[Article publié le jeudi 2 mai 2024 à 8h28, mis à jour à 11h08] Le rendez-vous est donné à 10h à l'Élysée pour la « réunion de travail » entre Emmanuel Macron et les représentants du monde agricole. Une rencontre prévue de longue date et mainte fois repoussée : elle avait d'abord été promise par le chef de l'État trois semaines après son inauguration - sous les huées - du Salon de l'agriculture, fin février, en pleine crise agricole.
Ni le format du rendez-vous, ni la liste des invités n'ont été précisés par les services du président de la République. Outre les syndicats agricoles (alliance FNSEA-Jeunes agriculteurs, Coordination rurale, Confédération paysanne, Modef), la Coopération agricole - qui représente les intérêts des coopératives françaises - et plusieurs interprofessions (porc, volaille, céréales, vin, fruits et légumes) ont confirmé à l'AFP avoir été conviées.
Clore le chapitre de la crise
L'exécutif et la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, ne cachent pas leur espoir de clore le chapitre de cette crise, qui a éclaté avec un blocage d'une portion de l'autoroute A64 mi-janvier en Haute-Garonne et s'est étendue à l'ensemble du territoire autour d'une multitude de doléances (normes, revenu, considération du métier...).
Ces manifestations ont poussé le gouvernement à prendre 70 engagements au total (fonds d'urgence, simplifications, « pause » dans l'élaboration du plan de réduction de l'usage des pesticides, allègement de charges sur l'emploi de travailleurs saisonniers...). Les plus récents datent de samedi dernier, quand le Premier ministre Gabriel Attal a notamment assuré que la prise en compte des 25 meilleures années dans le calcul de la retraite des agriculteurs serait effective en 2026.
« On s'était engagés. Un accord a été conclu. On acte la fin », a commenté une source dans l'entourage d'Emmanuel Macron.
Coût pour les finances publiques de toutes ces annonces : « entre 500 et 600 millions d'euros », selon le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.
Un président attendu au tournant
Les syndicats majoritaires FNSEA et JA attendent du président une prise de parole faisant écho à son discours de Rungis de 2017, qui fait figure d'épouvantail pour une grande partie du monde agricole. À cette époque, le chef de l'État, nouvellement élu, avait secoué les filières en prônant une production alimentaire plus qualitative, plus durable, et théoriquement plus rémunératrice pour les agriculteurs. Une stratégie percutée par l'inflation et la résistance du secteur.
« Il faut qu'il reprenne la parole pour redonner sa vision pour l'avenir du monde agricole, qu'il nous dise comment il voit la ferme France dans 10, 20, 30 ans, comment il la place dans l'agriculture européenne », a expliqué à l'AFP le président des JA, Arnaud Gaillot.
La Coordination rurale, deuxième syndicat représentatif, attend elle aussi Emmanuel Macron au tournant. « J'espère que le président a autre chose à nous dire que "Le gouvernement a fait tout ce qu'il pouvait pour nous". Ce ne serait pas entendable », a déclaré à l'AFP sa présidente, Véronique Le Floc'h.
Du côté de la FNSEA, le président du syndicat, Arnaud Rousseau, a indiqué, ce jeudi sur TF1, qu'il porterait comme message au chef de l'État que « la clé de la fin de ce conflit, c'est lui qui la détient ». Et si les annonces de l'exécutif ne se déclinent pas « très concrètement » dans « les 4 à 5 mois qui viennent », la mobilisation pourrait reprendre « au terme de l'automne, une fois qu'on aura fini nos travaux » des champs, a-t-il prévenu.
La mobilisation est d'ailleurs toujours en cours. La Coordination rurale continue d'organiser des manifestations locales, avec notamment des bâchages de radars de vitesse et des slogans comme « Pas d'argent pour les agriculteurs, pas d'argent pour l'État ».
« Ce qui s'est passé ce week-end [avec les annonces de Gabriel Attal] ou ce qui se dira jeudi (ndlr : aujourd'hui) ne permettra de clore cette séquence et de dire que tout est réglé pour les paysannes et paysans. On s'organisera » pour continuer la mobilisation, appuie la porte-parole de la Confédération paysanne, Laurence Marandola.
Un projet de loi en cours d'examen
Cette réunion entre Emmanuel Macron et les représentants du monde agricole intervient en tout cas alors que l'Assemblée nationale a commencé à examiner, en début de semaine en commission, un projet de loi d'orientation agricole. Ce sera d'ailleurs une façon pour le président de la République de promouvoir ce texte qui ne fait pas consensus.
Cette future loi, réponse de l'État à la colère paysanne, est censée rassurer les générations à venir d'agriculteurs. Le texte a été remanié justement suite à la crise et se veut très éclectique puisqu'il mêle des mesures sur la formation, les transmissions d'exploitations, les haies mais aussi l' « accélération des contentieux » en cas de recours contre des projets de stockage d'eau ou de construction de bâtiments d'élevage. Les députés ont démarré mardi par l'examen de l'article 1, un des articles-clés, qui doit consacrer « l'agriculture, la pêche et l'aquaculture » comme étant « d'intérêt général majeur ». En commission, ils ont précisé que c'était la « protection, la valorisation et le développement » de ces pratiques qui étaient visés, et ont ajouté le « pastoralisme » à la liste. Un autre article va faire longuement débat. Il permet de créer des « groupements fonciers » qui vont lever de l'argent auprès d'investisseurs pour acheter des terres agricoles, et les louer ensuite à des nouveaux agriculteurs.
Les débats s'annoncent en tout cas long compte tenu des désaccords entre les partis sur ce projet de loi. Et du fait des 2.200 amendements qui ont été déposés. Ils doivent durer jusqu'à ce week-end en commission. Le texte devrait ensuite arriver dans l'hémicycle de l'Assemblée le 14 mai, pour un vote solennel le 28 mai.
(Avec AFP)