LA TRIBUNE- Dans votre dernier classement des patrons des entreprises publiques ou gravitant dans la sphère publique le trio de tête est composé de Luc Rémont, PDG d'EDF, de Guillaume Faury, président exécutif d'Airbus, et de Ben Smith, directeur général d'Air France-KLM. Que traduit ce top 3 ?
VINCENT DE LA VAISSIÈRE- C'est le reflet d'une France qui gagne ; c'est la traduction d'un pays qui a pris le chemin de sa réindustrialisation avec le souci de remonter en compétences (EDF), en cadence (Airbus) et en gamme (Air-France-KLM). Il s'agit de trois capitaines d'industrie issus du privé, de trois spécialistes de leur secteur, de trois dirigeants obsédés par l'efficacité industrielle, de trois patrons soucieux de mobiliser leur filière (PME et TPE) et d'embarquer leur corps social grâce à un dialogue de qualité. Luc Rémont, Guillaume Faury et Ben Smith reviennent de très loin car ils ont, tous les trois, connu des vents de face monstrueux : des avions cloués au sol et un parc nucléaire à moitié à l'arrêt. A l'épreuve du feu, ils ont affiché leur solidité, su prendre les bonnes décisions afin de préserver l'outil industriel et les savoir-faire. Ils ont mangé leur pain noir et leurs planètes sont désormais alignées car ce sont trois patrons de remontada industrielle. Une dernière commune caractéristique sur le plan de leur communication : ce sont des faiseux et des taiseux ; leur parole est rare et leur sobriété toute médiatique.
Vincent de la Vaissière, président de l'agence VcomV
Concernant les trois suivants, on trouve Eric Trappier, Patrice Caine et Eric Pommelet. Qu'en concluez-vous ?
C'est le signe d'une économie de guerre et la conséquence d'un contexte géopolitique où on n'aura jamais autant parlé de souveraineté militaire. C'est le résultat d'un tiercé gagnant, celui de la galaxie Dassault, car le Rafale se vend comme des petits pains, nos sous-marins (de Naval Group) ne dépendent plus des seules commandes de la marine nationale, ils trouvent acquéreur aux Pays-Bas (Barracuda) ou en Indonésie (Scorpène) et bientôt aux Philippines ? Quant à Thales, c'est une entreprise qui est devenue une pépite technologique grâce aux compétences acquises tant en Cybersécurité qu'en Intelligence artificielle.
Ce classement n'est-il pas un hasard ?
C'est tout sauf l'effet du hasard. C'est un symbole fort d'une France souveraine qui reprend des couleurs.
Ce classement met à l'honneur des entreprises d'aéronautique ou de transport aérien, de défense, et d'énergie, notamment nucléaire. Autrement dit, l'avion, les armes, le nucléaire, des thèmes qui n'étaient pas en odeur de sainteté ces dernières années dans l'opinion et dans certaines rédactions. Comment expliquez-vous ce revirement ?
Nécessité fait loi. Le Covid et la guerre en Ukraine sont passés par là. C'est la fin du Nucléaire honteux pour sauvegarder notre souveraineté énergétique. C'est la prise de conscience d'un environnement géopolitique qui a basculé dans le fragile et l'incertain aux portes de l'Europe. C'est le thème de l'avion décarboné qui fait florès et qui commande de faire les bons choix technologiques et commerciaux, des choix qui vont engager à très long terme.