Environ 45 milliards pour soutenir les secteurs les plus fragilisés alors que la récession s'annonce terrible avec une chute du PIB de 11%: le gouvernement a présenté mercredi en conseil des ministres un nouveau budget de crise. Il s'agit du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) élaboré depuis le début de la crise, du jamais vu. "La gravité de cette récession appelle une réponse massive, et c'est cette réponse massive, immédiate et efficace que nous avons apportée", a affirmé le ministre de l'Economie Bruno Le Maire à l'issue du conseil des ministres.
20% de la richesse nationale
"L'ensemble des sommes qui sont consacrées à cette réponse à la crise économique représentent, avec ce PLFR 3, 460 milliards d'euros, c'est 20% de la richesse nationale française", a-t-il ajouté. Ce projet de budget se concentre essentiellement sur les plans de soutien aux secteurs les plus menacés. Il inclut les 18 milliards d'euros du plan au secteur du tourisme, l'un des plus affectés par le confinement, les 8 milliards d'euros du plan pour l'automobile, les 600 millions pour la French Tech, ou encore les 15 milliards d'euros de soutien au secteur de l'aéronautique et les aides au secteur du livre. S'y ajouteront des mesures en faveur du petit commerce et du bâtiment.
Pour ce dernier secteur, le gouvernement envisage notamment de compenser les surcoûts engendrés par les mesures sanitaires sur les chantiers.
Alors que se profilent "une vague de faillites" et des "centaines de milliers" de pertes d'emplois, selon Bruno Le Maire, le gouvernement va renforcer d'environ 5 milliards d'euros le dispositif de chômage partiel et débloquer 1 milliard pour élargir les aides aux entreprises qui embauchent un apprenti.
"Nous voulons (...) protéger les emplois et accélérer la transformation de secteurs industriels français", a assuré le ministre de l'Economie. Avec la reprise de l'activité qui se profile, le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a, lui, appelé dans un entretien aux Echos à accélérer le déconfinement et à "réviser les protocoles sanitaires s'appliquant en entreprise".
Aides exceptionnelles pour les jeunes précaires
Première ouverture en ce sens: Matignon a annoncé mardi soir son souhait de mettre fin au 10 juillet à l'état d'urgence sanitaire. Même si à Bercy on défend une politique de soutien à "l'offre", le budget intégrera aussi des aides exceptionnelles directes pour les 800.000 jeunes précaires de moins de 25 ans et les ménages les plus modestes. Enfin, il entérine un soutien de 4,5 milliards d'euros de l'Etat pour les collectivités, au moment où leurs recettes fondent avec la crise.
Au total toutefois, les dépenses budgétaires directes supplémentaires ne représenteront que 13 milliards d'euros, le reste étant des mesures de trésorerie (reports de charges, prêts garantis, etc.). Certains secteurs s'estiment oubliés, comme l'agriculture ou les transports publics. L'ONG environnementale Greenpeace regrette elle qu'à côté des plans pour l'automobile ou l'aérien, il y ait "toujours zéro pour la relance du ferroviaire".
Le Haut conseil pour les finances publiques sonne l'alarme
Le Haut conseil pour les finances publiques (HCFP) s'inquiète que le gouvernement ait pu sous-évaluer les dépenses prévues pour faire face à la crise, et à l'inverse minimiser la perte de recettes attendues, dans son avis sur le troisième projet de budget rectifié pour 2020.
"Toutes les mesures de soutien de l'activité annoncées par le gouvernement, notamment certains plans sectoriels de relance, n'ont pas été traduites" dans ce projet de loi de finances rectificative (PLFR), écrit notamment le Haut conseil dans son avis publié mercredi au moment où le gouvernement présente son projet de budget rectifié en conseil des ministres.
Par ailleurs, "une partie des mesures présentées comme des mesures de trésorerie pourrait finalement avoir un impact sur le déficit dès cette année", note-t-il. Or le gouvernement prévoit déjà que la dépense publique atteindrait 63,6% du PIB cette année, "un niveau jamais atteint au cours de ces 70 dernières années", souligne le HCFP.
Côté recettes, le Haut conseil note que des "aléas négatifs" entourent la prévision du gouvernement d'une baisse de 27 milliards des rentrées issues des prélèvements obligatoires.
En particulier, le gouvernement n'a pas révisé celles provenant de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux.
De même, le gouvernement "fait l'hypothèse forte que les reports de quelques mois d'échéances fiscales et sociales ne donneront pas lieu à des abandons de créances significatifs en 2020, alors même que de nombreuses entreprises concernées par ces reports seront fragilisées par la chute de leur activité du fait de la crise sanitaire", prévient le HCFP.
Déjà à plusieurs reprises inquiet de l'état des finances publiques, l'instance alerte enfin une nouvelle fois sur le fait que la dette, qui devrait gonfler à 120,9% du PIB selon le gouvernement, "fragilise la soutenabilité à moyen terme des finances publiques de la France et appelle une vigilance particulière". En revanche, il apparait un peu plus optimiste que le gouvernement sur l'ampleur de la récession, attendue à -11% par le gouvernement.
Il juge "prudente" cette prévision, estimant que le taux d'épargne des ménages "pourrait être inférieur au niveau exceptionnellement élevé prévu par le gouvernement pour 2020 (23,2 % contre 14,9 % en 2019), et donc la consommation plus élevée". De même il juge que "l'emploi pourrait être un peu plus élevé que prévu par le gouvernement", qui table sur 1,2 million d'emplois perdus en fin d'année.