Pierre-André de Chalendar (Saint-Gobain) : « Plus que jamais, la France et l'Allemagne doivent s'arrimer »

 FR : Pierre-André de Chalendar, je me souviens vous avoir vu, il y a quelques années, en train de lire « Histoire de l\'Allemagne », de Joseph Rovan....P-A de C. : En effet, je goûte particulièrement la lecture de livres sur l\'histoire en général. A l\'époque à laquelle vous faites référence, je ne dirigeais pas encore Saint-Gobain, mais l\'une de ses grandes activités, et nous venions de réaliser une acquisition importante en Allemagne. J\'y allais chaque mois, et comme je ne suis pas germaniste de par mes études, j\'avais besoin de mieux comprendre l\'Allemagne, et commencer par l\'histoire de ce pays ne me paraissait pas un mauvais choix...Depuis, je suis d\'ailleurs devenu germaniste par procuration si l\'on peut dire, puisque mes quatre enfants parlent l\'allemand et que l\'un d\'entre eux poursuit ses études en Allemagne.Pensez-vous qu\'il existe toujours des problèmes de compréhension entre Français et Allemands ?Il me semble évident que subsistent entre nos deux pays des problèmes de compréhension, en effet. Il y a en France une vraie difficulté à comprendre l\'Allemagne, que nous ne connaissons pas suffisamment, qui est un pays encore jeune comparé à la France, et qui, depuis quelques années, a emprunté des voies économiques différentes des nôtres. Mais cela ne doit pas occulter l\'essentiel. Je suis un Européen convaincu et pour moi, le rapprochement entre la France et l\'Allemagne est une nécessité majeure, et nous avons le devoir d\'arrimer encore plus étroitement nos deux pays.Quand vous faites allusion aux voies économiques différentes suivies par les deux pays, que voulez-vous dire ?Il y a dix ans, on nous disait un peu partout que l\'Allemagne était malade, que son modèle était au bout du rouleau et que la France allait s\'en sortir beaucoup mieux que son voisin d\'outre-Rhin. Nous, en tant qu\'industriels, savions que ce discours était en grande partie faux, car nous voyions de près comment se transformaient les entreprises allemandes. Aujourd\'hui, on ne peut que constater que c\'est l\'économie allemande qui a le plus bénéficié de l\'euro, et que la monnaie unique accorde une prime à ceux qui ont l\'inflation la plus faible. La crise de la zone euro n\'est pas tant une crise de la dette qu\'une crise classique née de l\'évolution divergente des balances extérieures d\'un certain nombre de pays membres. Et je ne vois pas ces divergences se corriger de façon spectaculaire dans un avenir proche, même si, sous l\'effet des ajustements opérés dans ces deux pays, les exportations de l\'Espagne et de l\'Italie augmentent. Ce qui ne bouge pas pour l\'instant, c\'est l\'écart de performances entre la France et l\'Allemagne.A quoi attribuez-vous ces performances de l\'industrie allemande ?L\'appareil industriel allemand, spécialisé dans le milieu et le haut de gamme, est particulièrement bien adapté aux besoins des économies émergentes. La position de l\'Allemagne en termes de coûts de production est meilleure que celle de la France. Les entreprises industrielles allemandes sont moins sensibles que les autres à la hausse de l\'euro, pour les raisons que je viens d\'énoncer.Que représente l\'Allemagne pour le groupe Saint-Gobain ?L\'Allemagne est le troisième marché du groupe après la France et les Etats-Unis. Nous y réalisons environ 10% de notre chiffre d\'affaires. Cela est du à l\'ancienneté de notre présence, dans le verre notamment. En fait, le grand verrier allemand, c\'est Saint-Gobain, et nos concurrents en Allemagne n\'opèrent que dans certains secteurs de l\'industrie verrière. L\'Allemagne c\'est aussi pour nous un centre important de recherche et de développement, dans les métiers du vitrage et de l\'isolation notamment. Nous avons à Aix-La-Chapelle un important centre de recherche et nous travaillons étroitement avec les universités et centres de recherches allemands. Beaucoup de nos cadres, dans les différentes activités de Saint-Gobain, sont Allemands. Nos quatre patrons de métiers sont germanistes... Notre relation à l\'Allemagne est donc forte, solide et contribue à la richesse culturelle et managériale de notre groupe.Quelle analyse faites-vous de l\'Allemagne aujourd\'hui ?Les Allemands ne veulent pas dominer l\'Europe, contrairement à ce que je vois écrit et dit ici et là. Ils ont envie et besoin d\'être arrimés à l\'Europe. Ils naviguent à leur aise au sein des institutions européennes où ils retrouvent une culture du consensus et du fédéralisme à laquelle ils sont accoutumés. On ne peut guère leur reprocher de faire ce qu\'ils ont toujours fait : le choix de l\'industrie. Vous remarquerez que la plupart des grandes décisions économiques prises par le gouvernement visent, directement ou indirectement, à encourager l\'industrie allemande, à renforcer le site de production allemand. Cette stratégie fait l\'objet d\'un assez large consensus au sein de l\'opinion publique, où les débats idéologiques le cèdent aux considérations d\'efficacité économique, voire mercantilistes. Faut-il les pointer du doigt pour cela ? Certainement pas. Mais il ne faut pas que les autres grands pays européens, y compris la France, restent au bord du chemin. C\'est cela, pour moi, le vrai motif d\'inquiétude.>> Retrouvez tous les articles bu blog Un Voyage en Allemagne
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