Italie : Mario Monti appelle à voter "non" au référendum constitutionnel

L'ancien président du conseil appelle à rejeter le projet de réforme constitutionnelle de Matteo Renzi. Pourquoi ? Parce qu'elle est proposée par Matteo Renzi... Une sortie pas forcément inquiétante pour le chef du gouvernement italien.
Mario Monti veut voter "non" le 4 décembre.

C'est une annonce qui peut surprendre. Le « grand réformateur » adoubé en 2011 par l'Union européenne et la BCE, Mario Monti, a appelé dans un entretien publié ce mardi 18 octobre dans le quotidien milanais Corriere della Sera à voter « non » au référendum constitutionnel convoqué le 4 décembre prochain par Matteo Renzi. Cet appel est d'autant plus étonnant que celui qui est toujours sénateur à vie avait voté voici deux ans en faveur de ladite réforme au Palazzo Madama, siège de la chambre haute italienne et que, dans le même entretien, l'ancien président du conseil affirme soutenir les points clés de la réforme, notamment la fin du bicamérisme parfait.

Pourquoi Mario Monti appelle à voter non

Alors pourquoi ce coup d'éclat ? Mario Monti explique que « voter oui au référendum signifierait voter oui au maintien des Italiens dans la dépendance de la générosité de l'Etat ». « Ce serait un oui à ne pas maintenir avec eux un rapport de citoyens adultes et mûrs face à l'Etat », poursuit-il. Autrement dit, Mario Monti refuse de soutenir une réforme de la constitution si cette dernière ne s'accompagne pas d'un changement de « méthode de gouvernement ». Or, pour le Sénateur depuis « trois ans », autrement dit depuis qu'il a quitté le Palais Chigi, siège de la présidence du Conseil, l'opinion publique italienne a été « innondée de bonus fiscaux, de largesses ou d'autres dépenses publiques pour qu'elle accepte cette méthode ». Selon Mario Monti, les difficultés de l'Italie ne sont pas constitutionnelles, mais reposent sur « la corruption, l'évasion fiscale et l'utilisation de l'argent de demain par la classe politique pour se défendre contre sa propre impopularité ».

« Ou moi, ou rien »

Mario Monti estime donc que, depuis qu'il a quitté le pouvoir, les élites politiques italiennes « achètent » l'opinion par des dérives budgétaires. Puisque soutenir le « oui » au référendum ne changerait rien à cet état de fait, voire l'aggraverait dans la mesure où le président du Conseil Matteo Renzi tente d'utiliser son projet budgétaire comme un argument électoral, l'ancien commissaire européen préfère voter « non ». Il y a clairement dans cette démarche une volonté de dénigrer l'action des deux gouvernements qui lui ont succédé, celui d'Enrico Letta, puis celui de Matteo Renzi. En bref, Mario Monti suggère que si la réforme est bonne, il faut la rejeter en raison de ceux qui la proposent. Cette réforme aurait donc le désavantage absolu de ne pas avoir été proposée par... Mario Monti. Ce dernier soigne ainsi sa propre légende, celle d'un chef de gouvernement authentiquement « réformateur » quand celui de l'actuel président du conseil ne serait que « démagogique ». Au mieux, il prépare sa postérité, au pire un retour en politique...

Optimisme en cas de « non »

Quant au risque d'une déstabilisation politique si, comme il l'a évoqué, Matteo Renzi démissionnait en cas de « non » ? Mario Monti l'écarte de la main : « Je ne vois pas de raisons pour lesquelles Matteo Renzi démissionnerait en cas de non, mais s'il le fait, il n'y aurait pas de secousses particulières. » Il estime que la majorité parlementaire restera solide et qu'un autre premier ministre remplacerait l'ancien maire de Florence. En tout cas, Mario Monti est persuadé que l'Europe ne doit pas s'inquiéter de l'évolution italienne : « l'Italie ne tombera pas ». Ce point de vue est intéressant, car Mario Monti a encore beaucoup d'auditeurs attentifs à Bruxelles. Or, la Commission européenne, selon l'édition de ce mercredi 19 octobre de la Repubblica, serait prête à réclamer, fin novembre, des modifications au projet de budget italien. Matteo Renzi a annoncé un projet de budget incluant des mesures de relance et un déficit de 2,3 % du PIB contre 1,8 % du PIB prévu. Si la Commission, comme Mario Monti, estime que le référendum du 4 décembre n'est pas crucial pour la stabilité italienne, il pourrait, quelques jours avant le vote sanctionner le projet du gouvernement.

Mario Monti, un politique sans influence

Reste à savoir si cette sortie de Mario Monti et les menaces bruxelloises posent problème à un Matteo Renzi qui revient d'un voyage à Washington où il a reçu l'appui de Barack Obama. En réalité, Mario Monti n'a plus d'impact réel sur la politique italienne depuis sa cuisante défaite de février 2013 où son parti, « Scelta civica » (choix citoyen), avait obtenu à peine plus de 10 % des voix. Son parti était entré, par la suite, dans la majorité gouvernementale et avait soutenu les exécutifs tant honnis aujourd'hui par le sénateur à vie. Du reste, ce dernier, de plus en plus absent du terrain italien, a laissé son parti - qui n'est plus qu'anecdotique dans les sondages - a tellement abandonné son parti qu'il s'est fragmenté. Mario Monti n'est que peu écouté par les Italiens, car sa politique a laissé dans la Péninsule un souvenir terrible. C'est le gouvernement Monti qui a conduit à la crise politique actuelle que connaît le pays et qui n'a pas su le relever économiquement. Autant dire que ce n'est pas le « non » de Mario Monti qui décidera de l'issue du scrutin le 4 décembre. Mais il dénote l'isolement croissant, dans sa propre majorité, de Matteo Renzi.

Le « oui » contre le système ?

Reste que ce dernier pourra, du coup, jouer sur cet isolement. L'abandon d'une partie des « vieilles barbes » du parti démocrate et, maintenant, du chantre de l'austérité, est autant d'opportunité pour le président du Conseil de défendre l'image d'un « oui » qui serait un vote contre le « système » et, ainsi, de damer le pion à l'opposition eurosceptique sur son propre terrain. Du reste, selon les deux derniers sondages parus lundi, le « non » demeure en tête, mais l'écart se réduit. Selon Tecnè, le « non » convainc 52 % des électeurs contre 53 % voici un mois. Selon IPR, le « non » obtiendrait 51,5 % contre 54 % voici un mois. Les indécis demeurent entre 17 % et 18 %. L'issue du vote demeure donc très incertaine.

Commentaires 2
à écrit le 20/10/2016 à 7:49
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"Sénateur à vie"... Rien que l'énoncé de cette incongruité au 21ème siècle devrait faire comprendre à son bénéficiaire le caractère illégitime de son privilège, car on ne peut pas mieux incarner "ceux d'en haut" contre "ceux d'en bas".

à écrit le 19/10/2016 à 16:25
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Cet "eurocrate" a fait son beurre et ses choux gras à la Commision de Bruxelles, en y défendant une vision "libéralo-stalinienne" ; puis les Italiens l'ont rejeté, tant il incarnait durement auprès des siens le Gouverneur "missi-dominici" envoyé par ...

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