Mobile  : les tribulations de la loi « Huawei » se poursuivent

Le Sénat a adopté mercredi 26 juin, en première lecture, une proposition de loi destinée à sécuriser les futurs réseaux 5G. Voté en avril dernier à l’Assemblée nationale, ce texte vise aussi, sans le dire explicitement, à limiter l’influence de l’équipementier chinois Huawei. Mais d’importants désaccords restent à lever entre les députés et les sénateurs.
Pierre Manière
La 5G doit arriver en France dans le courant de l'année prochaine.
La 5G doit arriver en France dans le courant de l'année prochaine. (Crédits : Rafael Marchante)

La bataille législative se poursuit. Mercredi soir, le Sénat a adopté en première lecture la proposition de loi de La République en marche (LREM) destinée à sécuriser les réseaux mobiles avec l'arrivée, l'an prochain, de la 5G. Ce texte a été surnommé « loi Huawei » car il vise aussi, sans le dire de manière explicite, à limiter l'influence de l'équipementier chinois dans l'Hexagone. Ce dernier suscite la méfiance de nombreux services de renseignement en Europe et aux Etats-Unis. Washington soupçonne le groupe de Shenzhen d'espionnage pour le compte de Pékin, et mène un intense lobbying pour forcer l'Europe à le chasser, comme lui, du marché des réseaux 5G.

Reste que la proposition de loi votée par les sénateurs, qui donnera naissance à un nouveau régime d'autorisation préalable pour les équipements et logiciels de communication mobile, diffère de celle adoptée au mois d'avril par l'Assemblée nationale. Le Sénat convient qu'avec une technologie nouvelle comme la 5G, des mesures s'imposent pour protéger les réseaux, de plus en plus vitaux, et éviter des fuites de données. Toutefois, ils ont balayé certaines mesures, qu'ils estiment néfastes pour l'économie du secteur. Le Sénat a notamment supprimé une disposition permettant à l'exécutif d'interdire certains équipements en fonction de l'endroit où ils ont vocation à être installés. Comme La Tribune l'a indiqué en avril dernier, cette mesure fait hurler les opérateurs télécoms, notamment Orange et SFR, qui la jugent « anticoncurrentielle ».

Lire aussi : 5G : l'État veut privilégier une logique d'aménagement du territoire

Les sénateurs souhaitent aussi que le texte se limite à la 5G. A ce sujet, ils redoutent, tout comme les opérateurs, que le nouveau régime d'autorisation des équipements entrave les investissements dans les réseaux 3G et la 4G - et en particulier le déploiement du mobile dans les campagnes, dans les zones « blanches » et « grises », où le mobile ne passe toujours pas, ou très mal.

Pour lever ces désaccords, députés et sénateurs se retrouveront le 3 juillet prochain, lors d'une Commission mixte paritaire (CMP). Va-t-on assister à un bras de fer ? Interrogé à ce sujet, le sénateur Patrick Chaize (Les Républicains), fin connaisseur des sujets liés au numérique et aux télécoms, veut croire qu'un compromis émergera. « J'ai cru comprendre qu'au final, la ministre [Agnès Pannier-Runacher, en charge de l'industrie, Ndlr] était assez satisfaite du texte », affirme-t-il. Rapporteur de la proposition de loi, le député En Marche Eric Bothorel affirme que ses services ont encore besoin de temps pour analyser la portée du texte du Sénat. S'il souhaite aussi trouver un terrain d'entente, il prévient néanmoins qu'« un compromis, ça ne peut pas être 'à prendre ou à laisser' ».

Bercy n'est pas inquiet pour les enchères 5G

Du côté de Bercy, on souligne que le dialogue a été « très constructif » avec les parlementaires « même si tout n'a pas été accepté ». Le ministère a « bon espoir » de voir un consensus émerger, nous dit-on. Mais que se passera-t-il si ce n'est pas le cas ? Une telle situation ne risque-t-elle pas de retarder l'arrivée de la 5G en France ? Pour rappel, le calendrier est très serré : les enchères pour l'attribution des fréquences 5G sont prévues à l'automne. Or les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free clament légitimement qu'ils ont besoin de connaître les règles du jeu avant de sortir le chéquier. Interrogé à ce sujet, Bercy assure ne pas être inquiet, et promet qu'il n'y aura pas retard du processus d'enchères. Il faut dire que du mois de juillet au mois de septembre, le gouvernement pourra très bien, lors des sessions extraordinaires du Parlement, accélérer s'il le veut le passage du texte.

Les opérateurs, pour leur part, saluent sans surprise l'écrémage du Sénat. « Les évolutions votées hier soir vont dans le bon sens », écrit la Fédération française des télécoms (FFT), le lobby du secteur, dans un communiqué. Elle appelle à ce que ces « avancées » soient « confirmées » en CMP. La FFT « persiste à mettre en garde sur la mise en œuvre opérationnelle du nouveau dispositif, avec un risque potentiel de ralentissement des déploiements actuels », insiste l'organisation. Laquelle, à n'en point douter, va continuer à mettre la pression sur l'exécutif.

Lire aussi : La 5G, un casse-tête économique, politique et sécuritaire

Pierre Manière

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Commentaires 3
à écrit le 28/06/2019 à 15:24
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De toute façon, il y a sûrement moyen d'obtenir un équipement *open* comme pour les PC et y installer nos propres systèmes d'exploitation sous linux BlackBerry ou autres (parait que OS2 est de retour ) évidement pas des passoires comme Microsoft ou ...

à écrit le 28/06/2019 à 10:59
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Macron vante "sa" start-up nation mais ne gère rien, pas même son Administration (ENA, Banque, bref du pipeau). Une loi sur les autorisations permet juste aux politiques de faire semblant d'être utiles. Il faudrait faire un reverse engineering puces/...

à écrit le 28/06/2019 à 9:15
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C'est la force des américains, une de plus, ils prennent une décision et toutes les institutions privées et publiques suivent immédiatement leurs objectifs en UE on ne sait même plus ce qu'est qu'un objectif ayant totalement oublié à quoi servait un ...

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