Streaming : Disney+ peut-il s'imposer en Europe face à Netflix ?

Par Anaïs Cherif  |   |  1031  mots
La plateforme de streaming vidéo Disney+ propose plus de 500 films et 300 séries disponibles dès son lancement. (Crédits : Marvel)
Après un lancement réussi aux Etats-Unis en novembre, la plateforme de streaming vidéo Disney+ débarque ce mardi en France, quinze jours après son déploiement progressif en Europe. En pleine crise du coronavirus, les mesures de confinement prises dans plusieurs pays européens peuvent être à double tranchant pour ce lancement très attendu.

[Article publié le 20/03 à 17h30, modifié le 07/04 à 9h40]

Le lancement de Disney+ en Europe devait se faire en fanfare; il s'est fait en catimini au cours des dernières semaines. En pleine crise du coronavirus, la plateforme de streaming vidéo du géant américain arrive ce mardi en France, quinze jours après son lancement progressif sur le Vieux Continent : Royaume-Uni, Irlande du Nord, Allemagne, Espagne, Italie, Suisse et Autriche. Disney avait en effet consenti le 21 mars à reporter son arrivée sur le marché français à la demande du gouvernement, afin de ne pas engorger les réseaux. D'autres pays européens doivent suivre d'ici l'été, comme la Belgique, le Portugal et les pays scandinaves.

"En prévision d'une forte demande, et soucieux de soutenir l'effort collectif pour le bon fonctionnement des infrastructures haut débit, le service a réduit d'au moins 25% l'utilisation globale de sa bande passante", souligne l'entreprise dans un communiqué de presse.

Le groupe de divertissement arrive ainsi sur un marché très concurrentiel, et, qui plus est, dans un contexte économique particulièrement incertain provoqué par la pandémie du coronavirus. Aussi, le marché du streaming vidéo, jusqu'ici largement dominé par le leader mondial Netflix, est chamboulé depuis l'année dernière par une arrivée pléthorique de concurrents. Parmi eux, AppleTV+ mais aussi de futures offres, comme HBO Max (WarnerMedia), Peacock (NBCUniversal), Salto (alliance française de TF1, France Télévisions et du groupe M6), entre autres.

Il n'y aura donc pas de la place pour tout le monde car les consommateurs vont nécessairement devoir choisir parmi cette prolifération d'offres. Plus de 44% des Français sont déjà abonnés à un service de SVoD (vidéo à la demande) - dont 32% le sont à un seul service, 9% à deux services et 3% à trois ou davantage, selon une analyse de NPA Conseil publiée le 18 mars. Parmi les personnes non abonnées à un tel service, 9% déclarent envisager de souscrire à Disney+ en France, contre 30% pour Netflix et 13% pour Amazon Prime Vidéo, toujours selon NPA Conseil.

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Disney+ n'est pourtant pas en reste pour convaincre. La plateforme de streaming a déjà rencontré un franc succès aux Etats-Unis, lors de son lancement en novembre dernier. Début février, le groupe revendiquait déjà 26,5 millions d'abonnés après moins de deux mois de mise en service. A titre de comparaison, Netflix revendique 67,7 millions d'abonnés uniquement aux États-Unis et au Canada (sur un total de 167 millions dans le monde). A terme, Disney souhaite conquérir entre 60 et 90 millions d'abonnés d'ici fin septembre 2024, sans détailler d'objectifs d'abonnés par régions.

Offre pléthorique et renommée mondiale

Reste donc à transformer le coup d'essai en Europe. Avec plus de 500 films et 300 séries disponibles dès le lancement, l'offre pléthorique mise sur ses contenus historiques (Blanche Neige, Cendrillon...) aux univers Star Wars, Marvel ou encore Pixar. "La qualité extraordinaire du catalogue est une véritable force pour Disney+", commente Gilles Pezet, responsable du pôle économie des réseaux et des usages numériques chez NPA Conseil.

"Si le groupe a réussi à susciter beaucoup d'attente autour de son service, il faut faire attention à une potentielle déception. Beaucoup de contenus sont déjà connus. Pour continuer à attiser la curiosité, Disney+ devra donc accélérer sur la production de contenus exclusifs."

En vertu des nouvelles législations européennes, le groupe devra notamment compléter son catalogue avec des contenus produits localement, à l'instar de Netflix.

"Disney va profiter de la puissance de sa marque. Au box office mondial l'année dernière, 7 films du groupe se sont hissés dans le top 10 des films les plus vus au cinéma. Le groupe n'a donc pas besoin d'investir massivement en marketing pour se faire connaître", affirme l'expert. Selon une analyse de NPA Conseil, le groupe américain a dépensé 5 millions d'euros dans la publicité depuis le début du mois de février en France. Pour autant, il reste loin derrière le duo de tête du classement, détenu par Canal+ puis Amazon Prime Vidéo.

"Le lancement de Disney+ illustre un changement stratégique majeur pour le groupe, qui a la volonté d'en faire un des piliers durable de son activité. Jusqu'ici, Disney vendait des licences à des diffuseurs tiers pour exploiter ses œuvres. Désormais, le groupe veut s'adresser directement aux consommateurs et au grand public", explique Gilles Pezet.

Un partenariat de distribution exclusive avec Canal+ en France

Disney mise également sur un prix très agressif à partir de 6,99 euros par mois, dans l'espoir d'engranger rapidement un nombre d'abonnements très conséquents. A titre de comparaison, l'offre basique de chez Netflix démarre à 7,99 euros par mois quand AppleTV+ propose un abonnement certes moins onéreux, à moins de 5 euros mensuels, mais un catalogue extrêmement restreint.

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Pour s'imposer dans les foyers européens, Disney a noué des accords de distribution avec des partenaires locaux : TIM (Italie), l'opérateur Sky (Royaume-Uni), Telefonica (Espagne)... En France, Canal+ sera le distributeur exclusif. Dans l'Hexagone, les spectateurs auront donc deux possibilités pour s'abonner : souscrire en ligne via tablette, smartphone ou PC, directement sur la plateforme Disney+ ou bien, s'abonner via Canal+.

Un prolongement du confinement, «peut-être une opportunité»

L'incertitude demeure néanmoins quant à l'impact de la crise du coronavirus sur le lancement de Disney+. Alors que le confinement pourrait se poursuivre au-delà de mi-avril en France, "cela peut être une opportunité", estime Gilles Pezet. "Nous observons déjà que les audiences des chaînes télévisées et des services de SVoD sont en hausse."

A contrario, les pouvoirs publics appellent depuis le début du confinement les plateformes en ligne à ne pas engorger les réseaux pour permettre de les utiliser pour le télétravail notamment. Par exemple, Netflix engloutit à lui seul environ 25% de la bande-passante en France et 15% dans le monde en temps normal. Le géant a accepté de réduire les débits en Europe.