« Au revoir » ! Avec Valéry Giscard d'Estaing, la mort d'un "modernisateur"

Président de la République de 1974 à 1981, Valéry Giscard d'Estaing est décédé à 94 ans, des suites du Covid-19, après avoir été hospitalisé à Tours le 17 novembre dernier pour «une insuffisance cardiaque». Bilan du legs de celui qu'on avait appelé le "Kennedy" français.
Philippe Mabille
(Crédits : BENOIT TESSIER)

L'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing est mort ce mercredi soir à l'âge de 94 ans, «entouré de sa famille» dans sa propriété d'Authon dans le Loir-et-Cher. L'ancien chef de l'Etat avait été hospitalisé dans «le service de cardiologie» de l'hôpital de Tours le 17 novembre pour une « insuffisance cardiaque », avait indiqué son entourage qui a annoncé son décès ce mercredi soir en précisant qu'il s'était éteint "des suites du Covid-19". En septembre, il avait déjà été hospitalisé à l'hôpital Georges Pompidou, à Paris, pour «une légère infection aux poumons».

Valéry Giscard d'Estaing avait fait l'une de ses dernières apparitions publiques le 30 septembre 2019 lors des obsèques à Paris de Jacques Chirac, qui fut son Premier ministre de 1974 à 1976 et son principal adversaire à droite.

Entré à l'Elysée à 48 ans, battant sur le fil François Mitterrand d'une flèche assassine ("vous n'avez pas le monopole du coeur, Mr Mitterrand"), le plus jeune président de la Vème République ("Giscazrd à la barre" scandaient ses partisans), assimilé à un "Kennedy" français, a dirigé la France de 1974 à 1981 en imposant un style radicalement nouveau, qui en fait l'inventeur de la communication politique moderne. Pédagogue, il veut informer et convaincre en lançant chaque mois ses "conversations au coin du feu" au coeur des foyers des Français les plus modestes.

L'enterrement des 30-Glorieuses

Valéry Giscard d'Estaing a incarné l'entrée dans la modernité d'une France qui doit s'adapter à marche forcée à un nouveau monde marqué par l'instabilité monétaire, deux chocs pétroliers et l'apparition du "chômage de masse". Il lui revient d'enterrer les Trente-Glorieuses au sortir de mai-68, et l'un des actes sociétaux les plus marquants de sa présidence est la loi portée par Simone Veil sur l'autorisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Mais les plus jeunes ont sans doute oublié qu'on lui doit aussi le droit de vote à 18 ans, les oppositions politiques la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel et les femmes de nouveaux droits avec le secrétariat d'état à la condition féminine confié à Françoise Giroud. De VGE date aussi le divorce par consentement mutuel qui a changé la vie de millions de familles. Dans l'économie, il a légué la création du G7, la défense de l'indépendance énergétique de la France avec la construction des centrales nucléaires (malgré l'échec de super Phénix, le nucléaire de seconde génération), et le lancement du TGV. Mais il ne parvint pas à stabiliser l'inflation née de la flambée du pétrole ni à juguler le chômage qui atteint les 2 millions à son départ. Il est aussi le président du regroupement familial pour laisser se réunir les familles de travailleurs immigrés  celui qui généralisa la Sécurité sociale.

Deux Français sur trois

Premier non-gaulliste à s'emparer de l'Élysée, symbole de la continuité de la Vème République, élu après le décès brutal de Georges Pompidou en milieu de mandat, Giscard était le candidat d'un centre-droit libéral et démocrate-chrétien qui a bâti l'Europe d'après-guerre et en cela une sorte de précurseur du "en-même-temps" macroniste, avec son livre "Deux Français sur trois". Le duo Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt, le chancelier allemand, incarne une Europe de la paix en devenir grâce à un couple franco-allemand devenu incontournable.

Polytechnicien et énarque, issu d'une grande famille bourgeoise, VGE a bâti sa carrière rue de Rivoli comme grand argentier du Général de Gaulle, occupant de 9159 à 1966 le prestigieux et tout puissant ministère de l'Économie et des Finances. Battu le 10 mai 1981 par François Mitterrand, Giscard a sans doute retardé l'arrivée au pouvoir de la gauche qui a failli lui imposer une première cohabitation en 1978. Trahi par Jacques Chirac, qui fracturera la droite en créant le RPR opposé à son parti l'UDF, et n'appellera pas à voté pour lui eni 81, et miné par l'affaire "des diamants de Bokassa", VGE quitta l'Elysée sur un « au revoir » plein d'élégance un peu désuette, resté dans les annales de la télévision.

L'auvergnat européen

Il tentera de rester dans la course de son fief de Chamalières, où il se fit élire député du Puy-de-Dôme puis président de la région Auvergne dont il porta le projet de parc volcanique Vulcania. Mais il ne parviendra jamais à crédibiliser son retour par la grande porte et sera battu aussi dans sa région. Il en garda une certaine amertume et une sorte de déception affective, constatant que les Français eux avaient tourné la page Giscard.

Ce grand européen porta à la demande de son grand rival devenu président Jacques Chirac la Convention pour l'Europe, chargée de rédiger une constitution européenne, qui sera rejetée par référendum en 2005, à son grand dam. Économiste brillant, auteur de plusieurs romans dont "La princesse et le président" ou d'essais politiques, il a été élu en 2003 à l'Académie française. Dans son dernier livre, "Loin du bruit du monde" (XO), il met en scène un homme qui décide un jour de disparaître et de se réfugier en Afrique. L'éternelle histoire d'un échec impossible à surmonter, l'histoire et le destin d'un homme à l'intelligence exceptionnelle mais qui ne sut jamais tourner la page.

Philippe Mabille
Commentaires 32
à écrit le 04/12/2020 à 16:58
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il a aussi organise , pour le regretter apres,le regroupement familiale qui va rapidement nous conduire à une guerre de religions en France

à écrit le 04/12/2020 à 9:56
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bilan le passif est bien plus grave que l'actif la france a plus perdu que gagne bien sur pas pour la tres haute finance et bien sur agrave a puissance 10 par les socialistes

à écrit le 04/12/2020 à 9:26
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Pourquoi ce président si talentueux, si dynamique, tellement capable de rebondir, n'a t-il pas refusé de bénéficier d'une pension de retraite qui a coûté un pognon de dingue aux francais ? Qui sont les assistés dans ce pays ? Qu'est ce que le méri...

à écrit le 04/12/2020 à 7:36
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Giscard modernisateur, certes ... mais pour en arriver là, dictature libérale mondialisée, financiarisation de l'économie et d'a peu près tout, franchement ??

à écrit le 04/12/2020 à 2:46
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Jean-louis Bourlange ecrit dans Slate un exellent miroir politique des annees Giscard. L'arrivee du chomage de masse, la monnaie et son inflation. Un ministre de finance Barre a droite toute a fini d'achever les illusions de ce bourgeois. C'est pr...

à écrit le 03/12/2020 à 23:33
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On le connais ici en Bulgarie tres bien.Il etait ici pendant le regime de communisme.Grand français et vrai français aussi ils sont po nombreux dans nos jours

à écrit le 03/12/2020 à 19:36
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Comme l'explique la démographe Michèle Tribalat, en 2017, 17,6 % des jeunes en France métropolitaine étaient d’origine extra-européenne, contre 11% en 1995, moins de 8% en 1982 et 5% en 1975.

à écrit le 03/12/2020 à 18:45
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L'homme qui a mis la France en banqueroute avec la programme toute nucleaire - un nombre non-vraisemblable des centrales. Le cout est toujours un "secret d'Etat". Il ne faut que lire "Confessions of an Economic Hitman" pour comprendre que la programm...

à écrit le 03/12/2020 à 15:44
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La French-American Foundation rend bien sûr un vibrant hommage à Giscard, co-créateur avec Gerald Ford en 1976 des Young leaders de la FAF, parmi lesquels s' illustrent les illustres serviteurs de l' Empire que sont Juppé, Minc, Hollande, Macron, Phi...

à écrit le 03/12/2020 à 15:06
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La raison pour laquelle VGE a été un grand Européen, c'est que la première personne qu'il a rencontré en venant au monde à Koblenz, le 26/2/1926, était ma tante Allemande, Maria Baumann ! Elle était Diaconesse ( religieuse Protestante-Luthérienne ),...

le 03/12/2020 à 17:43
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Très bel et émouvant hommage à Valéry Giscard d'Estaing. Merci.

à écrit le 03/12/2020 à 13:30
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Pour Giscard, "l'Europe est un projet qui arrête la décadence". Mais les faits prouvent exactement l'inverse ! Plus on "construit l'Europe" et plus on détruit les civilisations européennes -dont la France- par la loi du fric, la violence et l'unifor...

à écrit le 03/12/2020 à 13:12
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Création complexe sidérurgie fos sur mer Fermeture usinor denain avec une nuit d eute qui a faillit se terminer dans le sang pour les metalo Programmation de la mort de siderurgie loraine

à écrit le 03/12/2020 à 12:09
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Déjà dès son arrivé au pouvoir en 1974, en juin et juillet, en deux étapes fondamentales, de la « Déclaration sur les relations atlantiques » aux « accords Valentin-Ferber », Giscard plaçait, la force nucléaire puis la 1ère Armée, sous la coupe de l'...

à écrit le 03/12/2020 à 11:22
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Il aurait su que les remontées mécaniques étaient fermées cet hiver, il aurait était choqué d'une telle décision.

à écrit le 03/12/2020 à 10:58
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Giscard est certainement le dernier président d'envergure. Mitterrand était machiavélique , les suivants sans intérêt. Le dernier en poste , gesticule médiatiquement parlant mais son manque de maturité l'empêche de prendre la mesure des évènements. ...

à écrit le 03/12/2020 à 10:43
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Un brave serviteur de la finance qui s'ignorait! Sous couvert d'unir les peuples, il a uniformiser un marché pour les multinationales!

à écrit le 03/12/2020 à 10:34
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Ce fut une époque intéressante, hélas pour le coté face notons les effets pervers du regroupement familial toujours d'actualité. Hélas il était dans son monde comme le montre les affaires Bokassa et les diamants.

à écrit le 03/12/2020 à 10:26
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Avec le recul, on se rend compte que le regroupement familial fut une erreur. Dans le contexte social de l'époque il était difficile de faire autrement. Le premier "travail" des politiques c'est d'avoir une vision de long terme, une qualité que globa...

à écrit le 03/12/2020 à 10:16
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Merci pour cette jolie biographie, qui oublie pourtant un truc important : VGE a combattu en 1944-45, et a eu la croix de guerre pour ça. Bref : il s'est fait tirer dessus, et il a risqué sa peau pour son pays.

le 03/12/2020 à 19:24
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En entrant en Allemagne sur son char de la 1° Armée-de Lattre, il aurait dit : Je viens libérer ma terre natale des Nazis ! En Allemagne, il est sur la liste des hommes d'Etat Européens nés dans la Rhénanie-Palatinat.

à écrit le 03/12/2020 à 10:07
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"Il est aussi le président du regroupement familial pour laisser se réunir les familles de travailleurs immigrés" Tiens, contrairement au bilan que fait la TV sur lui ce matin, pas un mot sur ce sujet ,qui pourtant a des conséquences importantes s...

à écrit le 03/12/2020 à 9:12
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il a aussi coute tres cher A LA FRANCE avec les privileges exorbitants des anciens President

le 03/12/2020 à 10:13
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Valéry Giscard d'Estaing est évidemment celui qui a le plus coûté à l’État en cumul, puisqu'il a été élu en 1974 et perçoit sa pension d'ancien président depuis 1981. Il occupe notamment depuis plus de trente ans "de splendides locaux" boulevard Sain...

à écrit le 03/12/2020 à 8:53
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Après la disparition de VGE il ne reste plus en France que 3 présidents encore en vie, les 3 derniers et les plus mauvais : Nicolas SARKOZY, 65 ans, dont l’image s’est sérieusement ternie suite aux révélations de différentes affaires, François HOLLAN...

le 03/12/2020 à 11:20
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Vous êtes vraiment gentil quand vous dites qu'il "a désorganisé et bloqué la vie politique française". La vérité est plutôt qu'il a confisqué le débat démocratique, pulvérisé la vie politique française pour mettre en place un régime de type dictato...

à écrit le 03/12/2020 à 8:35
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Il aura couté cher en retraite !

à écrit le 03/12/2020 à 7:29
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Giscard nous a amené Chirac et Mitterrand, le regroupement familial, le déficit budgétaire et l'endettement, un taux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés en Europe...

le 03/12/2020 à 10:42
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Quand VGE a quitté le pouvoir la dette était très basse et le budget était en équilibre. C'est avec Mitterrand que la dette et les déficits ont commencé.

le 03/12/2020 à 10:43
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Quand VGE a quitté le pouvoir la dette était très basse et le budget était en équilibre. C'est avec Mitterrand que la dette et les déficits ont commencé.

le 04/12/2020 à 9:11
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@marc469 : depuis 1974 aucun budget de l'Etat n'a plus été voté en équilibre. Le dernier l'a été sous Pompidou.

à écrit le 03/12/2020 à 2:57
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Giscard est mort de vieillesse à 94 suite à une insuffisance cardiaque, arrêtez votre cirque au moins une fois dans votre carrière de journaliste. Qu'on s'amuse à le tester et qu'on découvre comme 90% et à 50 cycles qu'il a eu une grippe y a 10 ans ...

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