Scopelec, la chute d’une coopérative trop dépendante d’Orange

En grandes difficultés depuis plus d'un an, Scopelec va finalement être repris par son rival Circet. Cet important spécialiste du déploiement et de l’entretien des réseaux télécoms ne s’est jamais remis de la perte, fin 2021, de gros contrats avec Orange. Retour sur la descente aux enfers de la première SCOP de France.
Pierre Manière
Des employés de Scopelec lors d'une manifestation à Paris, en avril dernier.
Des employés de Scopelec lors d'une manifestation à Paris, en avril dernier. (Crédits : Reuters)

Pour les salariés de Scopelec, cette issue constitue une nouvelle gifle. Placé en redressement judiciaire fin septembre, cet important acteur du déploiement et de l'entretien des réseaux télécoms en France va finalement tomber dans l'escarcelle de son rival Circet. C'est ce qu'a finalement décidé, ce mercredi, le tribunal de commerce de Lyon. Les salariés de Scopelec, dont le siège se situe à Sorèze (Tarn), n'ont pas caché leur déception. Circet prévoit en effet de sauvegarder 1.049 employés sur les 2.300 que compte encore le premier groupe coopératif français. En face, les salariés défendaient une autre option de reprise via leur projet Newscope. Celui-ci aurait permis de préserver plus de 400 emplois supplémentaires. Mais le tribunal en a décidé autrement. Il a jugé le projet de Circet, qui appartient au fonds d'investissement britannique ICG, plus solide financièrement.

L'épilogue est douloureux. Il signe la fin de la descente aux enfers de Scopelec. Celle-ci a débuté à l'hiver 2021. Au mois de novembre, Orange, son principal donneur d'ordres, vient d'annoncer le résultat d'un nouvel appel d'offres concernant le déploiement et l'entretien de ses réseaux Internet fixe. Scopelec va y laisser des plumes. La première SCOP de France, qui compte alors 3.600 employés, perd 65% de ses contrats avec l'opérateur historique, soit 40% de son chiffre d'affaires, qui s'élevait, en 2021, à 475 millions d'euros.

Bras de fer entre Scopelec et Orange

Scopelec porte immédiatement l'affaire en justice. A ses yeux, les justifications apportées par Orange pour se passer de ses services ne sont pas recevables. L'opérateur historique, lui, souligne que si son sous-traitant a perdu une grosse partie de ses contrats, c'est en raison de la qualité de ses prestations, jugée insuffisantes. Cet épisode intervient alors que la filière télécoms de la sous-traitance, en charge du déploiement de la fibre, est largement pointée du doigt. Elle est tenue pour responsable des malfaçons qui pullulent sur les réseaux. Les opérateurs comme Orange, eux, sont aussi critiqués par les sous-traitants, qui estiment ne pas être suffisamment rémunérés pour leur travail.

Quoi qu'il en soit, un bras de fer débute, en ce début d'année 2022, entre Orange et Scopelec. La SCOP milite pour que l'opérateur participe au financement d'une inévitable restructuration. Orange, de son côté, juge que ce n'est pas à lui de payer pour les déboires de son sous-traitant. Les mois passent, et Scopelec voit déjà ses effectifs fondre. Au mois de mars, 700 employés ont déjà quitté l'entreprise, qui est placée en procédure de sauvegarde. Le mois suivant, sa direction annonce préparer un PSE de 800 emplois. L'affaire prend alors une tournure politique.

Le gouvernement appelé à la rescousse

Scopelec et ses salariés appellent le gouvernement à tordre le bras à Orange - dont l'Etat est le premier actionnaire à hauteur de 23% - pour arracher un accord et assurer la survie du groupe. Le 7 avril, soit trois jours avant le premier tour de la présidentielle, une importante manifestation est organisée à Paris, non loin du QG de campagne d'Emmanuel Macron. Mais les négociations, électriques, patinent... Tous les acteurs se rejettent la responsabilité. Chez Scopelec, la direction, à bout de nerfs, en vient à accuser Bercy de rouler pour Orange. Au ministère de l'Industrie, on déplore « une instrumentalisation du calendrier politique ».

Pendant l'été, chacun campe sur ses positions. Le tribunal de commerce de Lyon finit par placer Scopelec, plombé par une dette de 150 millions d'euros, en redressement judiciaire. L'objectif est désormais d'éviter la disparition de la société. Plusieurs entreprises se manifestent pour reprendre tout ou partie des actifs du groupe. Parmi elles, on trouve notamment deux rivaux de Scopelec dans les télécoms : Circet et Solutions 30. La direction de Scopelec n'a pas, toutefois, dit son dernier mot. Elle défend une offre, baptisée Newscope. Comme son nom l'indique, celle-ci veut relancer Scopelec sous la forme d'une nouvelle coopérative, le modèle qui a permis au groupe de se développer pendant près de 50 ans.

La déception de la région Occitanie

Le sort de Scopelec fait, de nouveau, l'objet d'une rude bataille. Comme La Tribune l'a indiqué le 7 décembre dernier, Orange prend alors parti pour une reprise de Scopelec par Solutions 30, Circet ou le groupe de services télécoms Foliateam. A ses yeux, le projet Newscope n'offre pas suffisamment de garanties financières. De quoi susciter l'ire des salariés de Scopelec, qui se fendent d'une lettre à Emmanuel Macron. Ils défendent leur projet. Le seul, arguent-ils, qui permette de garder Scopelec dans le giron français, alors que la préservation de la souveraineté économique de l'Hexagone est devenue une priorité politique. Mais cette dernière montée au créneau n'a pas convaincu le tribunal.

Présidente de la région Occitanie, la socialiste Carole Delga n'a pas caché sa déception. « Malgré mes demandes répétées, je regrette que l'Etat, actionnaire d'Orange, n'ait pas choisi de mettre toute sa force au service de Newscope », a-t-elle déploré, ce mercredi, dans un communiqué. La région fera, souligne-t-elle, son possible pour « accompagner les salariés dans leur parcours, leur reconversion », afin que personne ne se retrouve sur la touche.

Pierre Manière

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Commentaires 4
à écrit le 29/12/2022 à 21:24
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ils n'auraient pas eu besoin d'etre repris!!! c'est une scop, donc il aurait fallu demander aux actionnaires ( les salaries donc) de faire une augmentation de capital geante, ou chacun aurait pu decouvrir les joies de l'actionnaire en hypothequant sa...

le 30/12/2022 à 16:52
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Accord pas soucis avec mon fiancé Christophe Laporte 💜❤️ love çhristelle ❤️❤️

le 30/12/2022 à 16:53
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Accord pas soucis avec mon fiancé Christophe Laporte 💜❤️ love çhristelle ❤️❤️

à écrit le 29/12/2022 à 18:34
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Circet dont l'actionnaire majoritaire est un fond d'investissement américain : Advent International. L'étau se resserre sur la Tech francaise, qui dit "tagué" usa, dit loi d’extraterritorialité. Il est dommage que l'Europe ne puisse investir dans ...

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