Nicolas Sarkozy : toutes les réformes qu'il prévoit encore

Le chef de l'Etat a lancé les chantiers de la dernière étape du quinquennat. Réforme de la fiscalité, notamment des revenus du patrimoine, prise en charge de la dépendance, mesures pour l'emploi, notamment soutien aux licenciés économiques et aux jeunes, taxe sur les transactions financières pour aider au développement de l'Afrique : voici avec la sécurité et la volonté de maîtriser l'immigration les axes de sa reconquête espérée de l'opinion.
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Protecteur, homme de «devoir» et «responsable au regard de l'avenir». Nicolas Sarkozy a entamé mardi soir à la télévision une opération de reconquête de l'opinion, avec l'élection présidentielle de 2012 en ligne de mire.
 

Alors qu'un sondage Harris Interactive montre que 64% des Français ne font pas confiance au nouveau gouvernement, le chef de l'Etat, qui s'exprimait sur TF1, France 2 et Canal Plus, a souligné sa «grande confiance» en François Fillon. «Le meilleur Premier ministre de la France, j'ai considéré que c'était François Fillon», a insisté Nicolas Sarkozy. «Nous travaillons ensemble sans aucun nuage depuis des années», a-t-il ajouté, en réponse aux «commentaires» qui sont «libres» dans la presse. Il a d'ailleurs rendu un hommage appuyé à Jean-Louis Borloo, qui «rendra d'autres services à la France», et à Eric Woerth.

"Ne confondez pas les Français et les commentateurs"
 

«Ne confondez pas les Français et les commentateurs, les Français attendent que j'ai des résultats, que je les protège et que l'économie reparte», a lancé Nicolas Sarkozy.
Le chef de l'Etat a voulu répondre aussi à ceux qui se sont émus à gauche mais aussi à droite de la constitution d'un gouvernement «UMP-RPR». «Je reste convaincu qu'il faut s'ouvrir, ce n'est pas un gouvernement partisan, c'est un gouvernement resserré», a-t-il dit. «Et naturellement, à partir du moment où il y a moins de ministres, il y a moins de représentants de toutes les formations politiques. Avec François Fillon, d'ailleurs, nous avons écarté du gouvernement plus de personnalités UMP que de toutes les autres formations».
Nicolas Sarkozy s'est dit décidé à conserver le gouvernement qui vient d'être constitué jusqu'au bout de son quinquennat, «sauf imprévu». «J'ai voulu en renommant François Fillon et en confirmant les principaux ministres donner de la stabilité», «de la solidité», a-t-il souligné.

Le chef de l'Etat s'est appuyé sur l'adoption de la réforme des retraites pour se poser en «protecteur» et en serviteur de «l'intérêt général». Il a convoqué pour sa défense les propos de Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI et socialiste, en faveur d'un allonfement de la durée de cotisation. Pour lui, «personne ne croit» au contre-projet du PS français, qui prévoit de rétablir l'âge légal de départ en retraite à 60 ans, contre 62 ans dans la réforme gouvernementale.
«Je ne suis pas un homme qui fuit ses responsabilités», a répété Nicolas Sarkozy, avant de dévoiler la réforme fiscale, plat de résistance de la dernière étape du quinquennat. «On va vers une suppression du bouclier fiscal, de l'ISF et la création d'un impôt sur le patrimoine», a-t-il dit en excluant toutefois des augmentations d'impôt.
Il a aussi annoncé la mise en place en 2012 d'un système d'assurance-dépendance pour les personnes âgées.

La réforme ?de la dépendance sur les rails
 

«Nous réglerons la question de la dépendance (...) et apporterons une réponse à l'angoisse des gens». Nicolas Sarkozy a donné mardi soir le coup d'envoi d'un processus qui devrait, selon lui, déboucher sur la création à l'automne prochain «d'un nouveau risque, une nouvelle branche de la Sécurité sociale», la dépendance.
 

Selon le calendrier énoncé par le Chef de l'Etat, cette réforme, qui sera précédée d'une grande consulation devrait durer 6 mois, sera introduite dans le budget de la Sécurité sociale présenté à l'automne 2011. Rappelant qu'en 2040, la population des plus de 60 ans aura progressé de +30% voire +50%, le président de la République a évoqué la nécessité d'aboutir à un «système juste et équitable» pour qu'une personne âgée où «qu'elle se trouve sur le territoire puissse vivre dignement chez elle ou dans une maison». Sur le financement, le Chef de l'Etat, qui a indiqué a évoqué pliusieurs pistes sans en retenir une plutôt qu'une autre. Du système assurantiel, à la hausse de la CSG en passant par le recours sur successions.

Favoriser l'emploi des jeunes
 

Hasard du calendrier, la bonne nouvelle a été rendue publique par le ministère de l'Emploi mardi matin, quelques heures à peine avant l'intervention télévisée du chef de l'Etat. Au troisième trimestre, l'économie française a créé 44 600 emplois dans le secteur marchand, soit une progression de 0,3%.  Surtout, pour la première fois depuis la crise de 2008, la courbe est repartie à la hausse sur un an, avec 98 600 créations nettes enregistrées sur douze mois.

Mais l'exécutif ne peut pas se contenter de ce résultat. Mardi, le chef de l'Etat a annoncé deux axes d'action. Le premier est d'obtenir, lors de la négociation de la convention d'assurance chômage qui doit être conclue entre les partenaires sociaux d'ici à fin mars, la généralisation du contrat de transition professionnelle (CTP). Aujourd'hui réservé à quelques bassins d'emploi, ce CTP assure aux licenciés économiques un meilleur accompagnement. Le second est de renforcer la formation en alternance en faveur des jeunes.
La feuille de route de Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation, est de doubler le nombre de contrats en alternance, (600 000 aujourd'hui). «On va se battre. Le chômage reculera l'année prochaine. Il n'y a pas de fatalité», a conclu Nicolas Sarkozy.

Le bouclier fiscal et l'ISF seront supprimés
 

La «feuille de route» a été clairement définie : le gouvernement va engager une réforme fiscale afin d'aboutir à un projet de loi de finances rectificatives au printemps 2011. Et Nicolas Sarkozy a été clair : l'ISF (impôt sur le revenu) et le bouclier fiscal seront supprimés. en contrepartie, sera créé «un nouvel impôt sur le patrimoine», fondé sur un principe : au lieu de taxer le patrimoine en tant que tel, il s'agira de «taxer les revenus du patrimoine et les plus-values du patrimoine». Ce sera «l'axe» de la réforme, a annoncé le Chef de l'Etat, qui a par ailleurs confirmé qu'il n'y aurait pas d'augmentation des impôts.
 

La logique de la réforme fiscale est d'assurer une convergence avec le premier partenaire économique de la France, l'Allemagne. Aujourd'hui, le déficit de compétitivité avec ce pays est «inacceptable», a martelé le président de la République : «il faut créer les conditions d'une zone à fiscalité homogène». L'Allemagne a supprimé l'impôt sur la fortune et le bouclier fiscal, elle privilégie une fiscalité à assiette large et à taux réduit. C'est là matière à réflexion, en particulier pour l'impôt sur les sociétés, a précisé le Chef de l'Etat. Au passage, Nicolas Sarkozy a souligné que le bouclier fiscal «n'était pas du tout ce qu'on a dit», et qu'il «avait bien conscience des aspirations des Français à plus de justice». «Mais plus de justice n'est pas égalitarisme », a conclu Nicolas Sarkozy.

Les partenaires sociaux mobilisés

Prendre les devants pour ne pas se laisser piéger par l'agenda social du chef de l'État. Tel est l'objectif que poursuivent les leaders syndicaux et patronaux depuis que se dessine la fin du conflit autour des retraites. Il y a plusieurs jours déjà, François Chérèque, de la CFDT, avait tendu la main à Laurence Parisot en lui proposant d'ouvrir une négociation sur l'emploi des jeunes.
 

Depuis ce week-end, la présidente du Medef a repris le flambeau en envoyant un courrier aux leaders syndicaux pour les convier à des rencontres bilatérales afin de construire un agenda social. Avec un triple objectif : accélérer les discussions en cours sur le paritarisme et les institutions représentatives du personnel, fixer les modalités des négociations obligatoires sur l'assurance chômage et les retraites complémentaires, et ouvrir de nouvelles discussions sur l'emploi.

Par cette démarche, Laurence Parisot tente de sacraliser un « domaine réservé » pour les partenaires sociaux. N'hésitant pas à mettre le chef de l'État en garde contre toute velléité d'intrusion.  « Au c?ur de la pensée du nouveau gouvernement, il doit y avoir le respect de l'espace des partenaires sociaux. Nous avons déjà démontré par le passé que nous étions capables d'être créatifs à condition qu'on nous laisse le temps nécessaire à la discussion. Et que les interférences dans notre travail ne soient pas tous azimuts », a prévenu Laurence Parisot, mardi, lors de sa conférence de presse mensuelle.
 

Nul doute que cette mise en garde, émise quelques heures avant l'intervention télévisée du chef de l'État, soit partagée par l'ensemble des leaders syndicaux et patronaux.
Tous ont, en effet, mal vécu l'année 2009 durant laquelle la pression de l'exécutif avait été maximale, notamment dans le domaine de la formation ou du chômage partiel. En 2010, le chantier des retraites, voulu par le chef de l'État, avait écrasé tous les autres dossiers. Pas question, cette fois, de se laisser piéger, ni de se laisser instrumentaliser par un président en campagne électorale. Même si tous doutent mezzo vocce de leur capacité à résister si le chef de l'État décide de piétiner leurs plates-bandes.

Câlinothérapie

Pour la dernière ligne droite avant les présidentielles, le chef de l'Etat devait ce soir, lors de son intervention télévision, tenter de s'afficher en président protecteur, voir se livrer à un exercice de « câlinothérapie » en direction des Français touchés par la crise. Il ne devrait toutefois pas réitérer l'exercice de février 2009 lorsqu'il avait, devant 15 millions de téléspectateurs, ciblé les classes moyennes. Celles-ci avaient bénéficié quelques jours plus tard, à l'issue d'un sommet social, d'un vaste train de mesures destinées à améliorer leur pouvoir d'achat dont le montant atteignait 2,6 milliards d'euros pour l'Etat.
 

Ce soir, faute de moyens pour mettre en place une politique sociale d'envergure, le chef de l'Etat pourrait à nouveau annoncer le partage des profits des entreprises. Une promesse faite lors de sa précédente intervention, mais restée jusqu'à présent lettre morte. Après le remaniement annoncé dimanche soir, l'intervention de Nicolas Sarkozy est très attendue. En effet, même si ça et là des signaux de reprise se font jour, les Français restent très marqués par la crise. Et ont le moral en berne.

Un portrait social d'une France touchée par la crise

La crise a en effet eu « des répercussions fortes sur le marché du travail », confirme l'Insee dans l'édition 2010 de « France, Portait social », publiée mercredi. Le rapport note ainsi que « l'activité se contracte de 2,6 % en 2009. C'est le plus fort recul du PIB depuis l'après-guerre : lors des récessions de 1975 et 1993, le PIB avait baissé de l'ordre de 1 % », rappelle l'Insee. Conséquence : en 2009, l'économie française a perdu 257.000 emplois, principalement au 1er semestre. Quant au taux de chômage, il a augmenté de 2,4 points entre le 1er trimestre 2008 et le 4e trimestre 2009.
« Les jeunes ont été particulièrement touchés par la crise. En France, 40 % des chômeurs ont moins de 30 ans », précise Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'Insee. Quant à la hausse du taux de chômage des 50 ans ou plus, au cours de l'année 2009, elle a « surpris par sa rapidité, comme par son ampleur » (+1,6 point en 2009), même si dans le même temps, elle s'est accompagnée d'une hausse du taux d'emploi.
La crise a également frappé dûrement les chômeurs de longue durée. Leur part parmi l'ensemble des chômeurs est repartie à la hausse, passant de 32,3 % au 1er trimestre 2009 à 39,1 % au 2e trimestre 2010. Sur le plan salarial, la situation n'est pas rose non plus. En 2009, dans les entreprises privées de plus de 10 salariés, le salaire moyen de base a légèrement ralenti (+2,2 %), après +3 % en 2008. Un ralentissement très légèrement plus marqué pour les ouvriers et les employés que pour les professions intermédiaires et les cadres.

Ce soir l'objectif était donc de rassurer les Français. Car même si elles se sont atténuées, leurs craintes face au chômage persistent.

Projet de taxe sur les transactions financières pour aider l'Afrique

Sarkozy a résumé sa conception de la présidence française du G20, effective depuis quelques jours. le Chef de l'Etat a décliné les différentes priorités de cette présidence, mettant l'accent sur la réforme du système monétaire international, car, a-t-il estimé, «depuis les accords de Bretton Woods, on ne peut plus rester dans cette pagaille monétaire». Il a confirmé la prochaine tenue d'un séminaire sur le sujet en Chine, qu'il présiderait lui même avec les Chinois. Pour contrer la « spéculation inadmissible », Nicolas Sarkozy s'est engagé à réformer le marché des matières premières.

Enfin, le chef de l'Etat a indiqué son intention de proposer en janvier un nouveau système de taxation sur les transactions financières » avec l'objectif d'apporter une aide au développement du continent africain. La France « veut montrer l'exemple », a souligné Nicolas Sarkozy, en précisant que Paris serait accompagné dans cette initiative par une petit groupe de pays.
 

Aux yeux du président de la République, la gouvernance économique internationale doit s'accompagner de régulations, «si on ne veut pas de protectionnisme».
Plus tôt dans la journée, François Fillon avait lui même rappelé que la France proposerait, durant sa présidence du G20 , une réforme du système monétaire et une «réflexion» sur la gouvernance mondiale.

Nouveau casting pour l'Elysée


Le nouvel organigramme de l'Élysée devrait être connu ce mercredi ou jeudi. D'ores et déjà, on sait que Claude Guéant est confirmé au secrétariat général de la présidence. Un Claude Guéant un peu plus discret médiatiquement pour ne pas froisser François Fillon comme cela a été le cas à diverses reprises depuis 2007. « Il intervient quand le président le lui demande et il intervenait déjà bien moins depuis plusieurs mois », nuance Frank Louvrier, le conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, qui, lui aussi, reste à son poste - crucial pour la préparation de la bataille de 2012.

Raymond Soubie, conseiller social du chef de l'État, devrait quitter l'Élysée la semaine prochaine pour être remplacé par Jean Castex, lequel avait dirigé le cabinet de Xavier Bertrand à la Santé et au Travail et qui retrouvera donc son ancien patron pour mener les chantiers sociaux de la fin du quinquennat.
Le conseiller économique Xavier Musca reste à son poste, en pleine présidence française du G20. Tout comme le conseiller diplomatique Jean-David Levitte.

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