Menaces sur l'assurance-vie

Placement préféré des Français, l'assurance-vie est perçue comme un placement sûr et rentable. Mais trois éléments d'actualité conduisent à se demander si elle pourra le rester : la réforme des taux de rendement garantis, l'évolution des taux des obligations et l'augmentation des exigences de fonds propres.Taux plafonnés Cette semaine, Christine Lagarde, ministre de l'Économie, a publié un arrêté modifiant le mode de calcul des taux minimum garantis sur les fonds en euros des assurances-vie (lire « Qu'est-ce que l'assurance-vie »). L'objectif est d'éviter que les assureurs fassent des « promesses déraisonnables » de rendement pour conquérir des clients. Cette réforme vise aussi à rétablir l'équité entre nouveaux et anciens assurés. Il doit s'appliquer à partir de janvier 2010. Est-ce à dire que les compagnies ont pris dans la période récente des risques dangereux pour l'épargne gérée ? Non, car la réglementation actuelle plafonne déjà le taux garanti en fonction des rendements passés. Et la capacité des assureurs à honorer leurs engagements de rendement est contrôlée par l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Aucun assureur n'a été signalé comme étant en difficulté malgré la crise financière. Néanmoins, la réforme veut apporter plusieurs améliorations au mécanisme des taux garantis.Promotions trompeusesL'arrêté ministériel fixe une enveloppe annuelle globale que l'assureur pourra consacrer au financement de taux garantis afin de renforcer la sécurité financière des compagnies. Sutout, elle vise à améliorer l'équité entre les assurés en empêchant que les résultats financiers acquis à la collectivité des souscripteurs soient utilisés pour offrir des taux garantis bonifiés pour les seuls nouveaux clients, comme pouvaient le pratiquer certaines sociétés. Si l'assureur veut proposer à de nouveaux assurés un taux garanti supérieur aux taux moyen de revalorisation offert sur ses contrats pour les autres assurés, il devra à partir de l'an prochain le financer sur ses ressources propres. De plus, pour éviter les promotions trompeuses et de trop courte durée, le texte de Christine Lagarde encadre la durée de ces taux garantis par un minimum de 6 mois et un maximum de deux ans, c'est-à-dire la fin de l'année suivant le taux promotionnel. Courte échéanceCertains parmi les défenseurs des consommateurs estiment toutefois que ces promotions auraient dû être purement et simplement interdites car ils « contribuent à déformer l'esprit d'analyse des épargnants. Pour un placement de long terme comme l'assurance-vie, ils doivent choisir sur d'autres critères que des taux promotionnels à courte échéance ». Pierre Michaud, directeur général de Capma & Capmi (groupe Monceau Assurances). Pour sa part, Stanislas di Vittorio, fondateur du site comparateur d'assurance sur Internet Assurland, estime que « les consommateurs connaissent mieux les assurances dommages que l'assurance-vie ». Pour cette raison, le taux de rendement lui semble rester un puissant critère de choix des épargnants. « L'un des métiers d'Assurland est d'essayer au-delà du prix ou du rendement, de décomposer les éléments du contrat sur lesquels les gens s'engagent », ajoute-t-il.Les taux à la loupeLe dernier point important de la réforme porte sur le calcul des taux minimum. Il ne s'appuie plus seulement sur les performances passées du contrat mais tient compte de l'évolution des marchés obligataires. Les obligations d'État ou privées constituent en effets 80 % à 95 % des actifs sur lesquels les assureurs investissent les fonds en euros (lire l'article sur le krach obligataire). L'évolution des taux des obligations a des conséquences sur la performance des portefeuilles de placement des assureurs et donc sur la rémunération des fonds en euros des assurances-vie.La remontée des taux que prédisent de nombreux économistes si elle est lente et régulière sera plutôt favorable aux assureurs et aux assurés. « Une remontée régulière des taux nous permet d'améliorer la performance de notre portefeuille et donc d'augmenter les rendements servis aux assurés. C'est un scénario très positif », estime Odette Césari, directeur des investissements d'Axa France (lire l'interview « Nous achetons des protections contre la hausse des taux »). Cette remontée permettra aux compagnies de placer les capitaux à un taux plus élevé et donc d'améliorer progressivement la performance financière de leurs investissements. Remontée dangereuseSi cette remontée des taux est brutale, elle permettrait à certains acteurs de proposer des produits financiers avec des rémunérations très attractives qui de ce fait feraient une forte concurrence aux contrats d'assurance-vie assis sur des obligations anciennes moins bien rémunérées. Les assureurs craignent dans cette hypothèse une sortie massive de capitaux d'assurance-vie. « Nous pourrions nous retrouver alors contraints de devoir vendre des actifs en moins-values. C'est pourquoi depuis dix ans nous avons décidé d'acheter des protections pour les actifs correspondant aux contrats d'assurance-vie individuelle », explique Odette Césari, d'Axa France. Tous les assureurs ne sont cependant pas intégralement couverts pour ce risque qui est examiné à la loupe par l'autorité de contrôle. Des normes de solvabilitéUne autre difficulté de taille s'impose aux assureurs vie qui vont devoir appliquer à compter de 2012 de nouvelles normes européennes de solvabilité. Actuellement en cours de définition, elles soulèvent un tollé dans la profession car elles augmentent considérablement les exigences de fonds propres. Selon une étude du cabinet d'actuaires Milliman publiée dans La Tribune le 15 février, les sociétés d'assurance en Europe devraient augmenter leurs fonds propres de 20 à 30 milliards d'euros. Les assureurs n'ont pas manqué de souligner que ces nouvelles exigences les obligeraient à augmenter leurs prix, autrement dit les frais appliqués aux clients. Par ailleurs, la gestion des actifs risque d'être pénalisée par ces normes qui imposent un besoin de fonds propres élevé lorsqu'une société investit en actions. Or, même si elles ne représentent qu'une faible part des actifs des assureurs (entre 5 % et 10 % en général), les actions permettent parfois de dégager des plus-values servant à donner un coup de pouce aux taux de rendement des fonds en euros d'assurance-vie de l'année afin de freiner l'érosion de la performance obligataire. Le rendement moyen des fonds en euros à capital garanti a atteint 3,6 % en 2009 contre 3,9 % en 2008 et 4,1 % en 2007. Une inflation soustraite le rendement qui s'élève à 2,6 %, à comparer avec les 1,25 % du livret A à ce niveau, l'assurance-vie en euros reste un placement sûr et rentable.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.