Plongeon ou rebond : les huit risques pour 2021 selon le Cercle des économistes

Alors que le monde craint une troisième vague de l'épidémie, le Cercle des économistes a identifié les principaux risques pour la reprise espérée en 2021. Ils alertent sur les conséquences économiques, politiques et sociales d'une crise sanitaire qui s'installe dans la durée.
Face à une longue listes de défis à relever, 2021 ne sera probablement pas l'année du rebond tant espéré.
Face à une longue listes de défis à relever, 2021 ne sera probablement pas l'année du rebond tant espéré. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

2021, plongeon ou rebond ? Dans un débat sur les perspectives économiques en cette deuxième année de pandémie mondiale, alors que la troisième vague pointe son nez, les experts du Cercle des économistes ont tenté de mesurer ce jeudi 21 janvier les principaux risques qui pourraient contrer la reprise... Alors que lors de ses voeux à la presse, le ministre de l'économie et des finances a estimé que "le plus difficile est devant nous", que les conséquences sociales de la crise sanitaire se font cruellement sentir dans les secteurs fermés comme l'hôtellerie-restauration, le tourisme ou l'événementiel, et que les plans sociaux commencent à se multiplier, le Cercle des économistes a identifié 8 dangers qui planent.

1. Le coût économique du retard dans la vaccination

Le message de Patrick Artus, directeur de la Recherche et des Études de Natixis, est clair : avec l'arrivée simultanée des nouveaux variants, la lenteur de la vaccination et de probables reconfinements avant l'été, la France ne retrouvera pas un niveau de croissance de 2% ou 3% du PIB avant deux ans. A Bercy pourtant, on continue de tabler sur une croissance de 6% cette année.

Dans un tel scénario, la hausse continue de l'endettement des entreprises, qui atteint déjà 200 milliards d'euros, impacterait fortement leur capacité à rembourser ces dettes ou à les transformer en fonds propres. Mécaniquement, la dégradation des bilans entrainerait une baisse de l'investissement et donc de la croissance. Par ailleurs, il y a un risque que la déformation sectorielle causée par l'hétérogénéité de la crise s'intensifie : les disparités entre les salariés touchés par la pandémie et les autres s'accentueront sur le marché du travail.

Le maintien durable des restrictions sanitaires pourrait aussi avoir un impact social : si elle décide de poursuivre ses programmes de rachats de titres, la politique monétaire expansionniste de la BCE accélérerait la valorisation des actifs et les inégalités patrimoniales en même temps. En clair, les taux négatifs fabriquent de l'inégalité.

Lire aussi : Au menu des 27 ce soir, accélérer la vaccination dans l'UE, riposter aux variants...

2. L'accélération des tensions migratoires

En 2020, la généralisation du travail à distance et la réduction de la mobilité entre les pays ont entrainé une baisse historique de l'immigration en France, qui devrait se poursuivre en 2021 selon Hippolyte d'Albis, directeur de recherche au CNRS et professeur à l'École d'économie de Paris. « Les organisations sont capables de résister à des chocs temporaires, mais elles se transforment quand les crises durent », poursuit-il, inquiet face aux conséquences à moyen-terme de la baisse de l'immigration.

D'une part, l'immigration a un rôle procyclique sur l'économie : des études récentes montrent son impact positif sur le revenu moyen du pays d'accueil en période de croissance, mais aussi sur le niveau de chômage et le solde des finances publiques. À l'inverse, une baisse de l'immigration accroit la récession en période de crise.

Plus inquiétant encore, la généralisation du télétravail pourrait se traduire par un dumping social, en particulier pour les métiers qualifiés. Les entreprises pouvant désormais recruter des non-résidents travaillant à distance, les emplois nationaux feront face à une nouvelle forme de concurrence.

3. L'état de l'Europe post-Covid

Avec l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, l'Europe peut oublier ses craintes de tensions outre-Atlantique, estime Jean Pisani-Ferry, professeur ­d'économie à Sciences Po et à la Hertie School de Berlin. Elle doit désormais se concentrer sur quatre risques majeurs qui la menacent en 2021 après la pandémie.

Le premier est d'ordre politique : alors que le Royaume-Uni ou Israël ont investi dans des stratégies innovantes vacciner rapidement un maximum de personnes, l'Union européenne a choisi d'adopter une stratégie de minimisation des coûts qui lui est largement reprochée. Les conflits politiques au sein de l'Europe risquent aussi de s'accentuer avec le creusement de l'écart entre les pays forts et les pays faibles au sortir de la pandémie.

À ces tensions politiques s'ajoute un double-défi économique : d'une part, l'Union doit réformer le Pacte de Stabilité et de Croissance pour l'aligner sur la réalité des crises qu'elle traverse. Par ailleurs, le plan de relance européen de 750 milliards d'euros ne semble toujours pas efficace. Annoncé il y a huit mois déjà, il est urgent de lancer les discussions avec les pays pour enclencher les transferts exceptionnels de la BCE vers les États membres, à hauteur de 10% du PIB national.

4. La menace du décrochage scientifique

« Un renoncement à la science et à des secteurs hautement stratégiques s'est installé au fil des années en France », s'inquiète Dominique Reynié, professeur à Science Po et directeur général de la Fondapol. En 2019, la France obtenait 495 points au classement PISA du niveau en mathématiques des élèves, à peine plus que la moyenne générale de l'OCDE. À ce rythme, elle risque de prendre un retard considérable dans la recherche scientifique : dans le domaine de l'édition des génomes par exemple, 41% des brevets ont été déposés par les États-Unis, 41% par la Chine et seulement 9% pour le pays de Pasteur.

La France risque aussi de voir ses cerveaux scientifiques fuir à l'étranger alors que la pandémie de Covid-19 appelle à la mobilisation des chercheurs. Dans un contexte de forte défiance à l'égard de la science, certains ont choisi de mener leurs travaux aux États-Unis, comme la française Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie 2020.

5. Le défi de la dette publique

Sur l'ensemble de l'année 2020, la France a emprunté 260 milliards d'euros sur les marchés à des taux négatifs, ce qui signifie qu'elle s'est enrichie en s'endettant. C'est la magie du "quoi qu'il en coûte". Et pour Alain Trannoy, directeur d'étude à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, plusieurs facteurs portent à croire que cette tendance à l'emprunt va continuer en 2021 : en parallèle du plan de relance européen qui soutient les États membres dans leurs politiques de rachats d'actifs, la BCE et l'Allemagne se montrent solidaires du reste de l'Europe. Il existe un excédent mondial d'épargne depuis plusieurs années et aucune inflation n'est pas à prévoir dans les prochains mois.

Cependant, l'économiste met en garde contre plusieurs menaces qui pèsent sur les politiques de rachats d'actifs en 2021. D'une part, l'arrivée des États-Unis sur les marchés de capitaux dans le cadre du vaste plan de relance annoncé par Joe Biden pourrait créer des tensions avec les acteurs européens. D'autre part, l'anticipation d'une crise durable pourrait faire remonter des taux actuellement très bas et alors alourdir les charges des emprunteurs.

6. Les dangers d'une austérité budgétaire

Sera-t-il possible de rembourser la dette liée au Covid-19 sans augmenter les impôts ? À cette question Dominique Plihon, professeur d'économie financière à l'Université Paris XIII et membre d'Attac France, répond par la négative. Mais cela n'implique pas non plus d'avoir recours à l'austérité prônée par le gouvernement. En effet, c'est la rigueur budgétaire qui a conduit la France à réduire son stock stratégique de masques depuis plusieurs années et à manquer aujourd'hui de lits d'hospitalisation. De plus, l'austérité a un effet procyclique sur l'activité économique et elle risquerait d'accélérer la récession. Enfin, la charge de la dette française liée au Covid-19 est en réalité en baisse : le maintien probable des taux d'intérêt négatifs dans les mois à venir rend donc la dette soutenable.

Pour rééquilibrer ses dépenses publiques, le gouvernement doit surtout utiliser la fiscalité, estime-t-il. En concentrant notamment les prélèvement sur les entreprises qui ont le plus profité de la crise et sur les plus aisés, la France accélérera le remboursement de la dette et rétablira en même temps la justice sociale.

7. Le risque de crise sociale

La pandémie de Covid-19 a aggravé un contexte social déjà fragilisé en France, analyse Françoise Benhamou, professeur à Science Po et à l'Ecole Normale Supérieure. En effet, la crise a eu un premier impact sur les travailleurs détachés et les indépendants : 80% d'entre eux déclarent réaliser un chiffre d'affaire inférieur de 40% à celui de 2019. Ensuite, 23% des ménages déclarent s'être appauvris pendant le premier confinement, en particulier les plus modestes. Enfin, un tiers des élèves qui ont des difficultés à travailler disent avoir travaillé plus de trois heures par jour, une proportion qui atteint 50% chez les bons élèves.

La pandémie a donc augmenté les inégalités entre les travailleurs, entre les milieux sociaux et entre les villes, et ces disparités menacent de diviser le pays en 2021. Pour anticiper cette crise sociale, Françoise Benhamou considère qu'il est essentiel de revenir à l'activité pour revitaliser les centres-villes. Cela passe notamment par le ré ouverture de certains lieux culturels ou sportifs, ainsi que par des systèmes de récompense aux actions comme le click and collect.

8. La question intergénérationnelle

Il y a 9,2 millions de jeunes âgés de 18 ans à 24 ans en France, une exception européenne et un atout immense estime Jean-Hervé Lorenzi, professeur à l'université Paris-Dauphine et président du Cercle des économistes. Pourtant, leur situation s'est fortement dégradée depuis le début de la crise liée au Covid-19 et les mesures pour leur venir en aide tardent à arriver.

La jeunesse française est aujourd'hui soumise à un risque financier, psychologique et pédagogique : 12% des jeunes vivent sous le seuil de pauvreté en France, plus de 21% n'ont pas d'emploi et 13% sont exclus du système d'enseignement supérieur. Face à ces chiffres préoccupants, le gouvernement a investi 6,7 milliards d'euros pour la formation et l'aide à l'embauche. Mais pour Jean-Hervé Lorenzi, ces mesure restent insuffisantes : il faut aller plus loin en créant un RSA destiné aux jeunes ou en multipliant les écoles de la deuxième chance.

Commentaires 2
à écrit le 23/02/2021 à 12:28
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Coucou Margaux

à écrit le 22/01/2021 à 8:48
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Seulement huit, vous avez bien compté ? ^^

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