Financements de start-up : le RBF, un nouvel outil pour emprunter quand les banques se font frileuses

Le Revenue Based Financing (RBF) est un mécanisme d’avance de trésorerie par la dette mis en place il y a à peine un an en France. Pratique pour les entreprises qui se voient refuser des crédits par leurs banques, cette alternative est rapide, flexible, mais aussi plus chère que les crédits classiques.
Maxime Heuze
Obtenir un crédit par sa banque, quand on est une PME numérique sans bilan conséquent, peut-être un véritable parcours du combattant.
Obtenir un crédit par sa banque, quand on est une PME numérique sans bilan conséquent, peut-être un véritable parcours du combattant. (Crédits : DR)

La gestion d'une start-up n'est pas toujours facile, notamment pour ce qui est de la trésorerie.

Entre l'argent dépensé pour payer un fournisseur ou ses employés et l'argent récupéré avec le paiement d'un client, le temps peut être long et difficile à supporter pour les jeunes entreprises. Pour survivre pendant cette période qui ressemble à une fin de mois difficile version entreprise, les start-up ont besoin de fonds de roulement, autrement dit, d'un matelas permettant d'attendre les paiements clients.

Pour trouver du cash, elles peuvent logiquement penser à faire appel aux crédits bancaires. Mais financer un besoin de trésorerie par une banque quand on est une jeune entreprise peut s'avérer difficile. « Pour nous développer rapidement et recruter de nouveaux salariés, il nous fallait des réserves d'argent. On a d'abord pensé au financement bancaire mais c'est assez difficile en réalité par le système traditionnel », confie Nicolas Jaulin, le PDG de Pysae, une entreprise lancée en 2014, qui fournit des logiciels de services pour les opérateurs de transports publics, qui a déjà réalisé une levée de fonds en 2016. Si Pysae affiche une croissance de 30 à 50% d'après son fondateur, ces très bonnes perspectives n'ont pas réussi à convaincre les banques. Ces dernières accordent en effet leurs prêts en fonction des actifs et du bilan financier des entreprises qui sont généralement faibles pour les petites entreprises numériques.

Une alternative aux crédits traditionnels pour les PME numériques

Face à cet angle mort du crédit bancaire, les start-up peuvent se tourner vers les levées de fonds auprès, par exemple, des sociétés de capital-risque. « On a fait une levée de fonds en 2016 pour nous développer mais on ne souhaite pas en refaire pour l'instant car cela nous oblige à nous séparer d'une partie du capital (et donc du pouvoir de gouvernance de l'entreprise, NDLR) », explique Nicolas Jaulin. Il est aussi plus difficile de lever des fonds en cette fin 2022. D'après l'étude « State of European Tech », publiée par le fonds britannique Atomico le 7 décembre, les levées de fonds en Europe ont reculé de 18 % en 2022 par rapport à 2021. Autant de facteurs qui ont poussé l'entrepreneur à se tourner vers une solution alternative apparue il y a un an seulement en France : le Revenue Based Financing (RBF) ou financement basé sur les revenus.

Pysae a donc emprunté 250.000 euros sur 12 mois auprès de la fintech (start-up financière) Unlimitd, « pour financer notre développement commercial ». Concrètement, le RBF est une avance de trésorerie. Une start-up peut emprunter une somme définie pour lui permettre d'alimenter son besoin de fonds de roulement et ainsi faire la jonction entre ses dépenses et ses revenus quand ils sont décalés. « C'est un fournisseur de cash en fait, le RBF permet de consolider en permanence la trésorerie (pour ne pas être dans le rouge, NDLR) », résume Nicolas Jaulin. En clair, cet outil se définit comme un « buy now pay later » (achetez maintenant, payez plus tard) version entreprise.

Les plateformes proposant des RBF affichent des conditions alléchantes. Un financement en moins de 48 heures pour un remboursement flexible en 24 mois maximum. « Le mois où une entreprise n'a pas fait de chiffre d'affaires, elle peut ne pas rembourser son prêt et rembourser le double le mois d'après si elle a été payée par ses clients », précise Gabriel Thierry, le PDG de Karmen, une jeune pousse qui propose ce type de financement alternatif. Si ce module de financement, arrivé il y a seulement un an en France, semble bien pratique, il affiche néanmoins des taux bien plus élevés que les crédits bancaires : entre 5 et 8% contre généralement moins de 5% pour les prêts traditionnels. Des taux qui « sont plus élevés, car ces prêts sont plus risqués que les crédits classiques puisque nous nous concentrons sur les jeunes PME numériques qui sont donc plus fragiles que les entreprises classiques », justifie Gabriel Thierry.

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Des fintech qui analysent l'activité et les perspectives d'évolution de leurs emprunteurs

Trois start-up proposent actuellement ces financements alternatifs : Silvr, Unlimitd et Karmen. Pour ce faire, elles réalisent régulièrement des emprunts auprès de sociétés de prêt privées puis re-prêtent cet argent à leurs clients avec une surcote. Les secteurs qu'elles financent se résume pour l'instant uniquement aux Saas (sociétés de services de logiciels), aux plateformes d'e-commerce « mais bientôt aussi aux marketplace », confie Julien Zerbib, PDG d'Unlimitd. Une fois qu'une start-up demande un prêt à l'un de ces trois acteurs, ce dernier va étudier son modèle économique et ses revenus. « On est connecté à tous leurs outils de gestion, banque, facturation, prestation de services. Grâce à cela, on arrive à financer des boîtes qui ont à peine 6 mois d'ancienneté, ce que font très peu les banques », vante-t-il.

Avec la période actuelle d'inflation élevée, et de freinage de l'activité économique, Karmen constate une « forte hausse des demandes depuis décembre ». Silvr constate 500 demandes de prêts par mois et Unlimitd plus de 1.000 contre 200 en mai dernier. Mais si ces jeunes fintechs se placent sur un angle mort du crédit traditionnel, Karmen tient à préciser : « Nous sommes une solution qui vient au secours des start-up, mais pas une solution de secours ». Les fintechs proposant des RBF n'acceptent pas tous les dossiers, loin de là. « Nous sommes très sélectifs sur nos clients. Le mois dernier par exemple, sur 1.200 demandes de crédit, nous n'avons accepté que 15 à 20 clients », précise même Julien Zerbib, ajoutant que « cela nous permet d'avoir (pour l'instant NDLR) un taux de défaut très bas, proche de 0. » Difficile donc de satisfaire une demande en constante croissance.

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Si ces trois fintechs projettent de se développer pour pouvoir financer plus de clients, il y a fort à parier que les RBF ne concerneront qu'une petite partie des PME numériques pendant quelques années encore, au grand dam de l'ensemble des start-up. « On parle souvent du dynamisme des entreprises de logiciels aux Etats-Unis mais je pense que cela vient aussi et surtout de leurs possibilités de financements. En France, on est en retard sur ces questions ce qui retarde la croissance de nos start-up », conclut le PDG de Pysae, qui s'avoue comblé par le système du RBF.

Maxime Heuze

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Commentaire 1
à écrit le 28/12/2022 à 18:08
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Les crédits classiques n'échappent pas aux régulateurs et aux accords de Bâle, à contrario du "shadow banking system". Voilà ce qui mérite d'être soulevé et qui ne l'est pas!

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