"Les perspectives de la France sont simplement médiocres"

Economiste à la Deutsche Bank, Gilles Moec fait un point sans concession sur les perspectives de l'économie française. Selon lui, il y a urgence à réformer le marché de l'emploi.
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L'économie française était au plus mal il y a encore quelques semaines, l'Insee ayant même annoncé qu'elle était entrée en récession. Finalement, l'activité repart. Comment appréhendez vous l'exercice 2012 ?

Tout le monde a été surpris par l'augmentation de l'activité au quatrième trimestre 2011. Mais au-delà de ce rebond technique, il est certain que le ciel s'est un peu dégagé pour la France comme l'indiquent les récentes enquêtes de conjoncture. La crise européenne désormais plus efficacement traitée, les acteurs économiques retrouvent un peu d'allant. C'est le cas notamment du secteur bancaire qui, si l'on en croit les perspectives de la Banque de France, pourraient prochainement desserrer légerement l'accès au crédit. Ceci étant, les perspectives ne sont pas réellement réjouissantes. Les perspectives de l'économie française ne sont plus dramatiques, elles sont simplement médiocres. Nous tablons ainsi sur une croissance annuelle du PIB de 0,3 % en 2012.

Ce niveau d'activité est-il assez élevé pour réduire le nombre de chômeurs qui a encore augmenté en février ?

Non. Au-dela du choc conjoncturel, pour réduire le taux de chômage, il faudrait surtout des réformes structurelles qui, pour l'instant, ne sont pas dans les cartons des candidats à l'élection présidentielle.

Que faudrait-il faire ?

Il faudrait déjà prendre conscience que le marché du travail en France fonctionne encore excessivement au bénéfice des « insiders », c'est-à-dire les personnes sous CDI, laissant en périphérie ceux qui alternent CDD et chômage. Les jeunes, en particulier ceux issus des minorités, et de maniere croissante les seniors, en sont souvent exclus. Au final, la production de richesses est assurée en France par une part assez restreinte de la population, ou les personnes âgées de 25 à 45 ans surqualifiées sont sur-représentées. C'est aussi ce qui permet à la France d'afficher un taux de productivité horaire parmi les plus élevés au monde.

Concrètement, que faudrait-il faire ?

Il faudrait notamment réformer le marché du travail de telle façon que les entreprises prennent un risque plus mesuré lorsqu'elles embauchent. C'est parce qu'embaucher est risqué qu'elles rationnent la quantité de travail et sélectionnent à outrance les candidats. Résultat, beaucoup de Français compétents et méritants restent sur le carreau. L'un des paradoxes francais, c'est qu'un haut niveau de protection de l'emploi co-existe avec une grande anxiété vis-a-vis du chomage. En caricaturant, ceux qui ont un CDI vivent dans l'angoisse de le perdre un jour, estimant qu'une telle chance ne se reproduira pas. C'est une configuration génératrice de beaucoup de stress et d insatisfaction dans les entreprises françaises.

Les échéances électorales pèsent-elles sur vos anticipations ?

Pas à court terme. Les programmes des deux poids lourds divergent au final assez peu sur l'orientation des politiques économiques. Par ailleurs, aucun des favoris n'a encore proposé de mesure « coup de poing » présentée come capable de modifier sensiblement la trajectoire de l'économie française. Parce que la France est confrontée a ses limites budgetaires - un élément maintenant sans doute intégré par les français- un candidat qui ferait de telles promesses prendrait probablement le risque de se discréditer.

Les conséquences de la dégradation de la note de la dette souveraine de la France par Standard & Poor's ont été quasi-nulles. Le France, et sa capacité à rééquilibrer ses finances publiques, sont-elles redevenues crédibles pour les marchés ?

Le prochain gouvernement bénéficiera de toute maniere d'une période de grâce accordée par les agences de notation. Mais celle-ci prendra fin probablement vers septembre avec la présentation du projet de loi de finances. Il livrera un certain nombre d'indications sur les intentions du prochain gouvernement en matière de réduction des déficits publics. Si la France s'écarte de son objectif de réduire à 3% son déficit budgétaire par rapport au PIB en 2013 - ce qui n'est envisage par aucun des deux « poids lourds » - il est certain que les investisseurs, et donc, les agences de notation, reconsidéreront leur point de vue sur la question.
 

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