Satellites télécoms : la concentration s'accélère

Le rachat du britannique Inmarsat par l'américain Viasat, ou l’intérêt de Patrick Drahi pour Eutelsat en témoignent : un mouvement de consolidation s’amorce dans les satellites télécoms. Ils constituent des solutions de choix pour desservir en très haut débit les territoires où la fibre ne sera pas déployée, ou pour l’Internet des objets. Explications.
Pierre Manière
Les satellites télécoms constituent notamment une alternative intéressante dans les territoires où la fibre est trop chère ou difficile à installer.
Les satellites télécoms constituent notamment une alternative intéressante dans les territoires où la fibre est trop chère ou difficile à installer. (Crédits : Eutelsat)

C'est l'heure des grandes manœuvres. Le marché des satellites télécoms a, semble-t-il, amorcé un mouvement de consolidation. Certains l'ont évoqué avec l'intérêt récent de Patrick Drahi, propriétaire d'Altice (SFR), pour l'opérateur européen Eutelsat. L'annonce, ce lundi, du rachat du britannique Inmarsat par l'américain Viasat confirme cette transformation du paysage. Cette offre comprend 850 millions de dollars en numéraire, et 46,36 millions d'actions Viasat, valorisées à 3,1 milliards. L'opérateur américain prendra aussi à sa charge les 3,4 milliards de dollars de dettes d'Inmarsat.

L'opération, qui sera bouclée au second trimestre 2022, permettra à Viasat de changer de dimension. Il aura alors la main sur une vaste flotte de 19 satellites géostationnaires. Sachant que dix autres doivent être lancés dans les trois prochaines années. Ces satellites ont la particularité de se trouver à environ 36.000 km d'altitude. Ils permettent de fournir des services télécoms à haut et très haut débit. Selon les chiffres du Financial Times, Viasat possède à ce jour 13% du marché des satellites, contre 7% pour Inmarsat. A eux deux, ils auront donc la main sur un cinquième des recettes de l'industrie.

« Un nouvel acteur mondial »

Ancien patron de Nokia et aujourd'hui PDG d'Inmarsat, Rajeev Suri s'est félicité de cette opération. « Ensemble, les deux entreprises créeront un nouvel acteur mondial ayant l'envergure et le périmètre nécessaires pour contribuer à façonner l'avenir d'un secteur dynamique et en pleine croissance », a-t-il affirmé dans un communiqué. Ce deal permettra certainement à Viasat de réduire ses coûts, comme c'est souvent le cas dans ce type d'opération. Cela devrait inciter ses concurrents à se rapprocher, au risque de ne plus disposer de la taille critique pour rester compétitif. Or aujourd'hui, le marché des satellites est particulièrement éclaté : on dénombre encore un cinquantaine d'acteurs à l'échelle mondiale.

Si les satellites télécoms aiguisent les appétits, c'est parce que la technologie a beaucoup évolué, et est devenue mature. C'est ce que souligne Sylvain Chevallier, associé chez BearingPoint, un cabinet spécialisé dans les télécoms. « Le satellite est utile pour apporter une connectivité à très haut débit dans certaines campagnes isolées, où l'on sait bien que la fibre ne sera jamais déployée pour des raisons de rentabilité, souligne-t-il. Il s'agit d'une technologie de substitution tout à fait pertinente. Ce n'était pas le cas il y a dix ans. »

L'arrivée des constellations de satellites

En outre, le satellite peut constituer un atout puissant pour l'Internet des objets (IoT), qui vise à connecter certains actifs partout à travers le monde. « On peut faire de l'IoT avec toutes sortes de technologies, comme les réseaux cellulaires traditionnels ou les réseaux spécialisés à bas débit comme Sigfox ou LoRa, précise Sylvain Chevallier. Mais il est difficile, avec celles-ci, d'offrir une vraie couverture mondiale. A commencer par celle des océans. Sur ce créneau, les constellations de satellites constituent des solutions de choix. » Ces constellations commencent à voir le jour. Elles sont composées de plusieurs centaines de satellites à orbite basse, et pourraient, à terme, offrir une couverture mondiale pour de nombreux usages, dont l'IoT et des connexions Internet à très haut débit.

Dans ce domaine, le britannique OneWeb, - où Eutelsat est entré au capital à hauteur de près de 18% -, a déjà lancé plus de 300 satellites, et espère atteindre les 650 d'ici à la fin 2022. De son côté, Elon Musk, le fondateur et patron de SpaceX, mise gros sur sa constellation Starlink. Il la présente comme « un bon complément à la fibre et à la 5G », en mesure de combler la fracture numérique. A ce jour, Starlink compte plus de 1.500 satellites, et espère couvrir, en août prochain, toutes les régions du globe, à l'exception des pôles.

Pierre Manière

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