
C'est l'histoire d'un petit village normand qui résiste encore et toujours à l'envahisseur américain. Bienvenue à Saint-Senier-en Beuvron, riante commune rurale de 350 habitants située à une petite vingtaine de kilomètres à vol d'oiseau de l'abbaye du Mont Saint-Michel, qui s'honore d'être classée en zone Natura 2000. Autre signe particulier : elle abrite un nœud de raccordement de la fibre géré par Covage.
C'est là, sur un terrain agricole privé, que Starlink a choisi d'implanter, avec l'aval de l'Arcep, l'un des quatre relais terrestres français qui recevront les signaux émis depuis l'espace et grâce auxquels la société d'Elon Musk espère séduire les orphelins du très haut débit. L'emplacement sur lequel les émissaires du milliardaire californien ont jeté leur dévolu devrait être occupé par cinq grosses sphères blanches d'environ trois mètres de haut sur cinq de large.
Fin de non recevoir
Problème, la commune ne l'entend pas de cette oreille. Saisi d'une demande de permis de construire, le conseil municipal a, pour l'instant, opposé une fin de non recevoir à Starlink malgré les promesses de retombées fiscales. Trop d'incertitudes, a justifié le maire, Benoît Hamard, devant les caméras France 3 Normandie. « Je ne signerai aucune autorisation sans études poussées sur les conséquences dans le sol et sur l'homme. Il y a trop de zones d'ombre », a-t-il-tranché.
Dans la baie du Mont Saint-Michel, l'affaire fait grand bruit. Elle a été portée sur la place publique par François Dufour, conseiller régional écologiste dont les enfants, agriculteurs, résident à Saint-Senier. L'impétrant est aussi vice-président de la très active ANAST, Association nationale des animaux sous tension : un « regroupement d'éleveurs victimes des rayonnements électromagnétiques, de tensions parasites ou de courants vagabonds ». Autant dire, qu'il est sensible à ces questions.
« Appliquer le principe de précaution »
L'intéressé se dit surpris des méthodes de l'entreprise américaine qu'il suspecte de « vouloir passer en force ». « Ils se sont adressés directement à notre petite commune sans même en informer l'agglomération, théoriquement compétente », s'insurge-t-il. A l'origine de ses réticences, les possibles effets des ondes électromagnétiques générées par l'installation. François Dufour invite donc les services de l'Etat à se saisir du dossier. « De plus en plus de gens sont électro-sensibles, la moindre des choses serait d'appliquer le principe de précaution », rappelle-t-il. La préfecture de la Manche, que nous avons joint, se borne à indiquer que "les services de l'État compétents ne pourront être sollicités que dans le cadre de la procédure d'instruction des documents d'urbanisme".
Une chose est sûre. De son côté, Starlink est pressé par le temps. Le groupe, engagé dans une course contre la montre avec son grand rival Amazon, vient d'ouvrir en France les pré-commandes de son service d'accès internet par satellite. En Normandie, il pourrait bien être tombé sur un os.
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