché France 2021

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Amortir les investissements et compenser le ralentissement des recrutements d'abonnés

Mais Netflix n'a en réalité pas vraiment le choix, pour deux raisons. Dans un contexte de concurrence acharnée -aux Etats-Unis, le service est également sous la pression de deux autres nouveaux venus aux dents longues, HBO Max et Peacock- Netflix doit investir toujours plus dans les contenus. L'objectif : proposer un catalogue très attractif et diversifier son offre, qui comprend désormais tous types de séries pour tous les publics, mais aussi de la télé-réalité, des documentaires, des animes et même des talk show.

Ainsi, en 2021, Netflix a prévu d'investir la somme colossale de 17 milliards de dollars dans les contenus, contre 11,8 milliards en 2020. A titre de comparaison, ses concurrents sont loin derrière : Disney+ a prévu d'investir environ 9 milliards de dollars en 2021, presque moitié moins que Netflix. Cet argent lui permet aussi de lancer de plus en plus de contenus dans la langue de ses différents marchés : en France par exemple, Netflix prévoit de lancer 27 nouveaux programmes en 2021. Amazon Prime Video, lui, en prévoit "seulement" dix.

Ted Sarandos, le patron de Netflix, mise donc tout sur la qualité et la diversité du catalogue pour à la fois rester attractif dans un paysage de plus en plus concurrentiel, mais aussi acquérir un statut "indispensable" pour ses abonnés, et ainsi faire passer la pilule des hausses de prix.

Car Netflix ne peut plus vraiment compter sur ses recrutements d'utilisateurs pour amortir des coûts aussi faramineux. Depuis le début de l'année, et après une année 2020 exceptionnelle portée par la pandémie de Covid-19, sa croissance ralentit. Au cours du deuxième trimestre, Netflix a enregistré l'arrivée de 1,54 million de clients supplémentaires, pour porter à 209 millions le nombre total de ses abonnés. Sur la même période l'an dernier, la plateforme avait accueilli 10,1 millions de nouveaux abonnés... Si on regarde le premier semestre 2021, Netflix n'a gagné que 5,5 millions de nouveaux abonnés en six mois, soit sa plus mauvaise performance depuis 2013. Et ses propres prévisions pour le troisième trimestre sont modestes, en-deçà des attentes des analystes.

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Netflix peut se permettre d'augmenter les prix et n'a pas fini de le faire

Dans ce contexte de croissance molle et de forte concurrence, Netflix doit montrer sa solidité à ses investisseurs en améliorant sa rentabilité. Heureusement pour lui, ses métriques d'utilisation sont excellentes, et lui permettent d'augmenter régulièrement ses tarifs pour afficher un meilleur ARPU, pour Average Revenue Per User ou revenu moyen par utilisateur, le principal indicateur pour les marchés.

Le premier grand atout de Netflix est l'attachement de ses abonnés à son service. D'après des données du cabinet de conseil Antenna, le taux d'attrition (ou churn, c'est-à-dire la proportion de clients perdus) est d'à peine 2% par mois, bien en-dessous de la concurrence. Aux Etats-Unis, où le coût du divertissement télévisé est sans commune mesure avec la France -les Américains paient en moyenne une centaine de dollars par mois pour accéder au câble- le prix de Netflix reste abordable, d'autant plus que la richesse de son catalogue tend à le positionner comme une alternative de plus en plus crédible au câble, et non plus seulement un complément.

Autrement dit : si Netflix et les autres plateformes de streaming réussissent à devenir une vraie alternative à un abonnement très onéreux à un bouquet de chaînes câblées -elles sont aujourd'hui davantage un complément-, alors Netflix n'a pas fini d'annoncer des hausses de prix tant la différence est énorme.

Pour l'instant, ça marche. La dernière hausse des prix, appliquée seulement maintenant en France mais décidée en fin d'année dernière aux Etats-Unis, est passée comme une lettre à la Poste. Au deuxième trimestre, Netflix a ainsi engrangé 7,3 milliards de dollars (+19%) de chiffre d'affaires (6,3 milliards d'euros), pour un bénéfice net de 1,35 milliard de dollars. Voilà pourquoi Netflix n'a pas été trop pénalisé en Bourse par le ralentissement de ses recrutements d'abonnés : ses fondations sont solides et lui permettent d'augmenter ses prix -donc sa rentabilité- sans problème.

Reste que la France n'est pas les Etats-Unis. Netflix n'y est pas aussi bien implanté -les analystes s'accordent pour estimer que ses marges de progression outre-Atlantique sont quasi-nulles et qu'il y a atteint un plafond-, et surtout, les Français n'ont pas l'habitude de payer cher leur accès aux contenus. Mais malgré sa précédente hausse des prix dans l'Hexagone, en juillet 2019 -dans un contexte moins concurrentiel certes-, le numéro un mondial du streaming a continué d'engranger des abonnés en France. Il en revendique aujourd'hui 6,7 millions, et le service résiste très bien à la concurrence, en partie grâce à l'ajout de plus en plus régulier de contenus créés pour le marché français.

Si les abonnés Français acceptent sans sourciller cette nouvelle hausse des prix comme cela a été le cas aux Etats-Unis et pour la précédente augmentation de 2019, alors gageons que Netflix n'a pas fini d'augmenter régulièrement ses tarifs au fur et à mesure qu'il devient incontournable.

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Sylvain Rolland

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Commentaires 17
à écrit le 24/08/2021 à 12:47
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Netflix, Amazon ou Disney+ ont-ils du souci à se faire dans les prochains mois ? Selon les informations de Bloomberg, Comcast et ViacomCBS ont décidé de s'associer pour lancer un service de diffusion en Europe, qui sera connu sous le nom de SkyShowti...

le 24/08/2021 à 14:11
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Pour les amateurs de sieste de trois heures et quart devant Titanic...

à écrit le 21/08/2021 à 17:01
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Avec un plan de rachat d'actions pour 5 milliards de dollars US, il parait évident que le contenu se situe à Wall Street...

à écrit le 21/08/2021 à 14:45
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En guise de sevrage, pourquoi ne pas essayer l'offre "assez décalée" de l'INA à 2,99€ ?

à écrit le 21/08/2021 à 13:18
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Utiliser un VPN, ça coûte pas cher Netflix en Inde ;)

à écrit le 21/08/2021 à 9:31
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On attire avec des tarifs très bas , on amorce et quand l’addiction a prise, on en fait payer le prix, c’est tout

à écrit le 21/08/2021 à 9:12
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Netflix....indispensable au quotidien?

à écrit le 21/08/2021 à 8:20
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Sinon, il y a le streaming gratuit sur internet. Il faut chercher un peu mais c'est 0 euro par mois.

à écrit le 21/08/2021 à 5:37
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Il répercute tout simplement les taxes du gouvernement pour aider le cinéma français . Un finé c'est une nouvelle taxe payé par les français .

à écrit le 20/08/2021 à 19:05
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Les cinéphiles auront ils d'autres choix, hormis Netflix et Amazon, des lors que la mort du cinéma "traditionnel", physique dirons nous, est programmée depuis 2020 ? Et ça vaut peut-être également pour les autres formes de spectacles.

le 22/08/2021 à 20:14
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Le probleme du conema traditionnel a la francaise c est qu il y a pas mal de teuc ennuyeux.. Et les acteurs engagés c est comme les footballeur qui jette le coca .. D un ridicule

à écrit le 20/08/2021 à 15:13
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J'appelle ça du dumping. On arrive avec un prix imbattable pour capter des clients, on étouffe la concurrence et quand la terre est bien brûlée, on augmente les tarifs. Typique des approches des géants du numériques américains (le champion étant Amaz...

à écrit le 20/08/2021 à 14:51
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C'est le système de la grenouille dans l'aquarium, on chauffe l'eau graduellement. Petites augmentations régulières, et les tarifs deviendront musclés, sans trop s'en rendre compte. Aux clients de voir si le jeu en vaut toujours la chandelle, mais q...

à écrit le 20/08/2021 à 14:43
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Sur Netflix, il n'y a pas grand chose pour les plus de cinquante ans

le 21/08/2021 à 9:20
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Le clan des Siciliens ?

à écrit le 20/08/2021 à 14:28
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J'ai résilié mon abonnement voilà trois mois....toujours les mêmes films.... je me réabonnerai pour la dernière saison de Lucifer puis résiliation. Je n'ai pas le temps de passer ma vie devant la TV;

le 21/08/2021 à 3:00
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Voila un homme qui reflechit. Plus de tele, c'est encore mieux.

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