Prendre ses distances avec le gouvernement … mais pas trop quand même. Tel va être l'objectif de la CFDT dans les mois à venir. La deuxième centrale syndicale française - derrière la CGT - tient son quarante huitième congrès cette semaine à Marseille. Du côté des dirigeants, aucune surprise n'est à attendre, Laurent Berger, 45 ans, qui a succédé à la tête de la CFDT à François Chérèque lors d'une Assemblée générale en novembre 2012, sera réélu à son poste.
C'est davantage sur le positionnement de la confédération, qui revendique 860.000 adhérents, que les débats vont porter entre les 2.500 délégués présents au congrès. Jusqu'ici, la CFDT a signé tous les accords interprofessionnels depuis que la majorité socialiste est arrivée au pouvoir en mai 2012, notamment les accords sur la « sécurisation » du marché du travail en janvier 2013 ou encore, dernièrement, celui sur le renouvellement de la convention d'assurance chômage.
La CFDT partenaire privilégié du gouvernement
En outre, la centrale de Laurent Berger a approuvé dans ses grandes lignes, la réforme des retraites du gouvernement Ayrault de l'automne 2013. Plus récemment, la CFDT a approuvé le principe du pacte de responsabilité, tout en demandant des contreparties en termes d'emplois. Enfin, il n'est pas exagéré de dire que la CFDT a largement contribué à la défaite de Nicolas Sarkozy au printemps 2012.
Indéniablement donc, la CFDT - qui fête ses 50 ans cette année - s'affirme comme le partenaire privilégié de la majorité en place. Celle-ci allant même jusqu'à défendre des idées émises par la centrale : les droits rechargeables pour les demandeurs d'emploi indemnisés, notamment. Et que dire quand Edouard Martin, l'ancien charismatique délégué syndical CFDT de Florange... devient le candidat PS aux européennes. Une véritable lune de miel qui a eu le don d'énerver les autres syndicats français. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, a ainsi à maintes reprises parlé du "syndicat officiel" en évoquant la CFDT. Et Thierry Lepaon, le leader de la CGT, a toujours échoué dans sa politique de la main tendue vers Laurent Berger.
Laurent Berger cherche à prendre quelques distances
Mais après les déroutes de la majorité socialiste aux élections municipales et européennes, Laurent Berger sent le danger pour son syndicat. Pas question pour lui d'être associé à un pouvoir qui n'arrive pas à convaincre. L'heure est à la prise de distance. D'autant plus que le secrétaire général a parfaitement en tête le précédent de 2003. Cette année là, son prédécesseur François Chérèque avait été très critiqué - y compris en interne - pour avoir apporté son soutien à la réforme des retraites de François Fillon. Des dizaines de milliers de militants avaient alors quitté la CFDT. Pas question de revivre un tel épisode.
Aussi, Laurent Berger commence à faire entendre une petite musique un peu différente. Il a ainsi taclé le gouvernement en expliquant le succès du Front National aux élections européennes par le "manque de visibilité des résultats" sur le front de l'emploi et des inégalités. Et, dimanche, dans un entretien au Journal du Dimanche, il a demandé au gouvernement de ne pas accorder aux entreprises les allègements prévus par le pacte de responsabilité si le patronat n'avance pas sur les "contreparties" à apporter à ces aides :
"si rien n'a bougé avant la conférence sociale [les 7 et 8 juillet], j'en tirerai les conclusions et je demanderai au gouvernement de revenir sur sa politique de soutien aux entreprises…. Le patronat fait de la surenchère. Il explique semaine après semaine ce qu'il faut faire pour sauver l'économie et les emplois et quand on lui dégage des marges financières, il demande encore autre chose et se comporte en lobbyiste".
Des doutes sur le bienfondé du gel des seuils sociaux
Le secrétaire général de la CFDT a aussi exprimé ses doutes sur le bienfondé de l'annonce du ministre du Travail, François Rebsamen, de vouloir expérimenter un "gel" des seuils sociaux durant trois ans. Si la CFDT n'a pas toujours été sur la même ligne que le gouvernement, notamment quand il a été décidé de geler la revalorisation des prestation sociales jusqu'à l'automne 2015, c'est tout de même la première fois que Laurent Berger se montre aussi pugnace.
Certes, c'est de bonne guerre avant l'ouverture d'un congrès où il convient de "rassurer" les militants. Mais cela signifie aussi que la CFDT va sans doute être moins conciliante à l'avenir, notamment s'agissant de sa signature en bas d'accords. Pour autant, on ne voit pas non plus la CFDT rejoindre le camp des syndicats "durs". Le réformisme étant la raison d'être de la CFDT.