Les marchés financiers s'y attendaient, mais le chiffre est énorme et symbolique. Lagardère a annoncé une dépréciation de l'ordre de 900 millions d'euros sur ses comptes 2011, portant sur Canal Plus et sur Lagardère Unlimited, sa branche sport. Les 20% que possède Lagardère dans le groupe de télévision payante ont été dépréciés d'un peu plus de 300 millions d'euros, ce qui ramène la valeur de cette participation à 1,2 milliard d'euros. Ce montant est encore supérieur aux estimations des analystes, qui évaluent ces 20% entre 900 et 1 milliard d'euros. Depuis l'acquisition de cette participation en 2007, Lagardère n'avait jamais revu à la baisse cet investissement, alors même qu'il était notoirement surévalué. Ainsi, selon nos informations, faute de trouver un accord avec l'actionnaire majoritaire Vivendi, Lagardère avait entamé des négociations avec le fonds américain Hellman & Friedman pour lui céder cet actif. Mais, selon certaines sources, le fonds aurait proposé seulement 700 millions d'euros et Vivendi 900 millions, sans déboucher sur un accord. Lors d'une conférence téléphonique, le co-gérant du groupe Dominique d'Hinnin a répété qu'une introduction en Bourse restait l'objectif principal, mais que des discussions étaient en cours avec des repreneurs potentiels, même si une cession n'est pas aisée dans la mesure où il s'agit d'une participation minoritaire. Reste que le dirigeant a prévenu que l'affaire ne devrait pas aboutir ces prochaines semaines.

La provision sanctionne la stratégie d'Arnaud Lagardère dans le sport

Plus grave, la dépréciation de Lagardère Unilimited sanctionne la stratégie d'Arnaud Lagardère dans le sport, qu'il présente depuis 2007 comme l'un de ses principaux relais de croissance. Le groupe a diminué de près de 600 millions d'euros la valeur du pôle sport, divisée par deux. Il a dépensé depuis 2007 pas moins de 1,1 milliard d'euros pour bâtir cette activité, en acquérant Sportfive, World Sport Group, IEC et Upsolut... Las. Les résultats ne sont pas au rendez-vous. En 2010, le chiffre d'affaires avait déjà baissé, tandis que le résultat opérationnel avait été divisé par deux à 28 millions d'euros. Pour 2011, Oddo table sur une perte opérationnelle de 6 millions d'euros. Et pour 2012, un résultat compris entre 5 et 10 millions d'euros.

Dans le sport, Lagardère souffre depuis le départ de plusieurs maux. Tout d'abord, il n'échappe pas à la crise qui touche les recettes de sponsoring, comme les droits télé. Ensuite, il a perdu un grand nombre de contrats, notamment en Europe. A commencer par celui de la Fédération Française de Football (FFF) dont il a longtemps commercialisé à la fois les droits TV et les contrats de sponsoring. Le PSG, pour lequel il s'occupait des contrats de partenariat et de ventes d'espaces dans le stade, devrait également se passer de ses services. Plus généralement, les fédérations et les ligues ont tendance à supprimer les intermédiaires. Ainsi, Sportfive s'était occupé de la vente des droits télés en Europe de l'Euro 2008, un contrat d'environ un milliard d'euros, sur lequel l'agence avait prélevé une commission de quelques pourcents. Désormais, l'UEFA s'occupe elle-même de céder les droits les plus juteux en Europe. Elle négocie notamment directement la diffusion de l'Euro 2012 en France. Dans le sport, le champ d'action des agences s'est sensiblement restreint ces dernières années, faisant baisser de facto leur valeur.

L'arrivée des qataris

Arnaud Lagardère a annoncé l'arrivée prochaine du Qatar, qui s'est renforcé au capital du groupe, au conseil d'administration du groupe. En 2011, le chiffre d'affaires consolidé de Lagardère a stagné à 7,6 milliards d'euros. Le groupe, qui publiera ses comptes annuels le 8 mars prochain, table sur un résultat opérationnel en baisse de 5 à 10%. En fin de séance mardi, le titre perdait 5,72% à 21,8 euros à la Bourse de Paris, soit un recul de 33% sur un an.